Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 476309, lecture du 5 février 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:476309.20240205

Décision n° 476309
5 février 2024
Conseil d'État

N° 476309
ECLI:FR:CECHR:2024:476309.20240205
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Alianore Descours, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
GUILLAND, avocat


Lecture du lundi 5 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet et 1er septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-RES-RSA-000127, le dernier alinéa du paragraphe 1 des commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-RSA-ES-20-40-30 ainsi que le dernier alinéa du paragraphe 1 des commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 ;
- la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir des commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-RES-RSA-000127, du dernier alinéa du paragraphe 1 des commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-RSA-ES-20-40-30 ainsi que du dernier alinéa du paragraphe 1 des commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10.

2. Aux termes du premier de ces commentaires administratifs, dont la teneur est reprise en substance dans les autres commentaires attaqués : " Dans le cadre du régime fiscal de faveur prévu à l'article 163 bis G du CGI, le renvoi à l'article 150-0 A du CGI a pour objet de définir les modalités d'assiette applicables au gain résultant de la cession de titres souscrits en exercice de BSPCE [bons de souscription de parts de créateur d'entreprise]. Il ne peut s'agir d'un renvoi implicite à l'ensemble du régime des plus-values mobilières et, notamment, à l'article 150-0 B du CGI relatif au sursis d'imposition. / Dès lors, le gain résultant de l'apport de titres reçus en exercice des BSPCE ne bénéficie pas du mécanisme du sursis d'imposition. Ce gain sera imposé au titre de l'année de l'apport selon les dispositions de l'article 163 bis G du CGI (...) ".

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

3. M. A..., salarié de la société Jung depuis juillet 2020, est titulaire de 612 bons de souscription de parts de créateur d'entreprise qui lui ont été attribués le 13 novembre 2020, ce qui suffit, contrairement à ce que soutient le ministre, à lui conférer un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation des commentaires administratifs précités.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. D'une part, l'article 163 bis G du code général des impôts dispose que " I.- Le gain net réalisé lors de la cession des titres souscrits en exercice des bons attribués dans les conditions définies aux II à III est imposé dans les conditions prévues à l'article 150-0 A et aux 1 ou 2 de l'article 200 A. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le gain net précité est imposé dans les conditions prévues à l'article 150-0 A et au taux de 30 % lorsque le bénéficiaire exerce son activité ou, le cas échéant, son mandat dans la société dans laquelle il a bénéficié de l'attribution des bons depuis moins de trois ans à la date de la cession. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 B du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article 150-0 B ter, les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values et moins-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (...) ".

6. Il résulte des dispositions de l'article 163 bis G du code général des impôts, éclairé par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1997 de finances pour 1998 dont il est issu et de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 ayant réformé le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, que le législateur a entendu soumettre le gain net réalisé lors de la cession de titres souscrits en exercice de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise au régime de droit commun des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu aux articles 150-0 A et suivants du même code, sous la seule réserve des règles particulières de taux qu'il édicte. Ainsi, notamment, en cas d'apport à une société non contrôlée par l'apporteur de titres souscrits en exercice de tels bons, le gain résultant de cet apport n'est pas immédiatement taxable mais bénéficie du sursis d'imposition prévu par les dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts.

7. Par suite, en énonçant que le gain de cession réalisé lors de l'apport à une société non contrôlée de titres souscrits en exercice des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise ne peut bénéficier du mécanisme du sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts, les commentaires attaqués méconnaissent les dispositions dont ils ont pour objet d'éclairer la portée. Ils doivent en conséquence être annulés.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-RES-RSA-000127, le dernier alinéa du paragraphe 1 des commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-RSA-ES-20-40-30 ainsi que le dernier alinéa du paragraphe 1 des commentaires administratifs publiés le 25 mai 2023 au BOFiP - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-20-10 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 3000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 janvier 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; conseillère d'Etat ; président de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, Mme Nathalie Escaut, conseillers d'Etat ; Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes et Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 5 février 2024.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
La rapporteure :
Signé : Mme Alianore Descours
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle



Voir aussi