Conseil d'État
N° 504871
ECLI:FR:CECHS:2025:504871.20251201
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Alexandre Denieul, rapporteur
SARL GURY & MAITRE, avocats
Lecture du lundi 1 décembre 2025
Vu la procédure suivante :
La société L'Altra Strada a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, à titre principal, d'annuler les contrats signés par le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse (PNRC) portant sur les lots n°s 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8 et 9 de la concession de services de distribution de repas et de restauration aux randonneurs faisant halte sur neuf sites jalonnant le parcours du GR 20 et les lots nos 1 et 2 de la concession de services de distribution de repas et de camping et autres hébergements non hôtelier aux randonneurs faisant halte sur cinq sites jalonnant le parcours du GR 20, à titre subsidiaire, d'annuler les contrats afférents aux gîtes d'Asinau, d'Usciolu et de Paliri et de la déclarer attributaire des lots afférents à ces trois refuges, et, à titre infiniment subsidiaire, de réduire à douze mois la durée des concessions et de dire que les contrats litigieux seront remis en concurrence.
Par une ordonnance n°2500621 du 19 mai 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 18 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'Altra Strada demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge du syndicat mixte du parc naturel régional de Corse une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de la société l'Altra Strada, à la SARL Gury et Maître, avocat du syndicat mixte du parc naturel régional de Corse et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la SASU Cine di Corsita et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le syndicat mixte du Parc naturel régional de Corse a publié, le 16 décembre 2024 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, deux avis d'appel public à la concurrence pour des contrats de concession visant à confier aux délégataires une mission de service public consistant, pour l'avis référencé sous le n° 24-140825, à offrir les services de distribution de repas et de restauration aux randonneurs qui font halte sur neuf sites, correspondant à autant de lots, jalonnant le parcours du sentier de grande randonnée n° 20 (GR 20), et, pour l'avis référencé sous le n° 24-140834, à offrir les services de distribution de repas et de camping et autres hébergements non hôteliers aux randonneurs qui font halte sur cinq autres sites, correspondant à autant de lots, jalonnant le parcours du GR 20. La société L'Alta Strada a présenté des offres pour chacun des lots de ces contrats, à l'exception du lot n° 7 de l'avis n° 24-0825 et les lots n°s 3 à 5 de l'avis n° 24-140834. Par des courriers datés du 19 février 2025, le président du syndicat mixte du parc naturel régional de Corse a informé la société L'Alta Strada du rejet de ses dix offres. La société L'Alta Strada se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 19 mai 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant notamment, sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, à l'annulation des contrats signés le 12 mars 2025 par le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse portant sur les lots n°s 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8 et 9 de la concession de services de distribution de repas et de restauration et les lots n°s 1 et 2 de la concession de services de distribution de repas et de camping et autres hébergements non hôteliers.
Sur le pourvoi :
2. Aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Selon l'article L. 551-23 du même code, " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. "
3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Le premier alinéa de l'article R. 522-8 du même code précise : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences ".
4. Les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative sont rendues à la suite d'une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d'assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il résulte des dispositions citées au point 3 que, lorsqu'il décide de communiquer, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient, en pareil cas, sauf à fixer une nouvelle audience, d'informer les parties de la date et, le cas échéant, de l'heure à laquelle l'instruction sera close. Il ne saurait, en toute hypothèse, rendre son ordonnance tant que l'instruction est en cours sans entacher la procédure d'irrégularité.
5. Il ressort des pièces du dossier de la procédure devant le juge des référés que la clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience qui s'est tenue le 16 mai 2025 à 10h30. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en communiquant, le 16 mai 2025 à 16h53 et 16h54, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, des pièces complémentaires produites 15 mai 2025 par le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse, en invitant les parties à faire part de leurs observations dans les meilleurs délais, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert cette instruction. En rendant son ordonnance le 19 mai 2025 sans avoir préalablement clos l'instruction ainsi rouverte, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia l'a entachée d'irrégularité.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la société L'Alta Strada est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande présentée par la société L'Alta Strada devant le juge des référés :
8. Aux termes de l'article L. 551-18 du code de justice administrative : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. (...) / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9(...) ".
