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Ariane Web: Conseil d'État 463457, lecture du 28 juin 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:463457.20230628

Décision n° 463457
28 juin 2023
Conseil d'État

N° 463457
ECLI:FR:CECHR:2023:463457.20230628
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Rose-Marie Abel, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH, avocats


Lecture du mercredi 28 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Vitaris et l'association française de téléassistance (AFRATA) ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le titre exécutoire n° 1852 d'un montant de 211 euros émis le 13 novembre 2019 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Loiret et de décharger la société Vitaris de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 2000109 du 4 mai 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 21VE02056 du 24 février 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Vitaris et de l'AFRATA, annulé ce jugement et annulé le titre de recette n° 1852 émis le 13 novembre 2019.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril et 25 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SDIS du Loiret demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Vitaris et de l'AFRATA ;

3°) de mettre à la charge de la société Vitaris et de l'AFRATA la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat du service départemental d'incendie et de secours du Loiret et à la SCP Guérin - Gougeon, avocat de la société Vitaris ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le SDIS du Loiret a émis, le 13 novembre 2019, à l'encontre de la société Vitaris, société spécialisée dans les activités de téléassistance, un avis de sommes à payer valant titre exécutoire, d'un montant de 211 euros, au titre d'une intervention au domicile d'une personne âgée ayant conclu un contrat de téléassistance avec cette société et qui avait par inadvertance déclenché son alarme de téléassistance. Le SDIS du Loiret se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du tribunal administratif d'Orléans ayant rejeté les demandes de la société Vitaris et de l'association française de téléassistance (AFRATA) tendant à l'annulation du titre exécutoire du 13 novembre 2019, a annulé ce titre exécutoire et a déchargé la société Vitaris de l'obligation de payer la somme litigieuse.

2. Aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. / Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : / 1° La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ; / 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ; / 3° La protection des personnes, des biens et de l'environnement ; / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation. " Aux termes de l'article L. 1424-42 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / S'il a procédé à des interventions ne se rattachant pas directement à l'exercice de ses missions, il peut demander aux personnes bénéficiaires une participation aux frais, dans les conditions déterminées par délibération du conseil d'administration. (...) ".

3. Il résulte des dispositions combinées citées au point 2 que les services d'incendie et de secours ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, au nombre desquelles figurent les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, qui ne sauraient être facturées à ces dernières. Les interventions ne relevant pas directement de l'exercice de leurs missions de service public peuvent en revanche donner lieu à une participation aux frais des personnes qui en sont bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que par délibération du 26 novembre 2018, le conseil d'administration du SDIS du Loiret a prévu, au titre de la " tarification des activités opérationnelles relevant des missions facultatives " un forfait de 211 euros pour un " déclenchement téléassistance ". Il en ressort, d'autre part, ainsi que l'a relevé la cour administrative d'appel, que, le 15 juillet 2019, le dispositif personnel d'alarme d'une cliente de la société Vitaris a émis un signal d'alerte auprès de cette société, que celle-ci, après avoir tenté, sans succès, de contacter à plusieurs reprises sa cliente ainsi que les proches qu'elle avait désignés, a alerté la régulation médicale d'urgence, que cette dernière a décidé de faire intervenir le SDIS du Loiret au domicile de cette personne, mais que cette intervention a conduit à constater que celle-ci avait déclenché son alarme par inadvertance et ne nécessitait aucun secours.

5. En premier lieu, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel, après avoir relevé les circonstances rappelées ci-dessus, a jugé, d'une part, qu'au moment de lancer cette intervention, le SDIS du Loiret avait agi au titre de la mission de service public de secours aux personnes, au sens de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales et, d'autre part, que la circonstance que cette intervention s'était finalement révélée inutile ne permettait pas de la regarder, a posteriori, comme ne relevant pas de cette mission et par suite facturable à la personne secourue.

6. En deuxième lieu, en revanche, dans l'hypothèse où la société de téléassistance aurait sollicité l'intervention du SDIS sans avoir accompli les diligences qui lui incombent pour éviter une intervention inutile, cette intervention devrait être regardée comme ayant été sollicitée par cette société à son profit. En jugeant que la société ne pourrait alors être regardée comme bénéficiaire de l'intervention, au sens de l'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

7. Le motif énoncé au point 5 ci-dessus justifie toutefois à lui seul l'annulation par la cour administrative d'appel du titre exécutoire émis par le SDIS du Loiret et la décharge qu'elle a prononcée. Il suit de là que ce dernier n'est pas fondé à demander dans cette mesure l'annulation de l'arrêt attaqué.

8. En dernier lieu, c'est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits que la cour administrative d'appel a jugé recevables les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par l'AFRATA, qui était partie à l'instance.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le SDIS du Loiret n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Versailles qu'il attaque.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SDIS du Loiret la somme de 3 000 euros à verser à la société Vitaris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Vitaris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du SDIS du Loiret est rejeté.
Article 2 : Le SDIS du Loiret versera à la société Vitaris une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à au service départemental d'incendie et de secours du Loiret, à la société par actions simplifiée Vitaris et à l'association française de téléassistance.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 mai 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et Mme Rose-Marie Abel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.



Rendu le 28 juin 2023.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Rose-Marie Abel
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin



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