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Ariane Web: Conseil d'État 456390, lecture du 8 mars 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:456390.20230308

Décision n° 456390
8 mars 2023
Conseil d'État

N° 456390
ECLI:FR:CECHR:2023:456390.20230308
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Julien Autret, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH ; SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats


Lecture du mercredi 8 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 27 janvier 2015 par laquelle le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident vasculaire cérébral dont elle a été victime le 21 mars 2013, ainsi que la décision du 11 mai 2015 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1502548 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA03870 du 8 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 6 septembre 2021, le 23 novembre 2021 et le 1er juin 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de Mme B... A... et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la commune de ... ;




1. Le 2 octobre 2012, en se rendant au travail, Mme A..., agent technique employée par la commune de ..., a été victime d'un accident de la circulation. Le 21 mars 2013, alors qu'elle était placée en congé de longue maladie dans l'attente de l'avis du comité médical, elle a été victime d'une rupture d'anévrisme ayant entraîné un accident vasculaire cérébral. Par un arrêté du 20 janvier 2014, l'accident de la circulation a été reconnu imputable au service et Mme A... a été placée en congé pour accident de service pour la période du 2 octobre 2012 au 20 mars 2013. Par une décision du 27 janvier 2015, le maire de ... a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des conséquences de l'accident vasculaire cérébral survenu le 21 mars 2013. Par un jugement du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de celle du 11 mai 2015 par laquelle le maire de ... a rejeté son recours gracieux. Après avoir ordonné une expertise, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 8 juillet 2021, rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement. Mme A... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Sur la recevabilité de la demande de Mme A... :

2. Une nouvelle décision dont le sens et l'objet sont les mêmes que ceux d'une précédente décision revêt un caractère confirmatif de la décision initiale dès lors que ne s'est produit entre temps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une première décision 31 juillet 2014, le maire de ... a rejeté la demande de Mme A... tendant à ce que soit reconnue l'imputabilité au service des conséquences de l'accident vasculaire cérébral survenu le 21 mars 2013. Le maire de ... a cependant accepté, à la demande de Mme A..., de réexaminer sa situation en diligentant une nouvelle expertise médicale pour rechercher l'existence d'un lien entre l'accident de service du 2 octobre 2012 et l'hémorragie cérébrale survenu à la suite d'une rupture d'anévrisme le 21 mars 2013. Dans ces conditions, la décision du 27 janvier 2015, rendue au vu de cette nouvelle expertise, ne peut être regardée comme confirmative du refus opposé à Mme A... le 31 juillet 2014. Par suite, la commune de ... n'est pas fondée à soutenir que le recours de Mme A... contre la décision du 27 janvier 2015 serait irrecevable.

Sur le pourvoi de Mme A... :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le droit de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment du rapport de l'expert désigné par la cour administrative d'appel et des autres avis médicaux, que Mme A..., qui n'avait pas d'antécédents neurologiques ou vasculaires, a développé, après l'accident de la circulation dont elle a été victime le 2 octobre 2012 et dont l'imputabilité au service a été reconnue, une hypertension artérielle, un syndrome de stress post-traumatique et des céphalées importantes et que le traumatisme crânien subi à l'occasion de cet accident, associé à l'élévation anormale de la tension artérielle, exposait l'intéressée à un risque élevé de rupture d'anévrisme dans les mois suivants. En rejetant la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident vasculaire cérébral survenu le 21 mars 2013 au motif que les conclusions du rapport de l'expert ne reposaient que sur des probabilités et que ni ce rapport ni les autres pièces médicales versées au dossier ne permettaient d'établir avec certitude un lien direct entre la rupture d'anévrisme et l'accident de service dont la requérante a été victime, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant la cour administrative d'appel de Marseille, Mme A... contestait également la décision attaquée en tant qu'elle fixait au 20 mars 2013 la date de consolidation de la fracture au bras qu'elle avait subie lors de son accident de service du 2 octobre 2012. En omettant de se prononcer sur ces conclusions, la cour a, sur ce point, entaché son arrêt d'irrégularité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 3 000 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 8 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : La commune de ... versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de ....
Délibéré à l'issue de la séance du 10 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. StéphaneVerclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Julien Autret, maître des requêtes-rapporteur ;



Rendu le 8 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Autret
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin


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