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Ariane Web: Conseil d'État 493909, lecture du 16 octobre 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:493909.20251016

Décision n° 493909
16 octobre 2025
Conseil d'État

N° 493909
ECLI:FR:CECHR:2025:493909.20251016
Publié au recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Julien Barel, rapporteur
SARL CABINET BRIARD, BONICHOT ET ASSOCIES, avocats


Lecture du jeudi 16 octobre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les titres de pension qui lui ont été concédés les 27 février et 18 septembre 2023, d'enjoindre au service des retraites de l'Etat de procéder, dans un délai de deux mois, à un nouvel examen de ses droits à pension en prenant en compte, pour la liquidation de celle-ci, les services accomplis entre le 16 février 2015 et le 15 février 2023 ainsi que l'indice majoré 1554, et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi.

Par un jugement nos 2300454, 2301704 du 12 mars 2024, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé les titres de pension en litige en tant qu'ils n'ont pas tenu compte des services effectués par M. B... entre le 16 février 2015 et le 15 février 2023 et ont liquidé sa pension de retraite sur la base d'un indice majoré inférieur à 1554, enjoint au service des retraites de l'Etat d'examiner à nouveau, dans un délai de deux mois, les droits à pension de M. B... en prenant en compte la période de prolongation d'activité et l'indice majoré 1554, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 avril et 30 décembre 2024, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler les titres de pension des 27 février et 18 septembre 2023 lui accordant une pension de retraite sur la base de l'indice majoré 1327, avec une cessation des services valables pour la retraite au 15 février 2015, correspondant à la date à laquelle il a atteint la limite d'âge dans le grade de commissaire divisionnaire de police du corps de conception et de direction de la police nationale, en tant, notamment, que, pour la liquidation de sa pension, ces titres ne prenaient pas en compte les trente-deux trimestres correspondant aux services accomplis au cours des prolongations d'activité qui lui ont été accordées du 16 février 2015 au 15 août 2018 puis du 16 août 2018 au 15 février 2023 et ne retenaient pas l'indice majoré 1554. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se pourvoit en cassation contre les articles 1er à 3 du jugement du 12 mars 2024 par lesquels le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé ces titres de pension en tant qu'ils ne tenaient pas compte des services accomplis au cours des périodes de prolongation d'activité et liquidaient la pension de M. B... sur la base d'un indice majoré inférieur à 1554, et enjoint au service des retraites de l'Etat de réviser le montant de cette pension dans un délai de deux mois.

2. D'une part, aux termes de l'article 68 de la loi du 11 janvier 1984, applicable au litige et dont les dispositions ont été reprises au premier alinéa de l'article L. 556-1 du code général de la fonction publique : " Les fonctionnaires ne peuvent être maintenus en fonctions au-delà de la limite d'âge de leur emploi sous réserve des exceptions prévues par les textes en vigueur ". Aux termes de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public, applicable au litige et dont les dispositions ont été reprises, en substance, à l'article L. 556-5 du code général de la fonction publique : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité. / La prolongation d'activité prévue à l'alinéa précédent ne peut avoir pour effet de maintenir le fonctionnaire concerné en activité au-delà de la durée des services liquidables prévue à l'article L. 13 du même code ni au-delà d'une durée de dix trimestres. / Cette prolongation d'activité est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension ". Aux termes de l'article 1-3 de cette même loi, applicable au litige et dont les dispositions ont été reprises, en substance, à l'article L. 556-7 du code général de la fonction publique : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique. / (...) Lorsque le maintien en activité prend fin, le fonctionnaire est radié des cadres et admis à la retraite dans les conditions prévues au 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Les périodes de maintien en activité définies au présent article sont prises en compte dans la constitution et la liquidation des droits à pension des fonctionnaires et peuvent ouvrir droit à la surcote, dans les conditions prévues à l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ". Enfin, aux termes de l'article 1er de la loi du 13 septembre 1984, applicable au litige et dont les dispositions ont été reprises, en substance, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 556-1 du code général de la fonction publique : " Sous réserve des reculs de limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'Etat, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'Etat est fixée à soixante-sept ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans ".

3. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, applicable au litige et dont les dispositions figurent désormais à l'article L. 513-1 du code général de la fonction publique : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite ". Aux termes des dispositions de l'article 33 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions, dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 octobre 2007 : " Dans le cas où le fonctionnaire est détaché dans un emploi conduisant à pension du régime de retraite des fonctionnaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ou de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la retenue pour pension est calculée sur le traitement afférent à l'emploi de détachement. / Dans ce cas, la limite d'âge applicable au fonctionnaire est celle de son nouvel emploi. / Les conditions particulières dans lesquelles s'exercent ses droits à pension sont fixées par le code des pensions civiles et militaires de retraite ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 33 du décret du 16 septembre 1985 que la limite d'âge applicable au fonctionnaire détaché dans un emploi conduisant à pension du régime de retraite des fonctionnaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite ou de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est celle, lorsqu'elle existe, de cet emploi. Par suite, alors même qu'il aurait atteint la limite d'âge du grade du corps auquel il appartient, l'agent peut régulièrement être maintenu en détachement dans cet emploi pendant toute la durée de son détachement et, au plus tard, jusqu'à ce qu'il atteigne la limite d'âge de cet emploi. Son lien avec le service étant maintenu pendant la durée du détachement, l'agent peut, en outre, si les conditions en sont réunies, bénéficier, en vertu des dispositions citées au point 2, d'un maintien en activité au-delà de la limite d'âge de cet emploi.

5. Il ressort des énonciations non contestées du jugement attaqué que M. B..., né le 15 février 1956, a été détaché dans l'emploi de contrôleur général de service actif de la police nationale, dont la limite d'âge est de 60 ans, à compter du 4 avril 2012 alors qu'il était titulaire du grade de commissaire divisionnaire de police du corps de conception et de direction de la police nationale, dont la limite d'âge est de 59 ans.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'en jugeant que la circonstance que M. B... avait atteint la limite d'âge du grade du corps auquel il appartenait le 15 février 2015 ne faisait pas obstacle à ce que le maintien en activité qu'il avait demandé, sur le fondement de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, le 15 juin 2015 alors qu'il était en détachement lui soit accordé, le 20 juillet 2015, pour la période du 16 février 2016 au 15 août 2018, au motif que sa demande avait été présentée avant qu'il n'atteigne, le 15 février 2016, la limite d'âge de son emploi de détachement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges n'a pas commis d'erreur de droit. Il n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que l'intéressé, régulièrement maintenu, ainsi qu'il a été dit, dans son emploi de détachement, sur le fondement de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, jusqu'au 15 août 2018, avait pu légalement être autorisé, par arrêté du 12 janvier 2018, à prolonger, de nouveau, son activité jusqu'au 15 février 2023, date de son 67ème anniversaire, sur le fondement de l'article 1-3 de la même loi, et que, par suite, M. B... était fondé à soutenir que c'était à tort que le service des retraites de l'Etat avait refusé de prendre en compte, pour le calcul de sa pension de retraite, ses services accomplis du 16 février 2015 au 15 février 2023 ainsi que l'indice majoré 1554.

7. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque, qui est suffisamment motivé.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique et à M. A... B....

Délibéré à l'issue de la séance du 29 septembre 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Christophe Barthélemy, conseillers d'Etat et M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 16 octobre 2025.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Barel
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Planchette


La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


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