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Ariane Web: Conseil d'État 490706, lecture du 18 janvier 2024, ECLI:FR:CEORD:2024:490706.20240118

Décision n° 490706
18 janvier 2024
Conseil d'État

N° 490706
ECLI:FR:inconnue:2024:490706.20240118
Inédit au recueil Lebon



Lecture du jeudi 18 janvier 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :
L'Association franco-allemande pour l'animation et la communication a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution des décisions du 22 décembre 2023 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a prononcé la fermeture à titre provisoire pour une durée de trois mois du jardin d'enfant les " Lutins bavards " et de la crèche les " Petits génies ", en deuxième lieu, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne d'organiser une rencontre entre les services de la direction de la protection maternelle et infantile et promotion de la santé (DPMI-PS) et de la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) début janvier pour fixer les suites à donner pour améliorer la qualité d'accueil des enfants et les points prioritaires à traiter et, en dernier lieu, de dire que l'exécution de l'ordonnance sera assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard, due vingt-quatre heures après la notification. Par une ordonnance n° 2313932 du 29 décembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Par une requête et des observations complémentaires, enregistrées les 5 et 8 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association franco-allemande pour l'animation et la communication demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler l'ordonnance du 29 décembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Melun ;

2°) de suspendre l'exécution des décisions du 22 décembre 2023 par lesquelles la préfète du Val-de-Marne a prononcé la fermeture temporaire des établissements d'accueil du jeune enfant les " Lutins bavards " et les " Petits génies " du 26 décembre 2023 au 26 mars 2024 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les décisions du 22 décembre 2023, en premier lieu, ont prononcé la fermeture immédiate de ses deux établissements d'accueil du jeune enfant à la veille des vacances de Noël, en deuxième lieu, l'empêchent de prévenir l'ensemble des parents dans de bonnes conditions et de procéder aux travaux et mesures de nature à remédier aux non-conformités relevées avant la date de la rentrée scolaire et, en dernier lieu, empêchent les parents des enfants accueillis de trouver une solution d'accueil alternative pour la rentrée ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'entreprendre, à sa liberté d'association, à son droit de disposer librement des biens pris à bail, ainsi qu'à l'intérêt supérieur des enfants accueillis, au droit des familles concernées à mener une vie familiale normale, à la liberté d'enseignement et à la continuité du service public de l'enseignement ;
- les deux décisions du 22 décembre 2023 de la préfère du Val-de-Marne ont été prises au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas reçu communication du procès-verbal de la visite de contrôle menée par les services de la DPMI-PS le 16 novembre 2023 en temps utile et n'a pas pu présenter ses observations relatives aux non-conformités relevées à ce stade ;
- la fermeture immédiate des deux établissements n'est pas justifiée par une situation d'urgence, en méconnaissance de l'article L. 2324-3 du code de la santé publique ;
- la fermeture immédiate des deux établissements n'est pas justifiée dès lors que les motifs retenus ne correspondent pas aux non-conformités auxquelles elle devait remédier en vertu de l'injonction prononcée par la décision du 6 octobre 2023 de la préfète du Val-de-Marne ;
- la fermeture immédiate des deux établissements est disproportionnée au regard des non-conformités qui pourraient subsister dès lors que, d'une part, elle a surmonté les difficultés matérielles relevées par la commission communale de sécurité et a pu obtenir un avis favorable pour la poursuite de son activité et, d'autre part, la multiplication des visites de la DPMI-PS a créé une confusion quant aux non-conformités pouvant subsister.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'éducation ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Par des décisions en date du 22 décembre 2023, la préfète du Val-de-Marne a prononcé la fermeture à titre provisoire pour une durée de trois mois du jardin d'enfant les " Lutins bavards " et de la crèche les " Petits génies " situés dans la commune de Créteil et gérés par l'Association franco-allemande pour l'animation et la communication. L'association a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de ces décisions, en deuxième lieu, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne d'organiser une rencontre entre les services de la direction de la protection maternelle et infantile et promotion de la santé (DPMI-PS) et de la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) début janvier pour fixer les suites à donner pour améliorer la qualité d'accueil des enfants et les points prioritaires à traiter et, en dernier lieu, de dire que l'exécution de l'ordonnance sera assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard, due vingt-quatre heures après la notification. Par une ordonnance du 29 décembre 2023, dont l'association fait appel, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

3. Pour contester l'appréciation portée par le juge des référés sur l'absence d'urgence, l'association soutient que le juge des référés ne pouvait fonder son appréciation sur le seul comportement de l'association exposante en ignorant les effets concrets des modalités d'exécution des arrêtés contestés, que l'urgence à intervenir dans un délai très bref n'est pas contestable, la fermeture immédiate des deux établissements à la veille des vacances de Noël ayant créé une situation d'urgence extrême, que les effets des arrêtés litigieux sont graves et portent atteinte, d'une part , à la liberté d'entreprendre et à la liberté associative de l'association requérante ainsi qu'à son droit de disposer librement des biens pris à bail et, d'autre part, à l'intérêt supérieur des enfants accueillis et au droit des familles de mener une vie familiale normale et que la disproportion de ces mesures marque à elle seule une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.

4. Toutefois il ressort des pièces du dossier que l'association avait été alertée depuis plusieurs mois de la nécessité de procéder à des travaux pour remédier à divers dysfonctionnements et avait reçu un avis défavorable de la commission communale de sécurité suite à une visite organisée en janvier 2023 et qu'elle s'est abstenue de procéder à l'ensemble des mesures demandées, d'une part, par le directeur de l'unité départementale du Val-de-Marne de la direction régionale interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et de l'emploi et, d'autre part, par le président du conseil départemental du Val-de-Marne. Il en ressort également que l'association avait été alertée à plusieurs reprises de la persistance de dysfonctionnements quant à la qualification des professionnels et au taux d'encadrement des enfants, non conformes à la réglementation en vigueur, et n'y avait pas remédié. Dans ces conditions la condition d'urgence ne saurait être regardée comme remplie.

5. Il résulte de ce qu'il précède qu'il y a lieu de rejeter la requête selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'Association franco-allemande pour l'animation et la communication est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Association franco-allemande pour l'animation et la communication.
Fait à Paris, le 18 janvier 2024
Signé : Christine Maugüé