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Ariane Web: Conseil d'État 493158, lecture du 7 novembre 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:493158.20251107

Décision n° 493158
7 novembre 2025
Conseil d'État

N° 493158
ECLI:FR:CECHR:2025:493158.20251107
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Cécile Fraval, rapporteure
SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL, avocats


Lecture du vendredi 7 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Intrum Corporate a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 juillet 2023 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a refusé de valider l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. Par un jugement n° 2310136 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 23VE02579 du 9 février 2024, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Intrum Corporate contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 avril et 27 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Intrum Corporate demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Fraval, maîtresse des requêtes,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la société Intrum Corporate ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 5 juillet 2023, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a refusé de valider l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intrum Corporate prévoyant la suppression de 27 postes pouvant conduire à 26 licenciements pour motif économique au motif que cette société était tenue d'inclure une proposition de congé de reclassement dans son plan. Par un jugement du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la société Intrum Corporate tendant à l'annulation de cette décision. Par un arrêt du 9 février 2024, contre lequel la société Intrum Corporate se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-24-1 du code du travail : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en oeuvre des licenciements (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-57-2 du même code : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 (...) ". Selon l'article L. 1233-24-3 de ce code : " L'accord prévu à l'article L. 1233-24-1 ne peut déroger : / (...) 3° A l'obligation, pour l'employeur, de proposer aux salariés le contrat de sécurisation professionnelle prévu à l'article L. 1233-65 ou le congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71 (...) ". L'article L. 1233-71 de ce code dispose que : " Dans les entreprises ou les établissements d'au moins mille salariés, ainsi que dans les entreprises mentionnées à l'article L. 2331-1 et celles répondant aux conditions mentionnées aux articles L. 2341-1 et L. 2341-2, dès lors qu'elles emploient au total au moins mille salariés, l'employeur propose à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique un congé de reclassement qui a pour objet de permettre au salarié de bénéficier d'actions de formation et des prestations d'une cellule d'accompagnement des démarches de recherche d'emploi. / (...) L'employeur finance l'ensemble de ces actions. "

3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 2331-1 du code du travail : " Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. "

4. Enfin, aux termes de l'article L. 2341-1 du code du travail, figurant au sein du titre IV du livre III de la deuxième partie de ce code relatif au comité d'entreprise européen et à la procédure d'information et de consultation dans les entreprises de dimension communautaire : " Pour l'application du présent titre, on entend par entreprise de dimension communautaire l'entreprise ou l'organisme qui emploie au moins mille salariés dans les Etats membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux de ces Etats. " Aux termes de l'article L. 2341-2 du même code : " Pour l'application du présent titre, on entend par groupe d'entreprises de dimension communautaire, le groupe, au sens de l'article L. 2331-1, satisfaisant aux conditions d'effectifs et d'activité mentionnées à l'article L. 2341-1 et comportant au moins une entreprise employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux des Etats mentionnés à ce même article. "

5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que, pour l'application de l'article L. 1233-71 du code du travail, l'entreprise répondant aux conditions mentionnées à l'article L. 2341-2 du même code s'entend de l'entreprise appartenant à un groupe satisfaisant aux conditions d'effectifs et d'activité mentionnées à l'article L. 2341-1 de ce code et comportant au moins une entreprise employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux des Etats mentionnés à ce même article, formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce, quel que soit le lieu d'implantation du siège de l'entreprise dominante. Dès lors, en jugeant que la circonstance que le siège social de l'entreprise dominante d'un groupe ne soit pas situé sur le territoire français était sans incidence sur sa qualification de groupe d'entreprises de dimension communautaire au sens de l'article L. 2341-2 du code du travail et par suite sur l'obligation pesant, en vertu de l'article L. 1233-71 du même code, sur une entreprise appartenant à un tel groupe de proposer un congé de reclassement à chaque salarié dont elle envisage de prononcer le licenciement pour motif économique, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la société Intrum Corporate doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Intrum Corporate est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Intrum Corporate et au ministre du travail et des solidarités.


Voir aussi