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Ariane Web: Conseil d'État 443208, lecture du 14 décembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:443208.20221214

Décision n° 443208
14 décembre 2022
Conseil d'État

N° 443208
ECLI:FR:CECHR:2022:443208.20221214
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Rozen Noguellou, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public


Lecture du mercredi 14 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 443208, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 7 septembre 2015 et 15 décembre 2015 par lesquelles le procureur général près la cour d'appel de Rennes a établi sa notation au titre de ses fonctions d'officier de police judiciaire pour les années 2013 et 2014, et d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de procéder à une nouvelle notation dans un délai de sept jours suivant la notification du jugement, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai.

Par un jugement n° 1600708 du 4 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé les décisions des 7 septembre et 15 décembre 2015 du substitut du procureur général près la cour d'appel de Rennes et a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de faire procéder à la notation d'officier de police judiciaire de M. A... pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 dans les deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 18NT02685 du 10 mars 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 21 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


2° Sous le n° 443209, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 mars 2016 par laquelle le procureur général près la cour d'appel de Rennes a établi sa notation au titre de ses fonctions d'officier de police judiciaire pour les années 2011 et 2012 et d'autre part, d'enjoindre au procureur général près la cour d'appel de Rennes de procéder à une nouvelle notation dans un délai de sept jours suivant la notification du jugement, sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai.

Par un jugement n° 1602858 du 4 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 17 mars 2016 du substitut du procureur général près la cour d'appel de Rennes et a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de faire procéder à la notation d'officier de police judiciaire de M. A... pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 dans les deux mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 18NT02684 du 10 mars 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice contre ce jugement.

Par un pourvoi et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 août et 18 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'organisation judiciaire ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;


1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 7 septembre 2015 du procureur général près la cour d'appel de Rennes, signée par le substitut général du parquet de la cour d'appel de Rennes, il a été attribué à M. A..., brigadier de police, au titre de son évaluation en qualité d'officier de police judiciaire, une note moyenne de 5,5/10 au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Par une décision du 17 mars 2016, également signée par le substitut général du parquet de la cour d'appel de Rennes, une note moyenne de 3.85/10 lui a été attribuée au titre des années 2011 et 2012, à la suite de l'annulation contentieuse pour vice de procédure dont une première décision de notation avait fait l'objet. Le tribunal administratif de Rennes a annulé pour excès de pouvoir ces décisions par deux jugements du 4 mai 2018, au motif que son auteur n'était pas compétent pour les prendre. Le garde des sceaux, ministre de la justice demande l'annulation des arrêts du 10 mars 2020 par lesquels la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 19-1 du code de procédure pénale : " La notation par le procureur général de l'officier de police judiciaire habilité est prise en compte pour toute décision d'avancement ". Aux termes de l'article D. 45 du code de procédure pénale : " Le procureur de la République, après avoir recueilli les observations du ou des juges d'instruction et, le cas échéant, des juges des enfants ainsi que celles du ou des présidents de chambres correctionnelles, établit, tous les deux ans, une proposition de notation des officiers de police judiciaire affectés dans un service ou une unité ayant son siège dans le ressort du tribunal, qu'il transmet au procureur général près la cour d'appel. / La notation est établie par le procureur général, après consultation, le cas échéant, des autres procureurs de la République concernés de son ressort, des présidents de la chambre de l'instruction, de la chambre des mineurs, de la chambre des appels correctionnels et des cours d'assises (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 34 du code de procédure pénale : " Le procureur général représente en personne ou par ses substituts le ministère public auprès de la cour d'appel et auprès de la cour d'assises instituée au siège de la cour d'appel " et aux termes de l'article L. 122-4 du code de l'organisation judiciaire : " Tout magistrat d'un parquet ou d'un parquet général peut exercer les fonctions du ministère public au sein de ce parquet ". En vertu de ces dispositions, les décisions prises en matière de notation des officiers de police judiciaire sur le fondement des dispositions des articles 19-1 et D. 45 du code de procédure pénale par le procureur général peuvent également être prises par tout magistrat du parquet placé sous l'autorité de celui-ci.

4. Par suite, en jugeant que la décision d'établir la notation d'un officier de police judiciaire ne pouvait, sans texte lui attribuant spécifiquement cette compétence, être prise par le substitut général du parquet de la cour d'appel sans délégation de signature à cet effet, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit qui justifie l'annulation de ses arrêts.

5. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à demander l'annulation des arrêts attaqués.


D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts du 10 mars 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B... A....
Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 14 décembre 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé


La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain



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