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Ariane Web: Conseil d'État 452919, lecture du 28 juillet 2023, ECLI:FR:CECHS:2023:452919.20230728

Décision n° 452919
28 juillet 2023
Conseil d'État

N° 452919
ECLI:FR:CECHS:2023:452919.20230728
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Suzanne von Coester, président
Mme Juliette Mongin, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP BUK LAMENT - ROBILLOT, avocats


Lecture du vendredi 28 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai 2021, 25 août 2021 et 26 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-321 du 25 mars 2021 relatif à la traçabilité des déchets, des terres excavées et des sédiments ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le décret attaqué :
- méconnaît le principe de protection du secret des affaires ;
- est entaché d'une erreur de droit et méconnaît le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme en ce qu'il s'abstient d'indiquer quelle sera l'autorité gestionnaire des dispositifs mis en place et renvoie à des arrêtés pour la désignation des personnes habilitées à accéder aux informations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la Première ministre, qui n'a pas produit de mémoire.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 541-7 du code de l'environnement, dans sa version issue de l'article 117 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire : " I.- Les personnes qui produisent, importent, exportent, traitent, collectent, transportent ou se livrent à des opérations de courtage ou de négoce des déchets tiennent à disposition de l'autorité administrative toutes informations concernant : / 1° La quantité, la nature et l'origine des déchets qu'elles produisent, remettent à un tiers ou prennent en charge ; / 2° La quantité de produits et de matières issus de la préparation en vue de la réutilisation, du recyclage ou d'autres opérations de valorisation de ces déchets ; / 3° Et, s'il y a lieu, la destination, la fréquence de collecte, le moyen de transport et le mode de traitement ou d'élimination envisagé pour ces déchets. / (...) II. -Sans préjudice du I du présent article, les personnes qui produisent, importent, exportent, traitent, collectent, transportent ou se livrent à des opérations de courtage ou de négoce des terres excavées et des sédiments tiennent à disposition de l'autorité administrative toutes informations concernant : / 1° La quantité, la nature, l'origine de ces terres excavées et sédiments et leur destination ; / 2° Et, s'il y a lieu, le moyen de transport et le mode de traitement ou d'élimination envisagé./ (...) III.- Les informations obtenues en application des I et II du présent article sont mises à la disposition des autorités de contrôle mentionnées à l'article L. 541-44 du présent code. / IV.- Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ".

2. Le décret du 25 mars 2021 relatif à la traçabilité des déchets, des terres excavées et des sédiments, pris pour l'application de l'article L. 541-7 du code de l'environnement, prévoit un enrichissement des données devant figurer dans les registres des déchets des producteurs, détenteurs, transporteurs et négociants de déchets, impose aux courtiers de déchets la tenue d'un registre chronologique et crée un registre national des déchets dématérialisé, dont la tenue pourra être confiée à une personne morale de droit public désignée par le ministre, pour les déchets dangereux et les déchets contaminés aux polluants organiques persistants, les installations de stockage et d'incinération de déchets non dangereux et les déchets contaminés aux polluants organiques persistants, les installations de stockage et d'incinération de déchets non dangereux non inertes ainsi que les installations effectuant une sortie du statut de déchets. Il prévoit par ailleurs un registre chronologique des terres excavées et sédiments pour la production, l'expédition ainsi que la réception et met en place une base de données électronique centralisée dont la tenue pourra être confiée à une personne morale de droit public désignée par le ministre, s'accompagnant d'une obligation de déclaration des producteurs, traiteurs et utilisateurs. Il prévoit, enfin, la dématérialisation des bordereaux de suivi de déchets dangereux et de déchets contaminés aux polluants organiques persistants, par la mise en place d'une base de données électronique centralisée dont la tenue pourra également être confiée à une personne morale de droit public désignée par le ministre. Le décret renvoie à des arrêtés du ministre chargé de l'environnement la détermination, pour ces nouvelles bases de données, de la finalité des traitements informatiques, des services auprès desquels s'exerce le droit d'accès, des catégories de données à caractère personnel et des informations collectées, des durées de conservation des données et des destinataires habilités à en recevoir communication. Par la présente requête, la Fédération professionnelle des entreprises de recyclage demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

3. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le décret attaqué n'a pas pour objet de préciser les conditions d'accès des tiers aux informations transmises et enregistrées en application de l'article L. 541-7 du code de l'environnement. Dès lors, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient illégales en ce qu'elles omettraient de garantir la protection du secret des affaires ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

4. En second lieu, il résulte des dispositions des articles 31 et 35 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés que les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat qui intéressent notamment la sécurité publique sont autorisés par arrêtés des ministres compétents, qui précisent notamment le service gestionnaire compétent auprès duquel s'exerce le droit d'accès ainsi que les destinataires habilités à recevoir communication des données. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'une erreur de droit et méconnaîtrait le principe de clarté et d'intelligibilité de la norme en ce qu'il s'abstient d'indiquer l'autorité gestionnaire des bases de données et renvoie à des arrêtés pour la désignation des personnes ayant accès aux informations doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que la Fédération professionnelle des entreprises de recyclage n'est pas fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, à la Première ministre et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 juin 2023 où siégeaient : Mme Suzanne von Coester, assesseure, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d'Etat et Mme Juliette Mongin, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 28 juillet 2023.


La présidente :
Signé : Mme Suzanne von Coester
La rapporteure :
Signé : Mme Juliette Mongin
La secrétaire :
Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo