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Ariane Web: Conseil d'État 470216, lecture du 31 mars 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:470216.20230331

Décision n° 470216
31 mars 2023
Conseil d'État

N° 470216
ECLI:FR:CECHR:2023:470216.20230331
Publié au recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Benjamin Duca-Deneuve, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public


Lecture du vendredi 31 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1807216 du 3 janvier 2023, enregistré le 5 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Nantes, avant de statuer sur la demande de l'association de protection de la plage de Boisvinet et son environnement, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de la Vendée sur sa demande du 15 mars 2018 de dresser une contravention de grande voirie à l'encontre de la commune de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et, d'autre part, à ce que soit enjoint au préfet de la Vendée de mettre en oeuvre la procédure de contravention de grande voirie à l'encontre de cette commune, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante :

Lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation du refus de l'autorité compétente de poursuivre la répression d'une contravention de grande voirie alléguée par un tiers, à quelle date appartient-il au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité d'un tel refus '



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;


REND L'AVIS SUIVANT


1. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie, en principe, la légalité d'un acte administratif à la date de son édiction. Si, par exception, il se place à la date à laquelle il statue, c'est afin de conférer un effet pleinement utile à son intervention, eu égard à la nature des droits en cause et à la nécessité de prendre en compte l'écoulement du temps et l'évolution des circonstances de droit et de fait.

2. Aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative ". L'article L. 2132-20 du même code dispose que : " La procédure des contraventions de grande voirie est régie par les dispositions du chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative ".

3. Dans le cadre de la procédure prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action publique, à une amende ainsi que, au titre de l'action domaniale, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations. L'article L. 774-2 de ce code énonce que : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance ".

4. Il incombe aux autorités compétentes, en cas de manquement aux textes ayant pour objet la protection de l'intégrité ou de l'utilisation du domaine public, de dresser un procès-verbal constatant les faits, de notifier au contrevenant la copie de ce procès-verbal puis d'adresser l'acte de notification au juge des contraventions de grande voirie auquel il appartient de décider de la poursuite et de la répression de l'infraction, tant au titre de l'action publique que de l'action domaniale. Si cette obligation trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont ces autorités ont la charge, notamment dans les nécessités de l'ordre public, celles-ci ne sauraient légalement s'y soustraire pour des raisons de simple convenance administrative.

5. Cette obligation incombant à l'autorité en charge de la protection du domaine public n'est pas susceptible de s'éteindre par l'effet de l'écoulement du temps. Si la disparition de l'atteinte à l'intégrité du domaine ou la fin de son occupation irrégulière peuvent être de nature à priver d'objet l'action domaniale, un tel changement de circonstances ne saurait priver d'objet l'action publique. Par ailleurs, dans l'hypothèse où une atteinte à l'intégrité du domaine public ou une situation d'occupation irrégulière apparaît postérieurement au refus de l'autorité compétente de mettre en oeuvre les pouvoirs dont elle est investie en vue de la faire cesser, cette autorité est tenue de tirer les conséquences d'un tel changement de circonstances en dressant constat de l'atteinte au domaine et en saisissant le juge des contraventions de grande voirie.

6. Dans ces conditions, l'effet utile de l'annulation du refus de l'autorité compétente de procéder, à la demande d'un tiers, à la constatation d'une contravention de grande voirie et à la transmission du procès-verbal au tribunal administratif impose que le juge de l'excès de pouvoir, saisi d'une demande d'annulation de ce refus, en apprécie la légalité au regard de la situation de droit et de fait à la date à laquelle cette décision de refus est intervenue, et non au regard de la situation de droit et de fait à la date de sa propre décision.

7. Par suite, il y a lieu de répondre à la question posée que, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à l'annulation du refus de l'autorité compétente de déférer au tribunal administratif des faits de contravention de grande voirie, il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité d'un tel refus à la date de celui-ci.

8. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Nantes, à l'association de protection de la plage de Boisvinet et son environnement et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré à l'issue de la séance du 8 mars 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, Mme Françoise Tomé, conseillers d'Etat et M. Benjamin Duca-Deneuve, auditeur-rapporteur.

Rendu le 31 mars 2023


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé

L'Auditeur-Rapporteur :
Signé : M. Benjamin Duca-Deneuve

La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle







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