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Ariane Web: Conseil d'État 466270, lecture du 27 décembre 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:466270.20221227

Décision n° 466270
27 décembre 2022
Conseil d'État

N° 466270
ECLI:FR:CECHR:2022:466270.20221227
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
SCP LE GRIEL, avocats


Lecture du mardi 27 décembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er août, 28 septembre et 25 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... I..., Mme H... I... et Mme E... I... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 17 juin 2022 en tant qu'il autorise Mme J... K... et M. A... G... à changer leur nom respectivement en " K... I... " et " G... I... " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 2022-301 du 2 mars 2022 ;
- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 ;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Griel, avocat de Mme I... et autres ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 du même code : " Tout intéressé peut faire opposition devant le Conseil d'Etat au décret portant changement de nom dans un délai de deux mois à compter de sa publication au Journal
officiel ".

2. Par un décret du 17 juin 2022, Mme J... K... et son fils, M. A... G..., ont été autorisés, sur le fondement du second alinéa de l'article 61 du code civil, à changer leur nom pour ajouter à leur nom de famille celui de " I... ", porté par l'arrière-grand-mère maternelle de Mme K..., au motif d'éviter que ce nom s'éteigne. Mme D... I... et deux autres membres de la famille I... ont, en application des dispositions de l'article 61-1 du code civil, formé opposition à ce décret par la présente requête.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom : " Préalablement à la demande, le requérant fait procéder à la publication au Journal officiel de la République française d'une insertion comportant son identité, son adresse et, le cas échéant, celles de ses enfants mineurs concernés et le ou les noms sollicités. S'il demeure en France, une publication est, en outre, effectuée dans un journal désigné pour les annonces légales de l'arrondissement où il réside ". Le moyen tiré de ce que les demandes de changement de nom introduites par Mme K... et par M. G... n'auraient pas fait l'objet d'une publication dans les conditions prévues par ces dispositions manque en fait.

4. En second lieu, d'une part, le relèvement d'un nom afin d'éviter son extinction suppose qu'il soit établi que le nom en cause a été légalement porté par un ascendant de celui qui demande à changer de nom ou par un collatéral jusqu'au quatrième degré. La réalité de l'extinction alléguée s'apprécie à l'intérieur de la famille du demandeur du nom à relever, dans le cadre ainsi défini.

5. D'autre part, aux termes de l'article 61-3-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 2 mars 2022 relative au choix du nom issu de la filiation : " Toute personne majeure peut demander à l'officier de l'état civil de son lieu de résidence ou dépositaire de son acte de naissance son changement de nom en vue de porter l'un des noms prévus aux premier et dernier alinéas de l'article 311-21. (...) / (...) Le changement de nom est consigné par l'officier de l'état civil dans le registre de l'état civil en cours. Dans le cas prévu au premier alinéa du présent article, le changement de nom n'est consigné qu'après confirmation par l'intéressé devant l'officier de l'état civil, au plus tôt un mois après la réception de la demande. / (...) Le changement de nom acquis dans les conditions fixées au présent article s'étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu'ils ont moins de treize ans. Au-delà de cet âge, leur consentement est requis ".

6. Il résulte de l'instruction que le nom " I... " que Mme K... et M. G... ont été autorisés à ajouter, par le décret attaqué, à leur nom de famille est celui porté respectivement par leur arrière-grand-mère maternelle et arrière-arrière-grand-mère maternelle, et qu'à la date de ce décret, le nom revendiqué était en voie d'extinction dans la famille I... faute de porteurs susceptibles de le transmettre. Si les requérantes font valoir que la fille majeure de Mme D... I... porte désormais ce nom, par adjonction à son propre nom, à la suite de la demande qu'elle avait présentée sur le fondement des dispositions de l'article 61-3-1 du code civil, citées au point 5, entrées en vigueur le 1er juillet 2022, et que l'autre enfant majeur de cette requérante a entrepris des démarches aux mêmes fins, de telles circonstances, postérieures à l'édiction du décret contre lequel il est formé opposition, ne peuvent être utilement invoquées. Par suite, Mme K... et M. G... justifiaient d'un intérêt légitime à demander le changement de leur nom.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme D... I... et autres doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme D... I... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme D... I..., première requérante dénommée, à Mme J... K... I..., à M. A... G... I... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


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