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Ariane Web: Conseil d'État 466725, lecture du 12 juin 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:466725.20230612

Décision n° 466725
12 juin 2023
Conseil d'État

N° 466725
ECLI:FR:CECHR:2023:466725.20230612
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Ariane Piana-Rogez , rapporteur
M. Thomas Janicot, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats


Lecture du lundi 12 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière Mornans a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 27 décembre 2018 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif en vue du déplacement et de l'agrandissement du local technique d'une piscine, de l'extension de cette piscine, de l'agrandissement d'un garage et de la suppression d'une serre potagère sur un terrain lui appartenant situé sur le territoire de la commune de Mornans, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre au préfet de la Drôme, à titre principal, de lui délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois ou, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau la demande de permis de construire modificatif dans le même délai. Par un jugement n° 1903049 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 27 décembre 2018 du préfet de la Drôme et a enjoint à ce dernier de prendre une nouvelle décision sur la demande de permis de construire modificatif dans un délai de deux mois.

Par un arrêt n° 21LY01460 du 14 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon, sur appel de la société Mornans contre le jugement en tant qu'il ne faisait pas droit à ses conclusions à fin d'injonction, présentées à titre principal, tendant à la délivrance du permis litigieux, a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il enjoignait au préfet de la Drôme de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois et a enjoint au préfet de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par un pourvoi, enregistré le 16 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Mornans ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 10 avril 2015, le maire de Mornans a, au nom de l'Etat, délivré à la société civile immobilière Mornans un permis de construire pour l'extension et la construction d'un abri pour voiture, d'un garage et d'une piscine sur un terrain lui appartenant. Par un arrêté du 27 décembre 2018, le préfet de la Drôme a refusé de délivrer à cette société le permis de construire modificatif qu'elle sollicitait en vue de déplacer et d'agrandir le local technique et l'abri de la piscine, de l'extension de cette piscine, de l'agrandissement du garage et de la suppression d'une serre potagère. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ainsi que le rejet du recours gracieux de la société Mornans et, jugeant qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de cette société tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme de lui délivrer le permis modificatif sollicité, compte tenu de l'existence d'un motif, dont il a estimé qu'il n'avait pas été relevé dans l'arrêté annulé mais qu'il s'opposait à la délivrance de ce permis, a seulement enjoint au préfet d'instruire à nouveau cette demande dans un délai de deux mois. Par un arrêt du 4 juin 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur l'appel partiel de la société Mornans, annulé ce jugement en tant qu'il enjoignait seulement au préfet de réexaminer la demande et a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer le permis de construire modificatif sollicité dans un délai de deux mois. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction issue de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, applicable dans les zones de montagne telles que définies à l'article L. 122-1 de ce code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. "

3. Par cette disposition, qui prescrit que l'urbanisation en zone de montagne doit en principe être réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, le législateur a entendu interdire, dans ces zones, toute construction isolée, sous réserve des dérogations qu'il a limitativement énumérées.

4. A cet égard, cet article prévoit trois exceptions qui sont, de première part, l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes, de deuxième part, la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées et, de dernière part, depuis la modification apportée par la loi du 28 décembre 2016, la construction d'annexes, de taille limitée, aux constructions existantes.

5. Au titre de cette dernière exception, peuvent être autorisées des constructions secondaires de taille limitée, détachées des constructions existantes, qui, eu égard à leur implantation par rapport aux constructions principales existantes et à leur ampleur elle-même limitée en proportion de ces dernières, peuvent être regardées comme constituant des annexes de taille limitée au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter l'existence d'un motif, autre que celui fondant l'arrêté attaqué et ayant été jugé illégal par le tribunal administratif, de nature à justifier que le permis sollicité soit refusé et faire droit, par suite, à la demande d'injonction de délivrer le permis modificatif sollicité par la société Mornans, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que le caractère limité de la taille des annexes dont la construction était envisagée ne saurait s'apprécier par rapport aux dimensions de la construction principale, pourvu que chaque annexe ait en elle-même une taille limitée. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour administrative d'appel, en se bornant ainsi à apprécier la taille limitée de chacune des annexes, a commis une erreur de droit, faute d'avoir recherché si l'ensemble des constructions secondaires, existantes et envisagées, pouvaient, eu égard, d'une part, à leur implantation par rapport aux constructions principales existantes et à leur ampleur limitée en proportion de ces dernières et, d'autre part, à leur taille elle-même limitée, être regardées comme constituant des annexes de taille limitée au sens de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 14 juin 2022 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Mornans au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société civile immobilière Mornans.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, M. Jérôme Marchand-Arvier, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 12 juin 2023.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Ariane Piana-Rogez
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber


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