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Ariane Web: Conseil d'État 462274, lecture du 13 décembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:462274.20221213

Décision n° 462274
13 décembre 2022
Conseil d'État

N° 462274
ECLI:FR:CECHR:2022:462274.20221213
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Julien Fradel, rapporteur
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public


Lecture du mardi 13 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 462274, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 mars et 5 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I... B... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille.


2° Sous le n° 463175, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 avril, 15 juillet et 15 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Liberté éducation demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




....................................................................................

3° Sous le n° 463177, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 avril, 15 juillet et 15 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Liberté éducation demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-183 du 15 février 2022 relatif à la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires exercés contre les décisions de refus d'autorisation d'instruction dans la famille ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




....................................................................................

4° Sous le n° 463210, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 avril, 15 juillet et 15 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Les enfants d'abord demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




....................................................................................

5° Sous le n° 463212, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 avril, 15 juillet et 10 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Les enfants d'abord demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-183 du 15 février 2022 relatif à la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires exercés contre les décisions de refus d'autorisation d'instruction dans la famille ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




....................................................................................

6° Sous le n° 463320, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 avril et 13 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... F..., Mme K... D..., Mme E... G..., Mme L..., Mme N... et Mme H... J... demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-183 du 15 février 2022 relatif à la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires exercés contre les décisions de refus d'autorisation d'instruction dans la famille ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




....................................................................................

7° Sous le n° 466467, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 7 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Les enfants d'abord demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 modifiant l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




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8° Sous le n° 468228, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 octobre et 21 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande d'abrogation du décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille ;

2°) d'enjoindre à la Première ministre de procéder à l'abrogation demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021, notamment son article 49 ;
- la décision n° 2021-823 DC du Conseil constitutionnel du 13 août 2021 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'association Liberté éducation, à la SCP Spinosi, avocat de l'association Les enfants d'abord ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 13 décembre 2022, présentées par l'association Liberté éducation, sous les numéros 463175 et 463177 ;



Considérant ce qui suit :

1. L'article 49 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a réformé le régime de l'instruction dans la famille à compter de la rentrée scolaire 2022. À cet effet, il a modifié l'article L. 131-2 du code de l'éducation pour prévoir que l'instruction obligatoire serait donnée dans les établissements et écoles publics ou privés et qu'elle ne pourrait, par dérogation, être dispensée en famille par les parents ou par toute personne de leur choix que sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l'article L. 131-5 du même code.

2. Aux termes de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la même loi : " Les personnes responsables d'un enfant soumis à l'obligation scolaire définie à l'article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé ou bien, à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, lui donner l'instruction en famille. / Les mêmes formalités doivent être accomplies dans les huit jours qui suivent tout changement de résidence. / La présente obligation s'applique à compter de la rentrée scolaire de l'année civile où l'enfant atteint l'âge de trois ans. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : / 1° L'état de santé de l'enfant ou son handicap ; / 2° La pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; / 3° L'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ; / 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille. / L'autorisation mentionnée au premier alinéa est accordée pour une durée qui ne peut excéder l'année scolaire. Elle peut être accordée pour une durée supérieure lorsqu'elle est justifiée par l'un des motifs prévus au 1°. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de délivrance de cette autorisation. / L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation peut convoquer l'enfant, ses responsables et, le cas échéant, les personnes chargées d'instruire l'enfant à un entretien afin d'apprécier la situation de l'enfant et de sa famille et de vérifier leur capacité à assurer l'instruction en famille. / En application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, le silence gardé pendant deux mois par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation sur une demande d'autorisation formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d'acceptation. / La décision de refus d'autorisation fait l'objet d'un recours administratif préalable auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie, dans des conditions fixées par décret. / Le président du conseil départemental et le maire de la commune de résidence de l'enfant sont informés de la délivrance de l'autorisation. Lorsqu'un enfant recevant l'instruction dans la famille ou l'un des enfants du même foyer fait l'objet de l'information préoccupante prévue à l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, le président du conseil départemental en informe l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, qui peut alors suspendre ou abroger l'autorisation qui a été délivrée aux personnes responsables de l'enfant. Dans cette hypothèse, ces dernières sont mises en demeure de l'inscrire dans un établissement d'enseignement scolaire, dans les conditions et selon les modalités prévues à l'article L. 131-5-1 du présent code. / Lorsque, après concertation avec le directeur de l'établissement d'enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant, il est établi que l'intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l'enfant peuvent lui donner l'instruction dans la famille après avoir sollicité l'autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans le délai restant à courir avant que cette autorisation ne leur soit accordée ou refusée. (...) ". Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, dont il résulte que les enfants soumis à l'obligation scolaire sont, en principe, instruits dans un établissement ou école d'enseignement, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à ce que l'instruction d'un enfant dans la famille soit, à titre dérogatoire, autorisée, de rechercher, au vu de la situation de cet enfant, quels sont les avantages et les inconvénients pour lui de son instruction, d'une part dans un établissement ou école d'enseignement, d'autre part, dans la famille selon les modalités exposées par la demande et, à l'issue de cet examen, de retenir la forme d'instruction la plus conforme à son intérêt.

3. Il ressort des pièces des dossiers que M. B..., l'association Liberté éducation, l'association Les enfants d'abord ainsi que Mme F... et d'autres parents d'enfants soumis à l'obligation scolaire demandent, par les requêtes enregistrées sous les nos 462274, 463175, 463210 et 463320, l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille. Sous le n° 468228, la Fédération nationale de l'enseignement privé demande l'annulation pour excès de pouvoir du refus opposé implicitement par la Première ministre à sa demande d'abrogation de ce décret. par les requêtes enregistrées sous les nos 463177, 463212 et 463320, l'association Liberté éducation, l'association Les enfants d'abord ainsi que Mme F... et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-183 du 15 février 2022 relatif à la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires exercés contre les décisions de refus d'autorisation d'instruction dans la famille. Enfin, l'association Les enfants d'abord demande, par sa requête enregistrée sous le n° 466467, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 modifiant l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation, introduit par le décret n° 2022-183 du 15 février 2022. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour y statuer par une seule décision.

Sur les interventions de l'association Liberté éducation et de l'association UNIE :

4. L'association Liberté éducation justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de Mme F... et autres.

5. L'association UNIE justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de l'association Liberté éducation.

Sur le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 relatif aux modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille :

En ce qui concerne la consultation du Conseil d'Etat :

6. Il ressort de la copie de la minute de la section de l'administration du Conseil d'Etat, produite dans le cadre de l'instruction par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, que le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 ne comporte pas de dispositions qui différeraient à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par le Conseil d'Etat. par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat du projet de décret manque en fait.

En ce qui concerne le principe du régime d'autorisation de l'instruction dans la famille :

7. Aux termes de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ". Aux termes de l'article 53 de la même convention : " Aucune des dispositions de la présente convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l'homme et des libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante (...) ". L'article L. 131-5 du code de l'éducation, en ce qu'il prévoit que l'instruction dans la famille constitue une modalité dérogatoire de mise en oeuvre de l'instruction obligatoire et qu'elle est soumise à un régime d'autorisation préalable, ne méconnaît, par lui-même, ni le droit à l'instruction, ni le droit des parents à l'instruction de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques, tels qu'ils sont garantis par les stipulations précitées de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, contrairement à ce que soutient M. B..., les stipulations de l'article 53 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont ni pour objet ni pour effet de contraindre les Etats signataires de cette convention à maintenir en la matière un niveau de protection des droits et libertés plus élevé, résultant d'une législation existante, que celui requis par les stipulations de la convention. Le moyen tiré de ce que le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 fait application de dispositions législatives contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, par suite, qu'être écarté. Il ne saurait davantage être soutenu, pour le même motif, que ce décret a lui-même été pris en violation de ces stipulations, dès lors qu'il se borne à préciser les modalités de mise en oeuvre du régime d'autorisation institué par le législateur.

En ce qui concerne la période pour présenter les demandes d'autorisation :

8. En vertu de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, cité au point 2, l'autorisation d'instruction dans la famille " est accordée pour une durée qui ne peut excéder l'année scolaire ", une durée supérieure pouvant être prévue lorsque l'autorisation est justifiée par l'état de santé de l'enfant ou sa situation de handicap. L'article R. 131-11 du code de l'éducation issu du décret contesté prévoit que les demandes d'autorisation de l'instruction dans la famille doivent être adressées entre le 1er mars et le 31 mai inclus précédant l'année scolaire au titre de laquelle ces demandes sont formulées. Le décret contesté a également prévu la possibilité de solliciter la délivrance d'une autorisation en dehors de cette période pour des motifs tenant à l'état de santé de l'enfant, à sa situation de handicap ou à son éloignement géographique, ainsi qu'en cas de menace pour l'intégrité physique ou morale d'un enfant scolarisé.

9. Il ressort des pièces des dossiers que la fixation de la période mentionnée au point précédent pour solliciter une dérogation à l'instruction dans un établissement ou école d'enseignement, qui relève des modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille que le pouvoir réglementaire était compétent pour édicter, est cohérente avec le calendrier d'inscription des enfants dans ces établissements et permet que les parents souhaitant instruire leur enfant dans la famille aient, en principe, reçu une réponse définitive à leurs demandes d'autorisation avant la rentrée scolaire. En outre, ce calendrier n'est pas manifestement inapproprié aux cas de demandes présentées pour des motifs liés à la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ou pour une situation propre à l'enfant, dès lors que ces deux motifs de demande correspondent à des situations prévisibles. Au demeurant, il est toujours loisible à l'autorité administrative d'examiner, à titre gracieux, une demande formulée hors délai. par suite, les moyens tirés de ce que la fixation de cette période pour solliciter l'autorisation d'instruction dans la famille serait entachée d'erreur de droit en ce qu'elle méconnaîtrait, par elle-même, l'intérêt supérieur de l'enfant, la liberté d'enseignement, le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la santé et la liberté d'aller et venir, et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne les justificatifs du domicile et des identités :

10. L'article R. 131-11-1 du code de l'éducation issu du décret contesté prévoit que toute demande d'autorisation comporte notamment un document justifiant du domicile des personnes responsables de l'enfant, un document justifiant de l'identité de l'enfant et un document justifiant de l'identité des personnes responsables de l'enfant. Comme le fait valoir le ministre en défense, les articles L. 264-1 et D. 264-1 du code de l'action sociale et des familles permettent aux personnes sans domicile stable d'élire domicile auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale ou auprès d'un organisme agréé à cet effet et de se voir remettre une attestation d'élection de domicile. par suite, le moyen tiré de ce que les personnes nomades seraient dans l'impossibilité de produire un document justifiant de leur domicile manque en fait. par ailleurs, l'article R. 131-11-1 du code de l'éducation permet au demandeur de justifier de son domicile, de son identité et de l'identité de l'enfant par tout document probant, l'autorité compétente portant le cas échéant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'appréciation qui lui revient sur l'authenticité et la valeur probante des pièces produites. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l'article R. 131-11-1 est, faute d'avoir précisé la liste des justificatifs susceptibles d'être présentés, entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les demandes d'autorisation motivées par l'état de santé de l'enfant ou sa situation de handicap :

11. L'article R. 131-11-2 du code de l'éducation, issu du décret contesté, prévoit que, d'une part, lorsque la demande d'autorisation est motivée par l'état de santé de l'enfant, elle comprend un certificat médical qui est transmis sous pli fermé à un médecin de l'éducation nationale qui rend un avis sur la demande et, d'autre part, lorsque la demande est motivée par la situation de handicap de l'enfant, le certificat médical est celui prévu par l'article R. 146-26 du code de l'action sociale et des familles et qu'y sont jointes les décisions relatives à l'instruction de l'enfant de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Il résulte en outre de ces dispositions que le médecin de l'éducation nationale rend, en tenant compte de ces documents, un avis sur la demande d'instruction dans la famille au vu de l'état de santé ou de la situation de handicap de l'enfant. par suite, les moyens tirés de ce que ces dispositions seraient imprécises et méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles, relatives aux compétences de la maison départementale des personnes handicapées, dont relève la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne les demandes d'autorisation motivées par la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives :

12. L'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoit que l'autorisation d'instruction dans la famille, qui constitue une dérogation au principe d'instruction dans un établissement ou école d'enseignement, peut être accordée en cas de pratique d'activités sportives ou artistiques intensives. L'article R. 131-11-3 du code de l'éducation issu du décret contesté dispose que ces demandes comprennent une attestation d'inscription auprès d'un organisme sportif ou artistique et une présentation de l'organisation du temps de l'enfant, de ses engagements et de ses contraintes établissant qu'il ne peut fréquenter assidûment un établissement d'enseignement public ou privé. En exigeant que soient produits, à l'appui des demandes de dérogation, tous documents utiles permettant de justifier de la réalité et de l'intensité de la pratique sportive ou artistique de l'enfant, pour l'année scolaire en cours et, autant que de possible, pour l'année scolaire à venir, afin d'établir qu'elle n'est pas compatible avec son instruction dans un établissement d'enseignement, le décret attaqué n'a, en tout état de cause, pas été édicté en méconnaissance du principe d'égalité.

En ce qui concerne les demandes d'autorisation motivées par l'itinérance en France ou l'éloignement géographique d'un établissement scolaire public :

13. L'article R. 131-11-4 prévoit que lorsque la demande d'autorisation est motivée soit par l'itinérance en France des personnes responsables de l'enfant rendant impossible une fréquentation assidue d'un établissement public ou privé, soit par l'éloignement géographique de tout établissement d'enseignement scolaire public, elle comprend toutes pièces utiles établissant cette situation. Cette disposition permet au demandeur de justifier le motif de sa demande par tout document utile, l'autorité compétente portant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'appréciation qui lui revient sur la valeur probante des pièces produites. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que ces dispositions seraient, par leur imprécision, entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les demandes d'autorisation motivées par la situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif :

14. L'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoit qu'une autorisation d'instruction dans la famille " est accordée pour les motifs suivants, sans que puissent être invoquées d'autres raisons que l'intérêt supérieur de l'enfant : / (...) 4° L'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille (...) ".

15. par sa décision n° 2021-823 DC du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les mots " à condition d'y avoir été autorisées par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation " figurant à l'article L. 131-5 du code de l'éducation sous une réserve énoncée au paragraphe 76 de cette décision. Le Conseil constitutionnel a estimé qu'en subordonnant l'autorisation à la vérification de la " capacité ... d'instruire " de la personne chargée de l'instruction de l'enfant, les dispositions contestées avaient entendu imposer à l'autorité administrative de s'assurer que cette personne est en mesure de permettre à l'enfant d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire. D'autre part, en prévoyant que cette autorisation est accordée en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", le législateur avait entendu que l'autorité administrative s'assure que le projet d'instruction en famille comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant. Il a jugé qu'il appartiendrait, sous le contrôle du juge, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille conformément à ces critères et aux autorités administratives compétentes de fonder leur décision sur ces seuls critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit.

16. Ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel, en prévoyant la délivrance par l'administration, à titre dérogatoire, d'une autorisation pour dispenser l'instruction dans la famille en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif " impliquent que l'autorité administrative, saisie d'une telle demande, contrôle que cette demande expose de manière étayée la situation propre à cet enfant, motivant, dans son intérêt, le projet d'instruction dans la famille et qu'il est justifié, d'une part, que le projet éducatif comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de cet enfant, d'autre part, de la capacité des personnes chargées de l'instruction de l'enfant à lui permettre d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire.

17. L'article R. 131-11-5 du code de l'éducation, issu du décret contesté, prévoit que ces demandes comprennent " 1° Une présentation écrite du projet éducatif comportant les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, à savoir notamment : / a) Une description de la démarche et des méthodes pédagogiques mises en oeuvre pour permettre à l'enfant d'acquérir les connaissances et les compétences dans chaque domaine de formation du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ; / b) Les ressources et supports éducatifs utilisés ; / c) L'organisation du temps de l'enfant (rythme et durée des activités) ; / d) Le cas échéant, l'identité de tout organisme d'enseignement à distance participant aux apprentissages de l'enfant et une description de la teneur de sa contribution ; / 2° Toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant ; / 3° Une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d'instruire l'enfant. Le directeur académique des services de l'éducation nationale peut autoriser une personne pourvue d'un titre ou diplôme étranger à assurer l'instruction dans la famille, si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles ; / 4° Une déclaration sur l'honneur de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ".

18. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision citée au point 15, en prévoyant que l'autorisation d'instruction dans la famille est accordée en raison de " l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif ", le législateur a entendu que l'autorité administrative s'assure que le projet d'instruction dans la famille comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant. Le pouvoir réglementaire a ainsi pu légalement prévoir, pour l'application de ces dispositions, que la présentation écrite du projet éducatif comporterait notamment des éléments sur la démarche et les méthodes pédagogiques mises en oeuvre et sur l'organisation du temps de l'enfant. par suite, les moyens tirés de ce que ces dispositions méconnaîtraient la liberté pédagogique et créeraient une discrimination illégale ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

19. En deuxième lieu, le législateur a prévu que la demande justifie de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille. L'article R. 131-11-5, contrairement à ce qui est soutenu, met en oeuvre, cette exigence en prévoyant que la demande comporte toutes pièces utiles justifiant de la disponibilité de cette personne, l'autorité compétente portant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, l'appréciation qui lui revient sur la valeur probante des pièces produites.

20. En troisième lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, il appartenait au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille afin que l'autorité administrative s'assure que la personne chargée de l'instruction de l'enfant est en mesure de permettre à l'enfant d'acquérir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture défini à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation au regard des objectifs de connaissances et de compétences attendues à la fin de chaque cycle d'enseignement de la scolarité obligatoire et que ses décisions soient fondées sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit. La nécessité de produire une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent à l'appui d'une demande d'autorisation de l'instruction dans la famille est de nature à établir que la personne chargée de l'instruction de l'enfant est effectivement en mesure de lui permettre d'acquérir ce socle commun et à éviter tout risque de discrimination dans l'examen des demandes d'autorisation. En outre, dès lors que les dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation citées au point 2 ne subordonnent pas les demandes d'autorisation d'instruction dans la famille fondées sur d'autres motifs à la vérification de la capacité des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille, le pouvoir règlementaire a pu légalement prévoir, à l'article R. 131-11-5 du code de l'éducation issu du décret attaqué, que le respect de cette exigence ne s'applique qu'aux demandes formulées pour le motif tiré de l'existence d'une situation propre à l'enfant. par suite, les moyens tirés de ce que les dispositions imposant de produire une copie du diplôme du baccalauréat ou de son équivalent de la personne chargée d'instruire l'enfant relèveraient du domaine de la loi, seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation et créeraient une discrimination illégale entre les enfants et les familles ne peuvent qu'être écartés. Ces dispositions ne méconnaissent pas non plus le principe d'égalité entre les personnes qui ont le baccalauréat et les personnes disposant d'un titre ou diplôme étranger que le directeur académique des services de l'éducation nationale peut autoriser à assurer l'instruction en famille si ce titre ou diplôme étranger est comparable à un diplôme de niveau 4 du cadre national des certifications professionnelles, la différence de traitement invoquée résultant de situations différentes.

21. En quatrième lieu, la nécessité de produire un engagement d'assurer l'instruction dans la famille majoritairement en langue française est prévue par les dispositions de l'article L. 131-5 du code de l'éducation. par suite, le moyen tiré de ce que la production d'une déclaration sur l'honneur d'assurer l'instruction majoritairement en langue française méconnaîtrait le principe d'égalité ne peut qu'être écarté comme inopérant.

22. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que les dispositions réglementaires attaquées précisent suffisamment les conditions et les modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction dans la famille quand la demande est fondée sur la situation propre à l'enfant. par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité et l'article L. 131-5 du code de l'éducation, faute d'être suffisamment précises, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le délai fixé pour la réception des pièces et informations manquantes :

23. L'article R. 131-11-6 du code de l'éducation dispose que le délai fixé par le directeur académique des services de l'éducation nationale pour la réception des pièces et informations manquantes ne peut être supérieur à quinze jours. Il ressort des pièces des dossiers que, s'agissant des pièces et informations exigées aux articles R. 131-11-1 à R. 131-11-9 du même code, le délai maximum de quinze jours pour produire d'éventuelles pièces manquantes à l'appui d'une demande d'autorisation adressée entre le 1er mars et le 31 mai inclus précédant l'année scolaire au titre de laquelle cette demande est formulée, n'est pas manifestement insuffisant, eu égard à la nécessité d'examiner cette demande dans un délai compatible avec la rentrée scolaire. par suite, le moyen tiré de ce que ce délai serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur ce point ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'instruction dans la famille en cas de harcèlement :

24. Aux termes du quatorzième alinéa de l'article L. 131-5 du code de l'éducation, dans sa version applicable à compter de la rentrée scolaire 2022 : " Lorsque, après concertation avec le directeur de l'établissement d'enseignement public ou privé dans lequel est inscrit un enfant, il est établi que l'intégrité physique ou morale de cet enfant est menacée, les personnes responsables de l'enfant peuvent lui donner l'instruction dans la famille après avoir sollicité l'autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article, dans le délai restant à courir avant que cette autorisation ne leur soit accordée ou refusée ".

25. L'article R. 131-11-7 du code de l'éducation issu du décret contesté prévoit qu'à l'issue de la concertation avec la famille, le directeur de l'établissement remet aux personnes responsables de l'enfant, lorsqu'elles s'orientent vers une demande d'instruction dans la famille de l'enfant, un avis circonstancié sur ce projet et que la demande d'autorisation comporte, outre les documents normalement requis, cet avis ainsi que tout document utile de nature à établir que l'intégrité physique ou morale de l'enfant est menacée. Il ressort de ces dispositions que l'avis du directeur d'établissement a pour seul objet de matérialiser la concertation entre l'équipe éducative et les parents et l'existence de menaces sur l'intégrité physique ou morale de l'enfant, les parents pouvant en outre produire à l'appui de leur demande d'autres documents et pièces utiles susceptibles d'établir l'existence de ces menaces. par suite, les moyens tirés de ce que ces dispositions, en raison de l'avis émis par le directeur de l'établissement, méconnaîtraient le droit à la liberté d'enseignement, le droit à la santé et seraient entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

En ce qui concerne les formalités incombant aux personnes responsables de l'enfant en cas de changement de résidence :

26. L'article R. 131-11-9 du code de l'éducation prévoit qu'en cas de changement de résidence, les personnes responsables de l'enfant ayant reçu l'autorisation prévue à l'article L. 131-5 du même code en informent dans les huit jours le directeur académique des services de l'éducation nationale qui a délivré l'autorisation, lequel en informe les maires des communes concernées. Cette information, qui a pour objet d'assurer le suivi et le contrôle des enfants soumis à l'obligation scolaire, permet la mise à jour de la liste scolaire établie par le maire en application de l'article R. 131-3 du code de l'éducation. Dès lors, le décret attaqué, en prévoyant que les personnes responsables de l'enfant disposent d'un délai de huit jours pour informer l'autorité administrative de leur changement de résidence, n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'inscription des élèves auprès d'un organisme délivrant un enseignement à distance :

27. Aux termes de l'article L. 131-2 du code de l'éducation : " L'instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille par les parents, par l'un d'entre eux ou par toute personne de leur choix, sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l'article L. 131-5. / Dans le cadre du service public de l'enseignement et afin de contribuer à ses missions, un service public du numérique éducatif et de l'enseignement à distance est organisé pour, notamment : (...) / 3° Assurer l'instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés dans une école ou dans un établissement scolaire, notamment ceux à besoins éducatifs particuliers (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 131-10 : " Les enfants soumis à l'obligation scolaire qui reçoivent l'instruction dans leur famille, y compris dans le cadre d'une inscription dans un établissement d'enseignement à distance, sont dès la première année, et tous les deux ans, l'objet d'une enquête de la mairie compétente, uniquement aux fins de vérifier la réalité des motifs avancés par les personnes responsables de l'enfant pour obtenir l'autorisation mentionnée à l'article L. 131-5 (...) ". Il ressort de ces dispositions qu'un élève inscrit auprès d'un établissement d'enseignement à distance est considéré comme recevant l'instruction dans la famille. En outre, l'article 8 du décret attaqué modifie l'article R. 426-2-1 du code de l'éducation pour prévoir que la délivrance d'une autorisation d'instruire l'enfant dans la famille pour les motifs mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 131-5 vaut avis favorable du directeur académique des services de l'éducation nationale pour l'inscription au Centre national d'enseignement à distance, l'avis du directeur académique étant requis pour toute inscription au Centre national d'enseignement à distance d'un élève relevant de l'instruction obligatoire. par suite, les moyens tirés, d'une part de ce que les dispositions réglementaires auraient dû distinguer l'instruction dans la famille et l'instruction dans le cadre d'un établissement d'enseignement à distance et, d'autre part de ce que les dispositions prévoyant que la délivrance d'une autorisation d'instruire l'enfant dans la famille pour les motifs prévus aux 1° à 3° de l'article L. 131-5 vaut avis favorable du directeur académique des services de l'éducation nationale pour l'inscription au Centre national d'enseignement à distance seraient entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

Sur les décrets n° 2022-183 du 15 février 2022 relatif à la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires contre les décisions de refus d'autorisation d'instruction dans la famille et n° 2022-849 du 2 juin 2022 modifiant l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation :

28. L'article L. 131-5 du code de l'éducation prévoit que la décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille fait l'objet d'un recours administratif préalable auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie, dans des conditions fixées par décret. Le décret n° 2022-183 du 15 février 2022 a introduit à cet effet les articles D. 131-11-10 à D. 131-11-13 dans le code de l'éducation. Le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 a modifié l'article D. 131-11-10.

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

29. Aux termes de l'article L. 231-1 du code de l'éducation : " Le Conseil supérieur de l'éducation est obligatoirement consulté et peut donner son avis sur toutes les questions d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation quel que soit le département ministériel intéressé. (...) ".

30. Il ressort des pièces des dossiers que le Conseil supérieur de l'éducation a été consulté, lors de sa séance du 18 novembre 2021, sur le décret n° 2022-183 du 15 février 2022. par suite, le moyen tiré ce que le Conseil supérieur de l'éducation n'aurait pas été consulté préalablement à l'édiction de ce décret manque en fait.

31. Le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022, qui a pour seul objet de modifier le délai courant à compter de la notification de la décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille pour saisir la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires contre ces décisions, ne soulève pas de question d'intérêt national concernant l'enseignement ou l'éducation au sens des dispositions de l'article L. 231-1 du code de l'éducation. L'association Les enfants d'abord n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'il aurait dû être soumis à la consultation du Conseil supérieur de l'éducation.

Sur la légalité interne :

32. Aux termes de l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-183 du 15 février 2022 : " Toute décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille peut être contestée dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite par les personnes responsables de l'enfant auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie ". Le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 a modifié les dispositions de cet article afin de substituer au délai de huit jours un délai de quinze jours. par ailleurs, l'article D. 131-11-12 prévoit que la commission dispose d'un délai d'un mois maximum pour se réunir à compter de la réception du recours administratif obligatoire et que sa décision est notifiée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réunion de la commission.

33. En premier lieu, l'obligation faite à l'article D. 131-11-10, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-183 du 15 février 2022, aux responsables légaux d'un enfant qui entendent contester la décision de refus d'autorisation dans la famille qui leur est opposée de former, dans un délai de huit jours, un recours administratif devant la commission précitée, à peine d'irrecevabilité de leur recours pour excès de pouvoir contre cette décision, méconnaît leur droit à un recours effectif, eu égard à la brièveté du délai leur étant laissé pour former un tel recours administratif préalable obligatoire, sans que cette brièveté n'apparaisse, en l'espèce, comme justifiée par les contraintes de la procédure en cause, alors que, par ailleurs, la commission dispose d'un délai d'un mois pour se prononcer sur leur recours et d'un délai de cinq jours pour leur notifier sa décision. par suite, l'article D. 131-11-10 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-183 du 15 février 2022, doit être annulé en tant qu'il fixe à huit jours le délai à compter de la notification écrite de la décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille pour saisir la commission.

