Conseil d'État
N° 497736
ECLI:FR:CECHR:2025:497736.20251114
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Coralie Albumazard, rapporteure
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 14 novembre 2025
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 497736, la commune du Porge a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 2 113 hectares, 48 ares et 36 centiares. Par un jugement n° 2105604 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03006 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
2° Sous le n° 497737, la commune du Teich a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 694 hectares, 56 ares et 25 centiares. Par un jugement n° 2100800 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03005 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
....................................................................................
3° Sous le n° 497738, la commune d'Andernos-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 379 hectares, 7 ares et 93 centiares. Par un jugement n° 2103346 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03003 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
....................................................................................
4° Sous le n° 497739, la commune d'Audenge a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 1 597 hectares, 52 ares et 29 centiares. Par un jugement n° 2100779 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03004 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune du Porge, de la commune du Teich, de la commune d'Andernos-les-Bains et de la commune d'Audenge.
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger la même question. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Les communes du Porge, du Teich, d'Andernos-les-Bains et d'Audenge ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 11 décembre 2020 et 10 mars 2021 par lesquels le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a imposé l'application du régime forestier à des bois et forêts leur appartenant. Le ministre se pourvoit en cassation contre les arrêts du 9 juillet 2024 par lesquels la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté ses appels dirigés contre les jugements du 6 octobre 2022 du tribunal administratif annulant ces arrêtés.
3. D'une part, l'article L. 112-1 du code forestier dispose, dans sa version applicable au litige : " Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers. / Sont reconnus d'intérêt général : / 1° La protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d'une gestion durable ; / 2° La conservation des ressources génétiques et de la biodiversité forestières ; / 3° La protection de la ressource en eau et de la qualité de l'air par la forêt dans le cadre d'une gestion durable ; / 4° La protection ainsi que la fixation des sols par la forêt, notamment en zone de montagne ; / 5° La fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage de carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. (...) ". Aux termes de l'article L. 112-2 du même code : " Tout propriétaire exerce sur ses bois et forêts tous les droits résultant de la propriété dans les limites spécifiées par le présent code et par la loi, afin de contribuer, par une gestion durable, à l'équilibre biologique et à la satisfaction des besoins en bois et autres produits forestiers. / Il en réalise le boisement, l'aménagement et l'entretien conformément à une sage gestion économique ". Enfin, en vertu des articles L. 121-1 et suivants du même code, la politique forestière, qui relève de la compétence de l'Etat, a pour objet d'assurer la gestion durable des bois et forêts en prenant en compte leurs fonctions économique, écologique et sociale selon un certain nombre de principes dont la mise en oeuvre est déclinée dans différents documents d'orientation et de gestion.
4. En outre, l'article L. 211-1 du code forestier dispose que : " I. - Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui-ci : / 1° Les bois et forêts qui appartiennent à l'Etat, ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis ; / 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes, ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis, et auxquels ce régime a été rendu applicable dans les conditions prévues à l'article L. 214-3 : / a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes ; (...) ". L'article L. 214-3 du même code dispose : " Dans les bois et forêts des collectivités territoriales et des autres personnes morales mentionnées au 2° du I de l'article L. 211-1 susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution, l'application du régime forestier est prononcée par l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la collectivité ou de la personne morale intéressée. En cas de désaccord, la décision est prise par arrêté du ministre chargé des forêts ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Les bois et forêts relevant du régime forestier satisfont de manière spécifique à des besoins d'intérêt général soit par l'accomplissement des obligations particulières prévues par ce régime, soit par une promotion d'activités telles que l'accueil du public, la conservation des milieux, la prise en compte de la biodiversité et la recherche scientifique ". Aux termes des articles L. 212-1 et suivants du code forestier, les bois et forêts relevant du régime forestier sont gérés conformément à un document d'aménagement lequel, établi conformément aux directives et schémas régionaux mentionnés à l'article L. 122-2, prend en compte les objectifs de gestion durable, notamment la contribution actuelle et potentielle de la forêt à l'équilibre des fonctions écologique, économique et sociale du territoire où elle se situe, ainsi que les caractéristiques des bassins d'approvisionnement des industries du bois. Dans les forêts soumises à une forte fréquentation du public, la préservation et l'amélioration du cadre de vie des populations doivent constituer une priorité. Le document d'aménagement fixe l'assiette des coupes. L'arrêté d'aménagement peut, pour certaines zones, interdire ou soumettre à des conditions particulières les activités susceptibles de compromettre la réalisation des objectifs de l'aménagement. En outre, le document d'aménagement peut identifier des zones susceptibles de constituer des réserves biologiques dans un objectif de préservation ou de restauration du patrimoine naturel. Enfin, l'article L. 221-2 du même code prévoit que l'Office national des forêts (ONF) est chargé de la mise en oeuvre du régime forestier et exerce cette mission dans le cadre des arrêtés d'aménagement prévus à l'article L. 212-1.
5. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 124-1 du code forestier, présentent des garanties de gestion durable, dès lors qu'ils disposent du document de gestion spécifique à leur situation, les bois et forêts : " 4° Appartenant à des personnes publiques sans relever du I de l'article L. 211-1 et gérés conformément à un règlement type de gestion agréé, que le propriétaire s'est engagé à appliquer pour une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article R. 124-2 du même code : " Les bois et forêts appartenant à des personnes publiques et ne relevant pas du régime forestier, mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 124-1, présentent une garantie de gestion durable lorsqu'ils sont gérés : / 1° Conformément au règlement-type de gestion agréé mentionné au deuxième alinéa de l'article D. 212-10, correspondant à la catégorie de bois et forêts dont ils relèvent dans le ressort de la directive régionale d'aménagement ou du schéma régional d'aménagement applicable dans la région où ils sont situés ; / 2° Soit par l'Office national des forêts, selon les modalités prévues pour les bois et forêts des particuliers aux articles D. 315-1 à D. 315-7, soit par un organisme de gestion en commun des forêts ou un expert forestier mentionnés à l'article L. 313-2, soit par un gestionnaire forestier professionnel répondant aux conditions mentionnées à l'article L. 315-1 ; dans chaque cas, le contrat doit être d'une durée au moins égale à dix ans ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article D. 212-10, le document d'aménagement est préparé par l'Office national des forêts.
6. D'autre part, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". En vertu de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement et de l'article L. 112-4 du code forestier, les décisions prises en application du code forestier qui ont une incidence directe et significative sur l'environnement doivent être préalablement soumises à une procédure de participation du public à leur élaboration, quand bien même les dispositions législatives qui leur sont applicables n'ont pas prévu, à cet effet, de procédure particulière.
7. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 3 à 5 que la gestion des bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution appartenant aux communes et auxquels le régime forestier n'a pas été rendu applicable par une décision de l'autorité administrative compétente de l'Etat en application de l'article L. 214-3 du code forestier, doit respecter les principes énoncés à l'article L. 112-1 de ce code et les documents d'orientation et de gestion pris pour leur mise en oeuvre. Il en résulte également que, faute d'avoir fait l'objet d'une telle décision, ces bois et forêts présentent des garanties de gestion durable s'ils sont gérés conformément à un règlement type de gestion élaboré par l'Office national des forêts et approuvé par le ministre chargé des forêts. Dans cette hypothèse, l'application ultérieure du régime forestier à ces bois et forêts a pour principal effet de transférer leur gestion à l'Office national des forêts mais elle n'a pas pour objet ni par elle-même pour effet d'emporter une modification des choix de leur gestion durable, entre leurs fonctions économique, écologique et sociale, de nature à avoir une incidence directe et significative sur l'environnement.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant, après avoir relevé que les parcelles de bois et forêts, objets des arrêtés en litige, étaient, antérieurement aux arrêtés attaqués, gérés avec le concours d'un gestionnaire forestier agréé et soumis aux dispositions du règlement type de gestion applicable sur le périmètre du schéma régional d'aménagement du plateau landais, approuvé par arrêté de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine par arrêté du 30 avril 2019, en application des dispositions des articles L. 124-1 et R. 124-2 du code forestier, que les arrêtés attaqués devaient être regardés comme des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dont l'édiction aurait dû être précédée, à ce titre, d'une procédure de participation du public dans les conditions prévues à l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 juillet 2024 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions présentées en défense sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature et à la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire, à la commune du Porge, à la commune du Teich, à la commune d'Andernos-les-Bains et à la commune d'Audenge.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 octobre 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, M. Jean-Luc Matt, conseillers d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 14 novembre 2025.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Coralie Albumazard
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras
N° 497736
ECLI:FR:CECHR:2025:497736.20251114
Mentionné aux tables du recueil Lebon
5ème - 6ème chambres réunies
Mme Coralie Albumazard, rapporteure
SCP FOUSSARD, FROGER, avocats
Lecture du vendredi 14 novembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 497736, la commune du Porge a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 2 113 hectares, 48 ares et 36 centiares. Par un jugement n° 2105604 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03006 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
2° Sous le n° 497737, la commune du Teich a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 694 hectares, 56 ares et 25 centiares. Par un jugement n° 2100800 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03005 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
....................................................................................
