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Ariane Web: Conseil d'État 467671, lecture du 13 octobre 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:467671.20231013

Décision n° 467671
13 octobre 2023
Conseil d'État

N° 467671
ECLI:FR:CECHR:2023:467671.20231013
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
M. Edouard Solier, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public
SCP DELAMARRE, JEHANNIN, avocats


Lecture du vendredi 13 octobre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 juin 2021 par laquelle le président de l'université Reims Champagne-Ardenne a refusé son admission en première année de master " réseaux et télécommunications ", parcours " administration et sécurité des réseaux ", au titre de l'année universitaire 2021-2022. Par un jugement n° 2101764 du 16 novembre 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22NC00089 du 26 juillet 2022, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 septembre et 20 décembre 2022 et le 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'université de Reims
Champagne-Ardenne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'éducation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2016-1828 du 23 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de l'université de Reims Champagne-Ardenne ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 8 juin 2021, le président de l'université Reims Champagne-Ardenne a refusé d'admettre M. B... en première année de master " réseaux et télécommunication ", parcours " administration et sécurité des réseaux ". Par un jugement du 16 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du
26 juillet 2022 de la cour administrative d'appel de Nancy ayant rejeté son appel contre ce jugement. Il présente, à l'appui de son pourvoi en cassation, une question prioritaire de constitutionnalité.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 612-6 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu'à ceux qui peuvent bénéficier de l'article L. 613-5 ou des dérogations prévues par les textes réglementaires. / Les établissements peuvent fixer des capacités d'accueil pour l'accès à la première année du deuxième cycle. L'admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ".

4. En l'espèce, M. B... soutient que l'absence de détermination par le législateur, au deuxième alinéa de l'article L. 612-6 du code de l'éducation cité au point 3, des modalités selon lesquelles les établissements d'enseignement supérieur qui subordonnent l'admission des étudiants dans les formations du deuxième cycle à un examen de leurs dossiers, les informent, avant la présentation de leur candidature et, le cas échéant, après une décision de refus d'admission, des éléments sur la base desquels leurs mérites sont appréciés, affecte, par elle-même, le principe d'égal accès à l'instruction consacré par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le droit d'accès aux documents administratifs garanti par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ainsi que le droit un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de cette même Déclaration.

5. La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit.

6. Par les dispositions citées au point 3, le législateur a entendu, lorsque les établissements fixent une capacité d'accueil pour l'accès à la première année de master et décident que l'admission des candidats en première année est subordonnée soit au succès à un concours, soit à l'examen de leur dossier, que les seuls critères applicables soient ceux tenant aux mérites des candidats. Par suite, ces dispositions font obstacle à ce que les établissements d'enseignement supérieur arrêtent d'autres critères pour l'admission dans leurs formations du deuxième cycle. En outre, elles ne leur imposent pas de préciser les éléments d'appréciation selon lesquels les mérites des candidats sont examinés en vue de leur admission dans une formation du deuxième cycle dont la capacité d'accueil est limitée. Il leur est toutefois loisible d'y procéder.

7. Lorsque les établissements d'enseignement supérieur font le choix de déterminer, ainsi qu'il le leur est loisible comme il a été dit à la fin du point 6, les éléments d'appréciation selon lesquels les mérites des candidats sont examinés en vue de leur admission dans une formation de deuxième cycle, en particulier au vu de leurs compétences académiques et de leur projet professionnel, il leur appartient, ainsi que le prévoit l'article
L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration, de procéder " aux formalités adéquates de publicité " de l'acte déterminant ces éléments, permettant ainsi aux usagers du service public de l'enseignement supérieur d'en prendre connaissance. Par suite, le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le législateur aurait omis de préciser les modalités selon lesquelles ces éléments sont portés à la connaissance des étudiants, que ce soit avant qu'ils présentent leur candidature à l'admission en première année d'un master, ou après réception d'une décision de refus d'admission. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que les dispositions contestées de l'article L. 612-6 du code de l'éducation comporteraient des insuffisances de nature à affecter, par elles-mêmes, le principe d'égal accès à l'instruction, le droit d'accès aux documents administratifs ainsi que le droit un recours juridictionnel effectif, ne peuvent qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B..., qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens du pourvoi :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'en jugeant qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, ne faisait obligation au conseil d'administration de l'université Reims Champagne-Ardenne, après avoir limité à
trente-deux étudiants la capacité d'accueil du master " Administration et sécurité des réseaux " et subordonné l'admission en première année de ce master à l'examen du dossier des candidats, tout en indiquant que cette admission " se fera sur dossier avec ou sans entretien d'admission selon les filières ", de préciser les éléments d'appréciation des mérites des candidats, la cour administrative d'appel de Nancy n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni d'insuffisance de motivation. Ces moyens doivent dès lors, être écartés.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. / Un acte réglementaire entre en vigueur le lendemain du jour de l'accomplissement des formalités prévues au premier alinéa, sauf à ce qu'il en soit disposé autrement par la loi, par l'acte réglementaire lui-même ou par un autre règlement. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de ses dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures. " En l'absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d'un établissement public sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique. Toutefois, compte tenu de l'objet des délibérations et des personnes qu'elles peuvent concerner, d'autres modalités sont susceptibles d'assurer une publicité suffisante.

11. Alors que M. B... faisait valoir devant les juges du fond que, faute d'avoir été publiée sur la page du site internet de l'université Reims Champagne-Ardenne dédiée aux masters, la délibération n° 56-2020 du 1er décembre 2020 du conseil d'administration de cette université portant approbation des capacités d'accueil en master au titre de l'année universitaire 2021-2022 n'était pas aisément consultable par les étudiants extérieurs à cette université, la cour a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que cette délibération avait été publiée le 7 décembre 2020 au recueil des actes administratifs de l'université Reims Champagne-Ardenne de l'année 2020, qui était accessible depuis la page " Présentation " du site internet de l'université. En en déduisant que cette délibération avait fait l'objet d'une publicité suffisante pour permettre l'information des étudiants susceptibles de présenter leur candidature à l'admission dans ce master, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas entaché son arrêt, qui est suffisamment motivé, d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier. Les moyens tirés de ce que l'arrêt attaqué serait sur ce point entaché de dénaturation des pièces du dossier, d'erreur de droit et d'insuffisance de motivation, doivent par suite être écartés.

12. En troisième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives entachées d'incompétence négative, dans des conditions de nature à affecter le principe d'égal accès à l'instruction, le droit d'accès aux documents administratifs et le droit à un recours juridictionnel effectif, doit en tout état de cause être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B... doit être rejeté.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Reims Champagne-Ardenne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université de Reims
Champagne-Ardenne au titre de ces dispositions.




D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Article 2 : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de l'université de Reims Champagne-Ardenne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à l'université de Reims Champagne Ardenne.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


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