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Ariane Web: Conseil d'État 461279, lecture du 20 décembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:461279.20221220

Décision n° 461279
20 décembre 2022
Conseil d'État

N° 461279
ECLI:FR:CECHR:2022:461279.20221220
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. David Moreau, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SARL CABINET BRIARD ; SCP FOUSSARD, FROGER, avocats


Lecture du mardi 20 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Par une requête, un mémoire en réplique et trois nouveaux mémoires enregistrés les 8 février, 30 juin, 12 août, 2 novembre et 21 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cluster 17 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 février 2022 par laquelle la commission des sondages a ordonné au journal Marianne de publier une mise au point invitant les lecteurs à une prudence particulière dans l'appréciation de la pertinence des sondages réalisés par la société Cluster 17 ;

2°) d'ordonner à la commission des sondages de produire tous les documents préparatoires à la mise au point contestée, notamment les études qui auraient pu être établies par ses experts statisticiens ;

3°) de mettre à la charge de la commission des sondages la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 ;
- le décret n° 78-79 du 25 janvier 1978 ;
- le décret n° 80-351 du 16 mai 1980 ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Cluster 17 et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commission des sondages ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 novembre 2021, présentée par la commission des sondages ;


Considérant ce qui suit :

1. La commission des sondages a ordonné le 4 février 2022 à la société éditrice du journal Marianne, sur le fondement de l'article 9 de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion, de publier dans la version papier et sur le site en ligne de son magazine une mise au point invitant les lecteurs " à une prudence particulière dans l'appréciation de [la] pertinence " des sondages réalisés par la société Cluster 17 en vue de mesurer les intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2022. La société Cluster 17 demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

2. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion: " Un sondage est, quelle que soit sa dénomination, une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d'une population par l'interrogation d'un échantillon. / Sont régis par la présente loi les sondages publiés, diffusés ou rendus publics sur le territoire national, portant sur des sujets liés, de manière directe ou indirecte, au débat électoral. / Les personnes interrogées sont choisies par l'organisme réalisant le sondage de manière à obtenir un échantillon représentatif de la population concernée. / Sont assimilées à des sondages pour l'application de la présente loi les opérations de simulation de vote réalisées à partir de sondages liés au débat électoral ". L'article 5 de la même loi prévoit que la commission des sondages a " tout pouvoir pour vérifier que les sondages définis à l'article 1er ont été commandés, réalisés, publiés ou diffusés conformément à cette loi et aux textes réglementaires applicables ". L'article 1er du décret du 16 mai 1980 pris pour l'application de l'article 5 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion dispose que : " Les opérations concourant à la réalisation, à la publication et à la diffusion de sondages d'opinion définis à l'article 1er de la loi susvisée du 19 juillet 1977 doivent être effectuées de manière à en assurer la qualité et l'objectivité ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 5 de la même loi : " La commission des sondages est chargée d'étudier et de proposer des règles tendant à assurer dans le domaine de la prévision électorale l'objectivité et la qualité des sondages publiés ou diffusés tels que définis à l'article 1er. / La commission a tout pouvoir pour vérifier que les sondages définis à l'article 1er ont été commandés, réalisés, publiés ou diffusés conformément à la présente loi et aux textes réglementaires applicables ". En vertu de l'article 9 de la même loi : " La commission des sondages peut, à tout moment, ordonner à toute personne qui publie ou diffuse un sondage défini à l'article 1er commandé, réalisé, publié ou diffusé en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables ou en altérant la portée des résultats obtenus, de publier ou de diffuser une mise au point ou, le cas échéant, de mentionner les indications prévues à l'article 2 qui n'auraient pas été publiées ou diffusées. La mise au point est présentée comme émanant de la commission. Elle est, suivant le cas, diffusée sans délai et de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle de ce sondage, ou insérée dans le plus prochain numéro du journal ou de l'écrit périodique à la même place et en mêmes caractères que l'article qui l'a provoquée et sans aucune intercalation (...) ". Il résulte de l'article 13 du décret du 25 janvier 1978 pris pour l'application de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 que la commission notifie sa décision aux organismes qu'elle concerne ainsi que, le cas échéant, à l'auteur de la demande, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

4. En vertu de ces dispositions, il appartient à la commission des sondages, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, chaque fois que la qualité ou l'objectivité d'un sondage lui paraît en question, de demander la publication d'une mise au point appropriée quels que soient les résultats du sondage et cela même lorsqu'elle constate que le sens général du résultat ne lui apparaît pas susceptible d'être mis en cause. Ainsi, la commission des sondages est fondée à ordonner la publication d'une mise au point, dans des termes appropriés, dès lors que, au vu des éléments d'information dont elle dispose à la date de sa décision et en tenant compte, le cas échéant, de l'urgence qui s'attache à son intervention eu égard en particulier à la proximité du scrutin auquel un sondage se rapporte, elle n'est pas en mesure de s'assurer de la conformité d'un tel sondage aux exigences de la loi du 19 juillet 1977 et de ses décrets d'application, notamment lorsque la qualité ou l'objectivité de ce sondage lui paraît en question. La circonstance que, au vu d'éléments nouveaux portés à la connaissance de la commission postérieurement à la mise au point, celle-ci se révèlerait injustifiée ou inadaptée est sans incidence sur l'appréciation de sa légalité à la date à laquelle elle est intervenue, mais entraîne, ainsi que le rappelle l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'obligation pour la commission de l'abroger ou de la modifier.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 3° (...) imposent des sujétions ". La décision par laquelle la commission des sondages ordonne à une personne ayant diffusé un sondage réalisé, publié ou diffusé en violation de la loi du 19 juillet 1977 et des textes réglementaires applicables ou ayant altéré la portée des résultats obtenus, de publier une mise au point dans les conditions prévues à l'article 9 de cette loi impose des sujétions à cette personne et est ainsi au nombre des décisions individuelles défavorables, mentionnées au 3° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, qui doivent être motivées.

6. Il ressort de la décision notifiée à la société Cluster 17, qui reproduit la mise au point litigieuse, que celle-ci fait mention, d'une part, de l'article 9 de la loi du 19 juillet 1977 sur lequel elle est fondée et, d'autre part, précise les raisons pour lesquelles la commission a estimé que les conditions de réalisation des sondages en cause éveillaient des doutes quant à leur qualité et appelaient donc une prudence particulière des lecteurs dans l'appréciation de leur pertinence. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit par suite être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. L'article L. 122-2 de ce code prévoit que les mesures mentionnées à l'article L. 121-1 à caractère de sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant.

8. La mise au point prévue à l'article 9 de la loi du 19 juillet 1977 a pour objet non de sanctionner les manquements à cette loi et aux dispositions réglementaires prises pour son application, lesquels sont passibles des sanctions pénales prévues à son article 12, mais d'assurer la bonne information du public lorsque celle-ci a pu être faussée par la diffusion d'un sondage commandé, réalisé, publié ou diffusé en méconnaissance des règles qui lui sont applicables ou dont la portée des résultats a été altérée. S'il appartient à la commission des sondages de mettre à même, selon la nature des critiques retenues, la ou les personnes ayant commandé, réalisé, publié ou diffusé le sondage de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales sur la mise au point dont elle envisage d'ordonner la publication, cette décision, qui n'a pas le caractère d'une sanction, n'a pas à être précédée des garanties résultant de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration ou du principe général du droit de respect des droits de la défense.

9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la société Cluster 17 a été mise à même de faire valoir ses observations avant l'édiction de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision n'aurait pas été précédée d'une " procédure contradictoire " manque en fait. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la circonstance qu'elle n'aurait pas eu préalablement connaissance du deuxième " grief " que comporte la mise au point est sans incidence sur la légalité de celle-ci. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la société Cluster 17 a été informée, dans le cadre des échanges écrits et oraux qui ont précédé la décision attaquée, de l'ensemble des critiques qui figurent dans la mise au point litigieuse. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense ne peut qu'être écarté.

