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Ariane Web: Conseil d'État 459464, lecture du 14 avril 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:459464.20230414

Décision n° 459464
14 avril 2023
Conseil d'État

N° 459464
ECLI:FR:CECHR:2023:459464.20230414
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Olivier Saby, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
CABINET FRANÇOIS PINET, avocats


Lecture du vendredi 14 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société LSA 57 a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer, notamment la restitution partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015. Par un jugement n° 1724649 du 5 décembre 2019, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20NC00234 du 14 octobre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société LSA 57 contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 décembre 2021 et le 14 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société R2L Constructions, venant aux droits de la société LSA 57, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet François Pinet, avocat de la société LSA 57 ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société LSA 57, qui a pour activité la promotion immobilière et l'aménagement foncier, a obtenu le 25 novembre 2013 un permis de construire portant sur un ensemble immobilier à usage commercial situé à Longeville-lès-Saint-Avold, qu'elle a cédé dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement conclue le 4 décembre 2014. Par courrier du 15 mars 2017, la société a réclamé, notamment, la restitution partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle avait été assujettie au titre de son exercice clos en 2015, résultant de la prise en compte d'un montant de taxe d'aménagement de 256 513 euros mis à sa charge, à raison de la délivrance de ce permis de construire, par un titre de perception émis le 30 mars 2016. L'administration fiscale a rejeté cette réclamation au motif que la taxe d'aménagement ne pouvait être déduite en charge du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés. La société R2L Constructions, venant aux droits de la société LSA 57, se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 14 octobre 2021 rejetant l'appel que la société a formé contre le jugement du 5 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a, notamment, rejeté sa demande tendant à la restitution partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2015.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 331-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " En vue de financer les actions et opérations contribuant à la réalisation des objectifs définis à l'article L. 121-1, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale, les départements et la région d'Ile-de-France perçoivent une taxe d'aménagement. / La taxe d'aménagement constitue un élément du prix de revient de l'ensemble immobilier au sens de l'article 302 septies B du code général des impôts ". Aux termes de l'article L. 331-6 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les opérations d'aménagement et les opérations de construction (...) soumises à un régime d'autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d'une taxe d'aménagement (...). / Le fait générateur de la taxe est (...) la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...) ". Aux termes de l'article L. 331-27 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe d'aménagement est exigible à la date d'émission du titre de perception ".

3. D'autre part, aux termes des 1 et 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est le bénéfice net, " constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Le 3 du même article prévoit que, pour l'application de ces dispositions, les stocks sont évalués, en principe, au prix de revient. Aux termes du 1 de l'article 39 du même code, également applicable en matière d'impôt sur les sociétés, le " bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ", selon les dispositions de son 4°, " les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice ", à l'exception de certaines impositions, parmi lesquelles la taxe d'aménagement ne figure pas. Enfin, aux termes du II de l'article 302 septies B du même code, dans sa rédaction applicable en matière d'impôts directs : " Constituent du point de vue fiscal, un élément du prix de revient de l'ensemble immobilier : / a) La taxe d'aménagement prévue par les articles L. 331-1 à L. 331-4 du code de l'urbanisme ".

4. Les dispositions précitées du II de l'article 302 septies B du code général des impôts imposent, lorsqu'un immeuble figure dans les stocks d'une entreprise, que la taxe d'aménagement mise à sa charge à raison de cet immeuble vienne en augmentation de son prix de revient, qui constitue en principe la valeur pour laquelle il est inscrit à l'actif. Elles ne s'opposent pas, en revanche, lorsque la taxe d'aménagement est établie après que l'immeuble est sorti de ses stocks, à ce que celle-ci soit déduite en charge de son bénéfice imposable, pourvu que cette déduction intervienne, ainsi que l'exigent les dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, au titre de l'exercice au cours duquel elle a été mise en recouvrement.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de la société requérante tendait à la prise en compte du montant de la taxe d'aménagement au titre de son exercice clos en 2015, au cours duquel elle soutenait que l'ensemble immobilier à raison duquel elle a été assujettie à la taxe en litige était sorti de ses stocks. Toutefois, il est constant et ressort au demeurant des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi qu'il a été dit au point 1, que la taxe en cause a été mise en recouvrement le 30 mars 2016. Il résulte de ce qui a été dit au point 4, d'une part, que la société ne pouvait prétendre corriger à la hausse, en y incluant le montant de cette taxe, le prix de revient pour lequel l'ensemble immobilier figurait à l'actif du bilan d'ouverture de son exercice clos en 2015, qui n'était affecté d'aucune erreur, et d'autre part, que les dispositions du 4° du 1 de l'article 39 du code général des impôts faisaient obstacle à sa déduction en charge au titre de cet exercice. Ces motifs, qui n'appellent l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qui répondent aux moyens invoqués devant les juges du fond, doivent être substitués à ceux retenus par l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel, dont ils justifient légalement le dispositif. Par suite, les moyens du pourvoi dirigés contre les motifs retenus par l'arrêt attaqué doivent être écartés comme inopérants.

6. Il résulte de ce qui précède que la société R2L Constructions, venant aux droits de la société LSA 57, n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy qu'elle attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société R2L Constructions, venant aux droits de la société LSA 57, est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société R2L Constructions et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 3 avril 2023 où siégeaient :
M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat, et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2023.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Olivier Saby
La secrétaire :
Signé : Mme Fehmida Ghulam
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


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