34. En deuxième lieu, comme il a été dit au point 32, l'article D. 131-11-10 a été modifié par le décret n° 2022-849 du 2 juin 2022 pour prévoir que toute décision de refus d'instruction dans la famille pouvait faire l'objet d'un recours administratif préalable obligatoire dans un délai de quinze jours jour à compter de sa notification écrite et, par ailleurs, la commission dispose d'un délai d'un mois pour se prononcer sur ce recours. Eu égard, d'une part, à l'intérêt tenant à ce que le délai pour saisir la commission ne soit pas d'une durée trop importante pour éviter qu'il soit statué trop tard, au regard de la date de la rentrée scolaire, sur la demande d'autorisation d'instruction dans la famille, et d'autre part, à la circonstance que l'instruction du recours administratif préalable obligatoire ne fait pas obstacle à l'engagement d'une procédure de référé pour contester la décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille, les moyens tirés de ce que les délais prévus par l'article D. 131-11-10, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-849 du 2 juin 2022, et par l'article D. 131-11-12 porteraient atteinte au droit à un recours effectif, à la liberté d'enseignement et au droit au respect de la vie privée et familiale ne peuvent qu'être écartés.

35. En dernier lieu, l'article D. 131-11-11 du code de l'éducation, introduit par le décret n° 2022-183 du 15 février 2022, prévoit que la commission, présidée par le recteur d'académie ou son représentant, comprend en outre quatre membres : un inspecteur de l'éducation nationale, un inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional, un médecin de l'éducation nationale et un conseiller technique de service social. La circonstance que des inspecteurs de l'éducation nationale siègent au sein de la commission et que cette dernière puisse se réunir sans la présence d'un médecin ne saurait caractériser une méconnaissance du principe d'impartialité. En outre, aucun principe ni aucune disposition légale n'exige que les parents d'élèves soient représentés au sein de cette commission. par suite, les moyens tirés de ce que la composition de la commission présenterait un risque de partialité et aurait dû comprendre des représentants des parents d'élèves ne peuvent qu'être écartés.

36. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des dispositions des décrets n° 2022-182 du 15 février 2022 et n° 2022-849 du 2 juin 2022 qu'ils attaquent, ainsi que du refus de la Première ministre d'abroger le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 précité. par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse à la requête n° 468228, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la Première ministre d'abroger le décret n° 2022-182 du 15 février 2022 ne peuvent qu'être rejetées. Les requérants ne sont pas non plus fondés à demander l'annulation des dispositions du décret n° 2022-183 du 15 février 2022, à l'exception de la disposition qui fixe à huit jours le délai à compter de la notification écrite de la décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille pour saisir la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires contre cette décision.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

37. Au titre des requêtes nos 463177, 463212 et 463320, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, le versement des sommes demandées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées, d'une part, par l'association Liberté éducation au titre de la requête n° 463175, par l'association Les enfants d'abord au titre des requêtes nos 463210 et 466467 et par la FNEP au titre de la requête n° 468228 et, d'autre part, par l'association UNIE, qui n'est qu'intervenante et non partie au litige, tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui, dans ces instances, n'est pas la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions des associations Liberté éducation et UNIE sont admises.
Article 2 : L'article D. 131-11-10 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-183 du 15 février 2022, en tant qu'il fixe à huit jours le délai à compter de la notification écrite de la décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille pour saisir la commission devant laquelle sont formés les recours administratifs préalables obligatoires contre cette décision, est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 463177 de l'association Liberté éducation, n° 463212 de l'association Les enfants d'abord et n° 463320 de Mme C... F... et autres est rejeté.
Article 4 : Les requêtes n° 462274 de M. B..., n° 463175 de l'association Liberté éducation, nos 463210 et 466467 de l'association Les enfants d'abord et n° 468228 de la FNEP sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. I... B..., à l'association Liberté éducation, à l'association Les enfants d'abord, à la Fédération nationale de l'enseignement privé, à l'association Union nationale pour l'instruction et l'épanouissement, à Mme C... F..., première requérante dénommée dans la requête n° 463320, à la Première ministre et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.


Voir aussi