10. En troisième lieu, aucune disposition ni aucun principe n'impose que la commission des sondages qui, aux termes de l'article 6 de la loi du 19 juillet 1977, comprend notamment trois personnalités qualifiées en matière de sondages, fasse procéder à une expertise scientifique avant d'édicter une mise au point. Pour les mêmes raisons, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le décret du 25 janvier 1978 serait illégal au motif qu'il ne prévoit pas une telle expertise préalable.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

11. Il ressort des pièces du dossier que les sondages litigieux ont été réalisés par la société Cluster 17 entre novembre 2021 et janvier 2022 en recourant à la méthode dite des quotas qui vise à obtenir un échantillon de personnes présentant des caractéristiques socio-démographiques, en particulier le sexe, l'âge, la catégorie socio-professionnelle, la commune et la région de résidence, comparables à celles de la population pertinente, laquelle correspond en l'occurrence, eu égard à l'objet de ces sondages, au corps électoral de l'élection présidentielle de 2022. Les échantillons utilisés par la société ont été constitués, à titre principal, en envoyant aléatoirement à plusieurs centaines de milliers d'adresses de messagerie électronique figurant dans une base, dite " aléatoire ", de cinq à six millions d'adresses issue de l'achat en gros de fichiers en 2019, un questionnaire comportant plusieurs questions relatives à l'élection présidentielle ainsi que 30 questions sur des sujets politiques, économiques et sociaux, et demandant aux personnes interrogées de préciser leur sexe, leur âge, leur catégorie socio-professionnelle ainsi que leur commune et région de résidence, et d'indiquer s'ils sont ou non inscrits sur les listes électorales. Les échantillons ont été complétés par le recours à une base, dite " qualifiée ", d'environ 100 000 personnes ayant déjà répondu au moins une fois à un sondage de la société, et dont le profil a donc déjà été qualifié par celle-ci, afin d'atteindre les quotas requis. La commission des sondages a mis en cause la pertinence de cette méthode au motif, d'une part, que l'absence de contrôle de la société Cluster 17 sur l'origine des adresses figurant dans la base d'adresses de messagerie électronique et sur la qualification des personnes qu'elles représentent ne permettait pas d'assurer la représentativité des échantillons qui en étaient issus, et, d'autre part, que l'information donnée aux destinataires du questionnaire qu'il s'agissait d'une enquête en vue de l'élection présidentielle était susceptible d'entraîner une surpolitisation des répondants.

12. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la commission des sondages n'a pas commis d'erreur de droit en décidant, deux mois environ avant le scrutin présidentiel auquel les sondages de la société requérante se rapportent, d'ordonner une mise au point invitant le public à faire preuve d'une " prudence particulière " dans l'appréciation de la pertinence des sondages réalisés par la société Cluster 17 au motif qu'elle n'était pas en mesure, au vu des éléments présentés par la société, de s'assurer de la conformité du sondage aux exigences légales et qu'existaient des doutes sur la fiabilité de la méthodologie utilisée pour les réaliser.

13. En deuxième lieu, il ne résulte pas des termes de la mise au point litigieuse que la commission des sondages aurait reproché à la société de ne pas avoir eu recours à des panels constamment entretenus ou de ne pas avoir vérifié la représentativité de la base d'adresses électroniques elle-même. Par suite, les moyens tirés de ce que de tels griefs sont entachés d'erreur de droit ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

14. En troisième lieu, en estimant que les méthodes de la société Cluster 17 et la faiblesse de ses moyens ne permettaient pas de garantir la représentativité de l'échantillon utilisé pour la réalisation des sondages litigieux, la commission des sondages n'a nullement " inversé la charge de la preuve ", n'a pas fondé sa décision sur un raisonnement hypothétique en méconnaissance " du pluralisme " et de la liberté du commerce et de l'industrie, et ne s'est pas fondée sur ces motifs inopérants.

15. En quatrième lieu, d'une part, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, l'envoi de messages à quelques centaines de milliers d'adresses contenues dans la base " aléatoire " ne saurait être assimilé à la mise en oeuvre de la " méthode aléatoire " de sondage consistant à tirer au sort les personnes sondées parmi une base contenant la totalité, ou une partie très substantielle, de la population pertinente, qui comptait, en l'espèce, plus de 48 millions d'électeurs. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, celle-ci a recourt à la méthode classique dite des quotas.

