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Ariane Web: Conseil d'État 462008, lecture du 5 janvier 2023, ECLI:FR:CECHS:2023:462008.20230105
Decision n° 462008
Conseil d'État

N° 462008
ECLI:FR:CECHS:2023:462008.20230105
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats


Lecture du jeudi 5 janvier 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars et 2 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... D... et Mme A... D..., M. G... D... et M. C... D..., héritiers de M. F... D..., décédé en cours d'instance, demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand :
- a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de l'absence de desserte du terrain en litige par la voie et les réseaux publics au motif inopérant que celui-ci est classé en zone urbaine par le plan d'urbanisme communal ;
- a insuffisamment motivé sa décision et commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que la parcelle cadastrée BM 333 constitue une dépendance immédiate et nécessaire de leur résidence principale.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de Mmes D... et de MM. D... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D..., qui étaient propriétaires d'une parcelle cadastrée section BM 333 située sur le territoire de la commune de Cournon-d'Auvergne, étaient redevables à ce titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Par délibération du 25 juin 2015, le conseil municipal de la commune a décidé de procéder, à compter de l'année 2016, à la majoration forfaitaire de la valeur locative des propriétés constructibles non bâties prévue par le B du II de l'article 1396 du code général des impôts. Par un jugement du 30 décembre 2021, contre lequel Mme D... et ses enfants, après le décès de leur père, se pourvoient en cassation, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande de réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés non bâties auxquelles ils ont été assujettis à ce titre pour les années 2016 à 2020.

2. Aux termes de l'article 1393 du code général des impôts : " la taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Aux termes du B du II de l'article 1396 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " (...) la valeur locative cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines ou à urbaniser, lorsque les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie de la zone à urbaniser ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, délimitées par une carte communale, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé conformément au code de l'urbanisme, peut, sur délibération du conseil municipal prise dans les conditions prévues au premier alinéa du I de l'article 1639 A bis, être majorée d'une valeur forfaitaire comprise entre 0 et 3'? par mètre carré pour le calcul de la part revenant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que sont assujettis à la majoration de la valeur locative retenue pour l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties prévue, sur délibération du conseil municipal, par le B du II de l'article 1396 du code général des impôts, les terrains situés dans les zones définies comme urbanisées ou à urbaniser par le document d'urbanisme applicable et équipées de voies publiques et de réseaux d'eau et d'électricité suffisants pour desservir les constructions devant y être implantées, à l'exception des terrains insusceptibles de recevoir une construction. Compte tenu du droit de passage sur les fonds voisins que prévoit l'article 682 du code civil pour garantir un accès à la voie publique, la seule circonstance qu'un terrain soit enclavé n'est pas de nature à faire obstacle à l'application de la majoration.

4. Il ressort des énonciations du jugement attaqué qu'après avoir relevé que le conseil municipal de la commune de Cournon-d'Auvergne avait, par délibération du 25 juin 2015, décidé de majorer de 0,3'euros par mètre carré la valeur locative foncière des terrains constructibles non bâtis situés dans les zones urbaines de la commune, le tribunal administratif a écarté la demande de M. et Mme D... tendant à la réduction, à concurrence de cette majoration, de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés non bâties mise à leur charge, au seul motif que leur parcelle ne se situait pas dans une zone à urbaniser mais dans une zone urbaine. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en écartant ainsi la demande sans rechercher si la zone sur laquelle est située la parcelle en litige était équipée de voies publiques et de réseaux d'eau et d'électricité suffisants pour desservir les constructions devant y être implantées, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen du pourvoi, que Mme D... et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Clermont-Ferrand.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... et autres la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme E... D..., première dénommée des requérants, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 décembre 2022 où siégeaient : Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 5 janvier 2023.


La présidente :
Signé : Mme Anne Egerszegi
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :