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Ariane Web: Conseil d'État 457835, lecture du 16 décembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:457835.20221216

Décision n° 457835
16 décembre 2022
Conseil d'État

N° 457835
ECLI:FR:CECHR:2022:457835.20221216
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Patrick Pailloux, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du vendredi 16 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, de condamner la région Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser les sommes de 10 210,28 euros, en paiement d'arriérés de supplément familial de traitement et d'indemnité de résidence pour les périodes du 1er mai au 31 décembre 2015 et du 1er mars au 31 décembre 2016, et de 12 716,55 euros en réparation du préjudice financier résultant de la diminution de son traitement à compter du 1er janvier 2017 et, d'autre part, d'enjoindre au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes de le rémunérer à hauteur de son salaire de l'année 2016, hors primes et indemnités. Par un jugement n° 1801384 du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné la région Auvergne-Rhône-Alpes à verser à M. A... l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement pour les périodes en cause, dans la limite de 10 210,28 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 19LY02703 du 26 août 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la région Auvergne-Rhône-Alpes contre ce jugement ainsi que les conclusions de M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 octobre 2021 et 27 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Auvergne-Rhône-Alpes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette ses conclusions d'appel ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la région Auvergne-Rhône-Alpes ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a été recruté par la région Auvergne-Rhône-Alpes à compter du 1er mai 2015 jusqu'au 31 décembre 2015, puis à compter du 1er mars 2016 jusqu'au 31 mars 2017, en qualité de collaborateur de groupe d'élus. A compter du 1er janvier 2017, sa rémunération a été modifiée en intégrant le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence, mais en réduisant son indice net majoré, pour aboutir à un montant total de rémunération inchangé. M. A... a demandé à la région Auvergne-Rhône-Alpes de rétablir à 591 son indice net majoré de rémunération à compter du 1er décembre 2016, de continuer à percevoir le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence sur cette base, et de lui verser le rappel de rémunération correspondant pour la période du 1er mai 2015 à novembre 2016, par un courrier du 4 décembre 2017 sur lequel la région Auvergne-Rhône-Alpes a gardé le silence. Par un jugement du 15 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné la région Auvergne-Rhône-Alpes à verser à M. A... l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement pour les périodes du 1er mai au 31 décembre 2015 et du 1er mars au 31 décembre 2016, dans la limite de 10 210,28 euros. La région Auvergne-Rhône-Alpes se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel en tant qu'il rejette, à son article 1er, l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales : " Le président du conseil régional peut, dans les conditions fixées par le conseil régional et sur proposition des représentants de chaque groupe, affecter aux groupes d'élus une ou plusieurs personnes. Le conseil régional ouvre au budget de la région, sur un chapitre spécialement créé à cet effet, les crédits nécessaires à ces dépenses, sans qu'ils puissent excéder 30 % du montant total des indemnités versées chaque année aux membres du conseil régional, charges sociales incluses ". Aux termes de l'article 110-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique, applicable au litige et désormais repris à l'article L. 333-12 du code général de la fonction publique : " Les agents contractuels recrutés sur le fondement du code général des collectivités territoriales pour exercer les fonctions de collaborateur de groupe d'élus sont engagés par contrat à durée déterminée pour une durée maximale de trois ans, renouvelable, dans la limite du terme du mandat électoral de l'assemblée délibérante concernée ". Aux termes de l'article 136 de la même loi : " Les agents contractuels (...) recrutés dans les conditions prévues par les articles 110 et 110-1 sont régis notamment par les mêmes dispositions que celles auxquelles sont soumis les fonctionnaires en application des articles 6, 7, 8, 10, 11, 17, 18, 20, premier à troisième alinéas, 21, avant-dernier et dernier alinéas, 23, 25, 26, 27, 28, 29 du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales ". Aux termes du premier paragraphe de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige et désormais repris à l'article L. 712-1 du code général de la fonction publique : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires ".

3. Il résulte des dispositions précitées que les dépenses résultant de l'affectation de collaborateurs aux groupes d'élus comprennent la rémunération de ces personnels, et que celle-ci inclut l'indemnité de résidence et, le cas échéant, le supplément familial de traitement. Par suite, la région Auvergne-Rhône-Alpes est fondée à soutenir qu'en jugeant que le supplément familial de traitement et l'indemnité de résidence n'étaient pas inclus dans les dépenses plafonnées en application de l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales, la cour a commis une erreur de droit, et à demander, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, l'annulation de l'article 1er de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et dans cette mesure, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

5. En premier lieu, si les dispositions de l'article L. 4132-23 du code général des collectivités territoriales imposent à la région d'assurer le respect du plafond des crédits nécessaires aux dépenses résultant de l'affectation de collaborateurs aux groupes d'élus ou, en cas de dépassement, d'en rétablir le respect dans les meilleurs délais au moyen de mesures de gestion appropriées, la circonstance que ce plafond serait dépassé ne saurait faire obstacle au versement des indemnités auxquelles ces agents ont droit.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, d'une part que la région n'a versé à M. A..., sur la période en litige, ni l'indemnité de résidence ni le supplément familial de traitement, d'autre part que la région ne conteste ni l'éligibilité de M. A... à ces compléments de rémunération ni le montant de 10 210,28 euros qu'il réclame à ce titre.

7. Dans ces conditions, la région n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'elle attaque, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à M. A... l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement afférents à la période du 1er mai 2015 au 31 décembre 2015, puis à celle du 1er mars 2016 au 31 décembre 2016, à hauteur de 10 210,28 euros.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 août 2021 est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel de la région Auvergne-Rhône-Alpes et celles qu'elle a présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la région Auvergne-Rhône-Alpes et à M. B... A....


Délibéré à l'issue de la séance du 30 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 16 décembre 2022.



Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Patrick Pailloux
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin


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