16. D'autre part, il n'est pas contesté par la société requérante que la base dite " aléatoire " qu'elle a utilisée, qui repose sur une logique déclarative, ne présente pas de garantie de fiabilité quant à l'existence, au profil socio-démographique et à l'appartenance au corps électoral français déclarés des titulaires des adresses de messagerie auxquels les sondages ont été adressés et qui y ont répondu, eu égard aux conditions dans lesquelles ces adresses ont été acquises et à l'absence de dispositifs de vérification tels que l'obligation de fournir, lors de l'inscription, un numéro de téléphone donnant lieu à une vérification via l'envoi d'un SMS ainsi qu'une adresse physique, ou encore le contrôle de l'origine géographique de la connexion par l'adresse IP au moment de l'inscription. Il ressort ainsi des observations présentées par la société requérante devant la commission des sondages que les qualifications qui peuvent être associées aux adresses électroniques acquises par la société sont " dans la grande majorité des cas inexactes " et que celle-ci les considérait elle-même comme " largement inutilisables " et " de mauvaise qualité ". En outre, l'absence de qualification préalable des personnes susceptibles d'être interrogées à partir de cette base ne permet pas de réaliser un contrôle de cohérence entre les informations déclarées à différents stades de la relation entre l'institut et la personne interrogée. Si la société a par ailleurs évoqué à plusieurs reprises, comme elle l'affirme dans ses écritures contentieuses, qu'elle procédait à une reconstitution du vote des répondants constituant ses échantillons lors du scrutin présidentiel précédent afin de détecter et neutraliser d'éventuels biais politiques ou idéologiques, les dernières observations écrites qu'elle a présentées à la commission donnaient à penser que cette reconstitution ne concernerait que la base " qualifiée " composée des personnes ayant déjà répondu à une précédente enquête et ayant accepté d'y figurer, et non la base " aléatoire ". Enfin, la circonstance que les répondants ne bénéficient d'aucune rémunération ou récompense en contrepartie de leur participation au sondage n'est pas davantage de nature à prévenir les biais susceptibles d'affecter la base " aléatoire ".

17. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de remarques formulées par la commission des sondages lors d'une audition en date du 24 novembre 2021, la société Cluster 17 a utilisé les contrôles automatisés prévus dans l'application informatique à laquelle elle recourt, afin d'écarter des réponses multiples émanant d'une même personne, ou procédant d'un remplissage automatisé, excessivement rapide ou incohérent du questionnaire, ainsi que des réponses émanant d'une adresse IP localisée à l'étranger, de tels contrôles, qui ne visent qu'à éliminer des réponses de nature frauduleuse, ne répondent pas aux risques de biais relevés par la commission et rappelés au point précédent. Il en va de même du contrôle manuel réalisé postérieurement à ce contrôle automatisé, du reste avec des moyens très limités.

18. Dans ces conditions, au vu des informations imprécises et peu documentées fournies à la commission à la date de sa mise au point, et alors que la société requérante ne peut utilement soutenir, pour établir que la méthode utilisée était dépourvue de biais, que les résultats qu'elle a obtenus seraient proches de ceux obtenus par les autres instituts de sondage ou des résultats effectifs des élections, la commission des sondages n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'absence de contrôle sur l'origine des personnes figurant dans la base " aléatoire " et la faiblesse des moyens mis en oeuvre pour la qualification des répondants ne permettaient pas de s'assurer de la conformité du sondage aux exigences légales, notamment quant à la représentativité des échantillons utilisés, justifiant d'inviter les lecteurs, dans des termes mesurés, à faire preuve d'une " prudence particulière " dans l'appréciation de la pertinence des sondages réalisés par la société Cluster 17.

19. En dernier lieu, sans préjudice de leur publication par la commission des sondages elle-même, prévue à l'article 10 de la loi du 19 juillet 1977, l'article 9 de cette loi exige que ses mises au point bénéficient de la " même audience " que les sondages qui en sont l'objet. Il résulte de cette exigence que la mise au point litigieuse doit rester accessible aux lecteurs du journal Marianne en ligne aussi longtemps que les sondages réalisés par la société Cluster 17 avant l'intervention de celle-ci le sont eux-mêmes. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la publication de la mise au point ordonnée au journal Marianne, qui n'est pas une sanction, serait illégale au motif qu'elle ne comporte pas de durée déterminée.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions de la société Cluster 17, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.


D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Cluster 17 est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Cluster 17 et à la commission des sondages.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2022 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Isabelle Lemesle M. Nicolas Polge, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 20 décembre 2022.

Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz


Le rapporteur :
Signé : M. David Moreau


La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana




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