3° Sous le n° 497738, la commune d'Andernos-les-Bains a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 mars 2021 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 379 hectares, 7 ares et 93 centiares. Par un jugement n° 2103346 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03003 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
....................................................................................
4° Sous le n° 497739, la commune d'Audenge a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rendu le régime forestier applicable à des parcelles de bois et forêts lui appartenant représentant une surface de 1 597 hectares, 52 ares et 29 centiares. Par un jugement n° 2100779 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Par un arrêt n° 22BX03004 du 9 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire contre ce jugement.
Par un pourvoi, enregistré le 10 septembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de l'environnement ;
- le code forestier ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune du Porge, de la commune du Teich, de la commune d'Andernos-les-Bains et de la commune d'Audenge.
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger la même question. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Les communes du Porge, du Teich, d'Andernos-les-Bains et d'Audenge ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 11 décembre 2020 et 10 mars 2021 par lesquels le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a imposé l'application du régime forestier à des bois et forêts leur appartenant. Le ministre se pourvoit en cassation contre les arrêts du 9 juillet 2024 par lesquels la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté ses appels dirigés contre les jugements du 6 octobre 2022 du tribunal administratif annulant ces arrêtés.
3. D'une part, l'article L. 112-1 du code forestier dispose, dans sa version applicable au litige : " Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers. / Sont reconnus d'intérêt général : / 1° La protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d'une gestion durable ; / 2° La conservation des ressources génétiques et de la biodiversité forestières ; / 3° La protection de la ressource en eau et de la qualité de l'air par la forêt dans le cadre d'une gestion durable ; / 4° La protection ainsi que la fixation des sols par la forêt, notamment en zone de montagne ; / 5° La fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage de carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. (...) ". Aux termes de l'article L. 112-2 du même code : " Tout propriétaire exerce sur ses bois et forêts tous les droits résultant de la propriété dans les limites spécifiées par le présent code et par la loi, afin de contribuer, par une gestion durable, à l'équilibre biologique et à la satisfaction des besoins en bois et autres produits forestiers. / Il en réalise le boisement, l'aménagement et l'entretien conformément à une sage gestion économique ". Enfin, en vertu des articles L. 121-1 et suivants du même code, la politique forestière, qui relève de la compétence de l'Etat, a pour objet d'assurer la gestion durable des bois et forêts en prenant en compte leurs fonctions économique, écologique et sociale selon un certain nombre de principes dont la mise en oeuvre est déclinée dans différents documents d'orientation et de gestion.
4. En outre, l'article L. 211-1 du code forestier dispose que : " I. - Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui-ci : / 1° Les bois et forêts qui appartiennent à l'Etat, ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis ; / 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes, ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis, et auxquels ce régime a été rendu applicable dans les conditions prévues à l'article L. 214-3 : / a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes ; (...) ". L'article L. 214-3 du même code dispose : " Dans les bois et forêts des collectivités territoriales et des autres personnes morales mentionnées au 2° du I de l'article L. 211-1 susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution, l'application du régime forestier est prononcée par l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la collectivité ou de la personne morale intéressée. En cas de désaccord, la décision est prise par arrêté du ministre chargé des forêts ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Les bois et forêts relevant du régime forestier satisfont de manière spécifique à des besoins d'intérêt général soit par l'accomplissement des obligations particulières prévues par ce régime, soit par une promotion d'activités telles que l'accueil du public, la conservation des milieux, la prise en compte de la biodiversité et la recherche scientifique ". Aux termes des articles L. 212-1 et suivants du code forestier, les bois et forêts relevant du régime forestier sont gérés conformément à un document d'aménagement lequel, établi conformément aux directives et schémas régionaux mentionnés à l'article L. 122-2, prend en compte les objectifs de gestion durable, notamment la contribution actuelle et potentielle de la forêt à l'équilibre des fonctions écologique, économique et sociale du territoire où elle se situe, ainsi que les caractéristiques des bassins d'approvisionnement des industries du bois. Dans les forêts soumises à une forte fréquentation du public, la préservation et l'amélioration du cadre de vie des populations doivent constituer une priorité. Le document d'aménagement fixe l'assiette des coupes. L'arrêté d'aménagement peut, pour certaines zones, interdire ou soumettre à des conditions particulières les activités susceptibles de compromettre la réalisation des objectifs de l'aménagement. En outre, le document d'aménagement peut identifier des zones susceptibles de constituer des réserves biologiques dans un objectif de préservation ou de restauration du patrimoine naturel. Enfin, l'article L. 221-2 du même code prévoit que l'Office national des forêts (ONF) est chargé de la mise en oeuvre du régime forestier et exerce cette mission dans le cadre des arrêtés d'aménagement prévus à l'article L. 212-1.
5. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 124-1 du code forestier, présentent des garanties de gestion durable, dès lors qu'ils disposent du document de gestion spécifique à leur situation, les bois et forêts : " 4° Appartenant à des personnes publiques sans relever du I de l'article L. 211-1 et gérés conformément à un règlement type de gestion agréé, que le propriétaire s'est engagé à appliquer pour une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article R. 124-2 du même code : " Les bois et forêts appartenant à des personnes publiques et ne relevant pas du régime forestier, mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 124-1, présentent une garantie de gestion durable lorsqu'ils sont gérés : / 1° Conformément au règlement-type de gestion agréé mentionné au deuxième alinéa de l'article D. 212-10, correspondant à la catégorie de bois et forêts dont ils relèvent dans le ressort de la directive régionale d'aménagement ou du schéma régional d'aménagement applicable dans la région où ils sont situés ; / 2° Soit par l'Office national des forêts, selon les modalités prévues pour les bois et forêts des particuliers aux articles D. 315-1 à D. 315-7, soit par un organisme de gestion en commun des forêts ou un expert forestier mentionnés à l'article L. 313-2, soit par un gestionnaire forestier professionnel répondant aux conditions mentionnées à l'article L. 315-1 ; dans chaque cas, le contrat doit être d'une durée au moins égale à dix ans ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article D. 212-10, le document d'aménagement est préparé par l'Office national des forêts.
6. D'autre part, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". En vertu de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement et de l'article L. 112-4 du code forestier, les décisions prises en application du code forestier qui ont une incidence directe et significative sur l'environnement doivent être préalablement soumises à une procédure de participation du public à leur élaboration, quand bien même les dispositions législatives qui leur sont applicables n'ont pas prévu, à cet effet, de procédure particulière.
7. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 3 à 5 que la gestion des bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution appartenant aux communes et auxquels le régime forestier n'a pas été rendu applicable par une décision de l'autorité administrative compétente de l'Etat en application de l'article L. 214-3 du code forestier, doit respecter les principes énoncés à l'article L. 112-1 de ce code et les documents d'orientation et de gestion pris pour leur mise en oeuvre. Il en résulte également que, faute d'avoir fait l'objet d'une telle décision, ces bois et forêts présentent des garanties de gestion durable s'ils sont gérés conformément à un règlement type de gestion élaboré par l'Office national des forêts et approuvé par le ministre chargé des forêts. Dans cette hypothèse, l'application ultérieure du régime forestier à ces bois et forêts a pour principal effet de transférer leur gestion à l'Office national des forêts mais elle n'a pas pour objet ni par elle-même pour effet d'emporter une modification des choix de leur gestion durable, entre leurs fonctions économique, écologique et sociale, de nature à avoir une incidence directe et significative sur l'environnement.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en jugeant, après avoir relevé que les parcelles de bois et forêts, objets des arrêtés en litige, étaient, antérieurement aux arrêtés attaqués, gérés avec le concours d'un gestionnaire forestier agréé et soumis aux dispositions du règlement type de gestion applicable sur le périmètre du schéma régional d'aménagement du plateau landais, approuvé par arrêté de la préfète de la région Nouvelle-Aquitaine par arrêté du 30 avril 2019, en application des dispositions des articles L. 124-1 et R. 124-2 du code forestier, que les arrêtés attaqués devaient être regardés comme des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement dont l'édiction aurait dû être précédée, à ce titre, d'une procédure de participation du public dans les conditions prévues à l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 9 juillet 2024 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Les conclusions présentées en défense sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité et des négociations internationales sur le climat et la nature et à la ministre de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la souveraineté alimentaire, à la commune du Porge, à la commune du Teich, à la commune d'Andernos-les-Bains et à la commune d'Audenge.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 octobre 2025 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Stéphane Hoynck, M. Christophe Pourreau, M. Jean-Luc Matt, conseillers d'Etat et Mme Coralie Albumazard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 14 novembre 2025.
Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy
La rapporteure :
Signé : Mme Coralie Albumazard
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras