Conseil d'État
N° 462729
ECLI:FR:CECHR:2023:462729.20230210
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SARL CABINET BRIARD, avocats
Lecture du vendredi 10 février 2023
Vu la procédure suivante :
La société Areva a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle auxquelles elle a été assujettie, pour un montant total de 12 352 312 euros, au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1901139 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20PA03705 du 26 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Areva contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mars 2022 et 8 juin 2022 et le 11 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Areva demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Areva ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Areva au titre des exercices clos de 2010 à 2012, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité, en 2011, d'intérêts acquittés dans le cadre de l'acquisition d'actions de la société Areva NP. Par un jugement du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Areva tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, en conséquence de cette rectification. La société Areva demande l'annulation de l'arrêt du 26 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat majoré des frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien (...) ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, le 27 janvier 2009, la société Siemens a annoncé son intention d'exercer son option de vente des actions qu'elle détenait, à hauteur de 34 %, dans le capital de la société Areva NP, conformément aux stipulations du pacte du 30 janvier 2001 conclu avec son co-actionnaire, la société Areva, anciennement dénommée Framatome. Parallèlement, au cours du mois de mars 2009, les sociétés Siemens et Areva ont procédé à une augmentation de capital de la société Areva NP. Compte tenu de l'exercice, par la société Siemens, de l'option de vente ci-dessus mentionnée, les deux actionnaires ont convenu, par un accord du 3 mars 2009, que l'apport effectué par la société allemande serait remboursé à la date de rachat de sa participation et, au plus tard, le 31 janvier 2012. Le 18 mars 2011, la société Areva a procédé au règlement du prix d'acquisition des titres à la société Siemens. Les titres ainsi acquis ont été inscrits à l'actif du bilan de la société Areva à la clôture de l'exercice 2011.
4. Il ressort également des énonciations de l'arrêt attaqué que, conformément aux stipulations combinées de l'article 4.7.2 du pacte du 30 janvier 2001 et du " Schedule 4.7.2 " figurant en annexe de ce pacte, le prix d'acquisition des actions de la société Areva NP a été déterminé à partir de leur valeur à la date d'exercice, par la société Siemens, de son option de vente, majorée d'intérêts courant entre cette date et la date de paiement du prix, alors que la clause 4.7.1.1 du même pacte prévoyait, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, un transfert de propriété des titres à la date de paiement du prix. En ce qui concerne les actions issues de l'augmentation de capital, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les stipulations de l'accord du 3 mars 2009 renvoyaient, s'agissant de la date de transfert de propriété et du prix de cession, lequel prévoyait également le versement d'intérêts, aux stipulations du pacte du 30 janvier 2001. Les intérêts versés par la société Areva à ce double titre ont été déduits du résultat imposable de l'exercice clos en 2011 après avoir été provisionnés sur une base estimative depuis 2009.
5. Eu égard à la date de transfert de propriété des titres, effective seulement à la date du paiement du prix en vertu des stipulations contractuelles mentionnées au point 4, souverainement interprétées par les juges du fond, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que les intérêts en litige devaient être regardés comme un élément du prix d'acquisition des titres et, par suite, être immobilisés en application des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, sans qu'y fassent obstacle les circonstances que le montant des intérêts litigieux ne correspondrait pas à l'évolution de la valeur des actions en cause entre 2009 et 2011, que la société Areva aurait exercé, de fait, un contrôle exclusif de la société Areva NP à compter de l'exercice, par la société Siemens, de son option de vente et qu'elle aurait procédé à une consolidation à 100 % de la société Areva NP dans ses comptes consolidés dès 2009.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Areva n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Areva est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Areva et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2023 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 10 février 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 462729
ECLI:FR:CECHR:2023:462729.20230210
Inédit au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SARL CABINET BRIARD, avocats
Lecture du vendredi 10 février 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Areva a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle auxquelles elle a été assujettie, pour un montant total de 12 352 312 euros, au titre de l'année 2011. Par un jugement n° 1901139 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20PA03705 du 26 janvier 2022, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Areva contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mars 2022 et 8 juin 2022 et le 11 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Areva demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Areva ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Areva au titre des exercices clos de 2010 à 2012, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité, en 2011, d'intérêts acquittés dans le cadre de l'acquisition d'actions de la société Areva NP. Par un jugement du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Areva tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011, en conséquence de cette rectification. La société Areva demande l'annulation de l'arrêt du 26 janvier 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux par l'entreprise, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat majoré des frais accessoires nécessaires à la mise en état d'utilisation du bien (...) ".
3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, le 27 janvier 2009, la société Siemens a annoncé son intention d'exercer son option de vente des actions qu'elle détenait, à hauteur de 34 %, dans le capital de la société Areva NP, conformément aux stipulations du pacte du 30 janvier 2001 conclu avec son co-actionnaire, la société Areva, anciennement dénommée Framatome. Parallèlement, au cours du mois de mars 2009, les sociétés Siemens et Areva ont procédé à une augmentation de capital de la société Areva NP. Compte tenu de l'exercice, par la société Siemens, de l'option de vente ci-dessus mentionnée, les deux actionnaires ont convenu, par un accord du 3 mars 2009, que l'apport effectué par la société allemande serait remboursé à la date de rachat de sa participation et, au plus tard, le 31 janvier 2012. Le 18 mars 2011, la société Areva a procédé au règlement du prix d'acquisition des titres à la société Siemens. Les titres ainsi acquis ont été inscrits à l'actif du bilan de la société Areva à la clôture de l'exercice 2011.
4. Il ressort également des énonciations de l'arrêt attaqué que, conformément aux stipulations combinées de l'article 4.7.2 du pacte du 30 janvier 2001 et du " Schedule 4.7.2 " figurant en annexe de ce pacte, le prix d'acquisition des actions de la société Areva NP a été déterminé à partir de leur valeur à la date d'exercice, par la société Siemens, de son option de vente, majorée d'intérêts courant entre cette date et la date de paiement du prix, alors que la clause 4.7.1.1 du même pacte prévoyait, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, un transfert de propriété des titres à la date de paiement du prix. En ce qui concerne les actions issues de l'augmentation de capital, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les stipulations de l'accord du 3 mars 2009 renvoyaient, s'agissant de la date de transfert de propriété et du prix de cession, lequel prévoyait également le versement d'intérêts, aux stipulations du pacte du 30 janvier 2001. Les intérêts versés par la société Areva à ce double titre ont été déduits du résultat imposable de l'exercice clos en 2011 après avoir été provisionnés sur une base estimative depuis 2009.
5. Eu égard à la date de transfert de propriété des titres, effective seulement à la date du paiement du prix en vertu des stipulations contractuelles mentionnées au point 4, souverainement interprétées par les juges du fond, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que les intérêts en litige devaient être regardés comme un élément du prix d'acquisition des titres et, par suite, être immobilisés en application des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, sans qu'y fassent obstacle les circonstances que le montant des intérêts litigieux ne correspondrait pas à l'évolution de la valeur des actions en cause entre 2009 et 2011, que la société Areva aurait exercé, de fait, un contrôle exclusif de la société Areva NP à compter de l'exercice, par la société Siemens, de son option de vente et qu'elle aurait procédé à une consolidation à 100 % de la société Areva NP dans ses comptes consolidés dès 2009.
6. Il résulte de ce qui précède que la société Areva n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Areva est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Areva et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 30 janvier 2023 où siégeaient :
M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 10 février 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :