Conseil d'État
N° 491285
ECLI:FR:CECHR:2025:491285.20250930
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Pascal Trouilly, rapporteur
SARL GURY & MAITRE, avocats
Lecture du mardi 30 septembre 2025
Vu la procédure suivante :
La société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet du Loiret a interdit dans l'ensemble du département du Loiret l'utilisation de détecteurs de métaux dans le cadre du rallye de détection " Détectland " prévu les 21 et 22 septembre 2019. Par un jugement n° 1904102 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 21VE03265 du 28 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 27 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2° réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du patrimoine ;
- le code de relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Gury et Maître, avocat de la société La Boutique du Fouilleur et du syndicat rrofessionnel Détexpert ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat des professionnels de la détection de métaux Détexpert ont souhaité organiser, les 21 et 22 septembre 2019, un événement de détection d'objets à l'aide de détecteurs de métaux, dénommé " rallye Détectland ", à l'occasion duquel, sur des terrains pouvant être situés dans le Loiret et deux départements limitrophes, dont la localisation précise ne serait divulguée qu'au dernier moment, des objets métalliques tels que des pièces de monnaie et des jetons seraient enfouis afin de pouvoir être retrouvés et mis au jour par des participants non professionnels munis d'appareils de détection de métaux. Le préfet du Loiret, afin d'assurer " la sécurité du patrimoine archéologique " a, par un arrêté du 20 septembre 2019, interdit l'utilisation de détecteurs de métaux dans le cadre du rallye de détection " Détectland ", pendant les journées des 21 et 22 septembre 2019 sur l'ensemble du département du Loiret. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre de cet arrêté par la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert. Ces derniers se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 28 novembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté préfectoral contesté que celui-ci n'a pas interdit l'évènement prévu les 20 et 21 septembre 2019 mais a interdit de manière générale l'utilisation, à l'occasion de celui-ci, et pour autant qu'il se déroule dans le département du Loiret, de détecteurs de métaux pendant les deux journées prévues pour cet événement. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement interprété cet arrêté en retenant qu'il ne présentait pas le caractère d'une décision individuelle, interdisant l'événement lui-même, mais celui d'un acte réglementaire et n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que le préfet avait pu le prendre sans mettre préalablement en mesure les organisateurs de l'événement de présenter leurs observations.
3. En deuxième lieu, à supposer même que le préfet du Loiret ait entendu, en adoptant l'arrêté en litige, se fonder sur les dispositions des articles L. 542-1 et suivants du code du patrimoine, qui organisent une police spéciale des fouilles archéologiques, il ressort des pièces du dossier de la procédure que la ministre de la culture a fait valoir, dans un mémoire en défense adressé à la cour administrative d'appel et communiqué à l'ensemble des parties, que l'arrêté du préfet du Loiret devait être regardé comme étant pris sur le fondement des pouvoirs de police générale, exercés, selon les cas, par le maire ou par le préfet du département sur le fondement des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. La cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que l'arrêté attaqué avait été pris sur le fondement des pouvoirs de police générale confiés au préfet et en appréciant sa légalité au regard de ces dispositions du code général des collectivités territoriales.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 531-1 du code du patrimoine : " Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l'autorisation ". Selon l'article L. 542-1 du même code : " Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques (...) / 3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune (...) ".
5. Les dispositions précédemment citées du code du patrimoine, au titre de la police spéciale de la protection du patrimoine archéologique, soumettent à autorisation la réalisation de fouilles et sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie ainsi que l'utilisation à cet effet de matériel permettant la détection d'objets métalliques. Ces pouvoirs sont exercés, en vertu des articles R. 531-1 et R. 542-1 du code du patrimoine, par le préfet de région. La réalisation de fouilles non autorisées et l'utilisation, sans autorisation préalable, d'un matériel de détection d'objets métalliques font l'objet de sanctions pénales. L'existence de cette police spéciale ne fait toutefois pas obstacle à ce que le maire ou le préfet de département, selon les cas, mettent en oeuvre leurs pouvoirs de police générale pour prévenir des fouilles et excavations susceptibles, par leur localisation dans des zones riches en vestiges archéologiques, de porter atteinte au patrimoine archéologique ainsi que pour prévenir la commission des infractions relatives aux fouilles. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la police spéciale organisée par les dispositions de l'article L. 542-1 du code du patrimoine ne fait pas obstacle à l'exercice par le préfet de ses pouvoirs de police générale en vue notamment d'assurer la sécurité du patrimoine archéologique.
6. En quatrième lieu, en jugeant, après avoir relevé que le préfet n'avait pas édicté d'interdiction générale et absolue, que la mesure de police décidée par le préfet, limitée aux journées des 21 et 22 septembre 2019, n'était pas disproportionnée dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la présence dans le département du Loiret de nombreux sites archéologiques ayant un intérêt patrimonial et à la circonstance que le préfet demeurait dans l'ignorance de la localisation des sites retenus pas les organisateurs du rallye, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Boutique du Fouilleur et autre ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société La boutique du Fouilleur et autre est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société La Boutique du Fouilleur, première dénommée, et à la ministre de la culture.
N° 491285
ECLI:FR:CECHR:2025:491285.20250930
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
M. Pascal Trouilly, rapporteur
SARL GURY & MAITRE, avocats
Lecture du mardi 30 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert ont demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2019 par lequel le préfet du Loiret a interdit dans l'ensemble du département du Loiret l'utilisation de détecteurs de métaux dans le cadre du rallye de détection " Détectland " prévu les 21 et 22 septembre 2019. Par un jugement n° 1904102 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 21VE03265 du 28 novembre 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 janvier et 27 mars 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2° réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du patrimoine ;
- le code de relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Gury et Maître, avocat de la société La Boutique du Fouilleur et du syndicat rrofessionnel Détexpert ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat des professionnels de la détection de métaux Détexpert ont souhaité organiser, les 21 et 22 septembre 2019, un événement de détection d'objets à l'aide de détecteurs de métaux, dénommé " rallye Détectland ", à l'occasion duquel, sur des terrains pouvant être situés dans le Loiret et deux départements limitrophes, dont la localisation précise ne serait divulguée qu'au dernier moment, des objets métalliques tels que des pièces de monnaie et des jetons seraient enfouis afin de pouvoir être retrouvés et mis au jour par des participants non professionnels munis d'appareils de détection de métaux. Le préfet du Loiret, afin d'assurer " la sécurité du patrimoine archéologique " a, par un arrêté du 20 septembre 2019, interdit l'utilisation de détecteurs de métaux dans le cadre du rallye de détection " Détectland ", pendant les journées des 21 et 22 septembre 2019 sur l'ensemble du département du Loiret. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre de cet arrêté par la société La Boutique du Fouilleur et le syndicat professionnel Détexpert. Ces derniers se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 28 novembre 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté préfectoral contesté que celui-ci n'a pas interdit l'évènement prévu les 20 et 21 septembre 2019 mais a interdit de manière générale l'utilisation, à l'occasion de celui-ci, et pour autant qu'il se déroule dans le département du Loiret, de détecteurs de métaux pendant les deux journées prévues pour cet événement. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement interprété cet arrêté en retenant qu'il ne présentait pas le caractère d'une décision individuelle, interdisant l'événement lui-même, mais celui d'un acte réglementaire et n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que le préfet avait pu le prendre sans mettre préalablement en mesure les organisateurs de l'événement de présenter leurs observations.
3. En deuxième lieu, à supposer même que le préfet du Loiret ait entendu, en adoptant l'arrêté en litige, se fonder sur les dispositions des articles L. 542-1 et suivants du code du patrimoine, qui organisent une police spéciale des fouilles archéologiques, il ressort des pièces du dossier de la procédure que la ministre de la culture a fait valoir, dans un mémoire en défense adressé à la cour administrative d'appel et communiqué à l'ensemble des parties, que l'arrêté du préfet du Loiret devait être regardé comme étant pris sur le fondement des pouvoirs de police générale, exercés, selon les cas, par le maire ou par le préfet du département sur le fondement des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. La cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en retenant que l'arrêté attaqué avait été pris sur le fondement des pouvoirs de police générale confiés au préfet et en appréciant sa légalité au regard de ces dispositions du code général des collectivités territoriales.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 531-1 du code du patrimoine : " Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans en avoir au préalable obtenu l'autorisation ". Selon l'article L. 542-1 du même code : " Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques (...) / 3° Le représentant de l'Etat dans le département est seul compétent pour prendre les mesures relatives à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, dont le champ d'application excède le territoire d'une commune (...) ".
5. Les dispositions précédemment citées du code du patrimoine, au titre de la police spéciale de la protection du patrimoine archéologique, soumettent à autorisation la réalisation de fouilles et sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie ainsi que l'utilisation à cet effet de matériel permettant la détection d'objets métalliques. Ces pouvoirs sont exercés, en vertu des articles R. 531-1 et R. 542-1 du code du patrimoine, par le préfet de région. La réalisation de fouilles non autorisées et l'utilisation, sans autorisation préalable, d'un matériel de détection d'objets métalliques font l'objet de sanctions pénales. L'existence de cette police spéciale ne fait toutefois pas obstacle à ce que le maire ou le préfet de département, selon les cas, mettent en oeuvre leurs pouvoirs de police générale pour prévenir des fouilles et excavations susceptibles, par leur localisation dans des zones riches en vestiges archéologiques, de porter atteinte au patrimoine archéologique ainsi que pour prévenir la commission des infractions relatives aux fouilles. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la police spéciale organisée par les dispositions de l'article L. 542-1 du code du patrimoine ne fait pas obstacle à l'exercice par le préfet de ses pouvoirs de police générale en vue notamment d'assurer la sécurité du patrimoine archéologique.
6. En quatrième lieu, en jugeant, après avoir relevé que le préfet n'avait pas édicté d'interdiction générale et absolue, que la mesure de police décidée par le préfet, limitée aux journées des 21 et 22 septembre 2019, n'était pas disproportionnée dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la présence dans le département du Loiret de nombreux sites archéologiques ayant un intérêt patrimonial et à la circonstance que le préfet demeurait dans l'ignorance de la localisation des sites retenus pas les organisateurs du rallye, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Boutique du Fouilleur et autre ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société La boutique du Fouilleur et autre est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société La Boutique du Fouilleur, première dénommée, et à la ministre de la culture.