9. Aux termes de l'article R. 3125-1 du code de la commande publique : " L'autorité concédante notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. / Cette notification précise les motifs de ce rejet et, pour les soumissionnaires, le nom du ou des attributaires ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de l'offre. Elle comporte l'indication de la durée du délai de suspension que l'autorité concédante s'impose, eu égard notamment au mode de transmission retenu. " Aux termes de l'article R. 3125-2 du même code : " L'autorité concédante respecte un délai de seize jours entre la date d'envoi de la notification et la date de conclusion du contrat de concession. Ce délai est réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de cette notification à l'ensemble des candidats et soumissionnaires intéressés. / Le respect de ces délais n'est pas exigé lorsque le contrat de concession est attribué au seul opérateur ayant participé à la consultation. "
10. Aux termes de l'article L. 3126-1 du code de la commande publique : " Les règles de passation particulières à certains contrats à raison de leur objet ou selon que leur valeur estimée hors taxe est inférieure ou non au seuil européen qui figure dans l'avis annexé au présent code sont fixées par décret en Conseil d'Etat. " En vertu de l'article R. 3126-1 du même code, " le présent chapitre s'applique aux contrats de concession suivants : / 1° Les contrats de concession dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen qui figure dans un avis annexé au présent code ; / 2° Les contrats de concession qui ont, quelle que soit leur valeur estimée, pour objet : / (...) / b) Un des services sociaux ou des autres services spécifiques, dont la liste figure dans l'avis annexé au présent code ; / (...) / Ces contrats de concession sont passés conformément aux règles de procédure prévues au présent titre, sous réserve des règles particulières prévues par le présent chapitre. " Aux termes de l'article R. 3126-11 du même code : " Les dispositions de la section 1 du chapitre V du présent titre ne sont pas applicables aux contrats de concession qui relèvent du présent chapitre. / Par dérogation à l'alinéa précédent, les contrats de concession ayant pour objet un des services sociaux ou autres services spécifiques dont la liste est publiée par un avis annexé au présent code sont soumis aux dispositions de la section 1 du chapitre V du présent titre lorsque leur valeur estimée est égale ou supérieure au seuil européen qui figure dans un avis annexé au présent code. " Aux termes de l'article R. 3126-12 du même code : " Lorsqu'un candidat ou soumissionnaire écarté lui en fait la demande, l'autorité concédante lui communique les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre ainsi que le nom du ou des attributaires du contrat de concession, dans un délai de quinze jours suivant la réception de cette demande ". Le II de l'avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique, publié au Journal officiel de la République française du 7 décembre 2023, fixe à 5 538 000 euros hors taxe le seuil mentionné par les articles précités du code de la commande publique. Il résulte de ces dispositions que, pour les contrats de concession dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen, l'autorité concédante doit, dès qu'elle décide de rejeter une offre, notifier ce rejet au soumissionnaire concerné, sans être tenue de lui notifier la décision d'attribution.
11. Il résulte des dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, citées au point 8, que, s'agissant des concessions dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen, qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne sont pas soumises à l'obligation, pour l'autorité concédante, de notifier aux soumissionnaires, avant la signature du contrat, la décision d'attribution, l'annulation d'un tel contrat ne peut, en principe, résulter que du constat du manquement mentionné au premier alinéa de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, c'est-à-dire de l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation. Le juge du référé contractuel doit également annuler une telle concession, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du même code, ou prendre l'une des autres mesures mentionnées à l'article L. 551-20 dans l'hypothèse où, alors qu'un recours en référé précontractuel a été formé, l'autorité concédante n'a pas respecté la suspension de signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 ou ne s'est pas conformée à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé.
12. Il résulte de l'instruction que les contrats de concession attaqués ne présentent pas une valeur supérieure au seuil européen mentionné à l'article R. 3126-1 du code de la commande publique, qui est, comme rappelé au point 10, de 5 538 000 euros hors taxe. Il s'ensuit que le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse n'était pas tenu de notifier aux soumissionnaires évincés la décision d'attribution de ces contrats. Par suite, dès lors qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse a publié deux avis d'appel public à la concurrence le 16 décembre 2024 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, et, d'autre part, qu'aucun référé précontractuel n'a été introduit à l'encontre des contrats de concession en litige, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que les autres moyens de la société requérante, dont certains ne sont au demeurant pas assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, ne peuvent être utilement invoqués devant le juge du référé contractuel.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société L'Alta Strada présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia doit être rejetée.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de syndicat mixte du parc naturel régional de Corse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société L'Alta Strada demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société L'Alta Strada la somme de 2 000 euros à verser au syndicat mixte du parc naturel régional de Corse et la somme globale de 2 000 euros à verser à la SASU Cime di Corsica et autres au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 19 mai 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia est annulée.
Article 2 : La demande en référé présentée par la société L'Alta Strada est rejetée.
Article 3 : La société L'Alta Strada versera au syndicat mixte du parc naturel régional de Corse une somme de 2 000 euros et à la SASU Cime di Corsica et autres une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société L'Alta Strada au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société L'Altra Strada, au syndicat mixte du parc naturel régional de Corse et à la SASU Cime di Corsica, premier défendeur dénommé.
N° 504871
ECLI:FR:CECHS:2025:504871.20251201
Inédit au recueil Lebon
7ème chambre
M. Alexandre Denieul, rapporteur
SARL GURY & MAITRE, avocats
Lecture du lundi 1 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société L'Altra Strada a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bastia, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, à titre principal, d'annuler les contrats signés par le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse (PNRC) portant sur les lots n°s 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8 et 9 de la concession de services de distribution de repas et de restauration aux randonneurs faisant halte sur neuf sites jalonnant le parcours du GR 20 et les lots nos 1 et 2 de la concession de services de distribution de repas et de camping et autres hébergements non hôtelier aux randonneurs faisant halte sur cinq sites jalonnant le parcours du GR 20, à titre subsidiaire, d'annuler les contrats afférents aux gîtes d'Asinau, d'Usciolu et de Paliri et de la déclarer attributaire des lots afférents à ces trois refuges, et, à titre infiniment subsidiaire, de réduire à douze mois la durée des concessions et de dire que les contrats litigieux seront remis en concurrence.
Par une ordonnance n°2500621 du 19 mai 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 18 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société L'Altra Strada demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge du syndicat mixte du parc naturel régional de Corse une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Denieul, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de la société l'Altra Strada, à la SARL Gury et Maître, avocat du syndicat mixte du parc naturel régional de Corse et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la SASU Cine di Corsita et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le syndicat mixte du Parc naturel régional de Corse a publié, le 16 décembre 2024 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, deux avis d'appel public à la concurrence pour des contrats de concession visant à confier aux délégataires une mission de service public consistant, pour l'avis référencé sous le n° 24-140825, à offrir les services de distribution de repas et de restauration aux randonneurs qui font halte sur neuf sites, correspondant à autant de lots, jalonnant le parcours du sentier de grande randonnée n° 20 (GR 20), et, pour l'avis référencé sous le n° 24-140834, à offrir les services de distribution de repas et de camping et autres hébergements non hôteliers aux randonneurs qui font halte sur cinq autres sites, correspondant à autant de lots, jalonnant le parcours du GR 20. La société L'Alta Strada a présenté des offres pour chacun des lots de ces contrats, à l'exception du lot n° 7 de l'avis n° 24-0825 et les lots n°s 3 à 5 de l'avis n° 24-140834. Par des courriers datés du 19 février 2025, le président du syndicat mixte du parc naturel régional de Corse a informé la société L'Alta Strada du rejet de ses dix offres. La société L'Alta Strada se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 19 mai 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant notamment, sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, à l'annulation des contrats signés le 12 mars 2025 par le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse portant sur les lots n°s 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8 et 9 de la concession de services de distribution de repas et de restauration et les lots n°s 1 et 2 de la concession de services de distribution de repas et de camping et autres hébergements non hôteliers.
Sur le pourvoi :
2. Aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section ". Selon l'article L. 551-23 du même code, " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. "
3. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". Le premier alinéa de l'article R. 522-8 du même code précise : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences ".
4. Les décisions prises par le juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative sont rendues à la suite d'une procédure particulière qui, tout en étant adaptée à la nature des demandes et à la nécessité d'assurer une décision rapide, doit garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il résulte des dispositions citées au point 3 que, lorsqu'il décide de communiquer, après la clôture de l'instruction, un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient, en pareil cas, sauf à fixer une nouvelle audience, d'informer les parties de la date et, le cas échéant, de l'heure à laquelle l'instruction sera close. Il ne saurait, en toute hypothèse, rendre son ordonnance tant que l'instruction est en cours sans entacher la procédure d'irrégularité.
5. Il ressort des pièces du dossier de la procédure devant le juge des référés que la clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience qui s'est tenue le 16 mai 2025 à 10h30. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en communiquant, le 16 mai 2025 à 16h53 et 16h54, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, des pièces complémentaires produites 15 mai 2025 par le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse, en invitant les parties à faire part de leurs observations dans les meilleurs délais, le juge des référés doit être regardé comme ayant rouvert cette instruction. En rendant son ordonnance le 19 mai 2025 sans avoir préalablement clos l'instruction ainsi rouverte, le juge des référés du tribunal administratif de Bastia l'a entachée d'irrégularité.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que la société L'Alta Strada est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur la demande présentée par la société L'Alta Strada devant le juge des référés :
8. Aux termes de l'article L. 551-18 du code de justice administrative : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. (...) / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9(...) ".
9. Aux termes de l'article R. 3125-1 du code de la commande publique : " L'autorité concédante notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. / Cette notification précise les motifs de ce rejet et, pour les soumissionnaires, le nom du ou des attributaires ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de l'offre. Elle comporte l'indication de la durée du délai de suspension que l'autorité concédante s'impose, eu égard notamment au mode de transmission retenu. " Aux termes de l'article R. 3125-2 du même code : " L'autorité concédante respecte un délai de seize jours entre la date d'envoi de la notification et la date de conclusion du contrat de concession. Ce délai est réduit à au moins onze jours en cas de transmission électronique de cette notification à l'ensemble des candidats et soumissionnaires intéressés. / Le respect de ces délais n'est pas exigé lorsque le contrat de concession est attribué au seul opérateur ayant participé à la consultation. "
10. Aux termes de l'article L. 3126-1 du code de la commande publique : " Les règles de passation particulières à certains contrats à raison de leur objet ou selon que leur valeur estimée hors taxe est inférieure ou non au seuil européen qui figure dans l'avis annexé au présent code sont fixées par décret en Conseil d'Etat. " En vertu de l'article R. 3126-1 du même code, " le présent chapitre s'applique aux contrats de concession suivants : / 1° Les contrats de concession dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen qui figure dans un avis annexé au présent code ; / 2° Les contrats de concession qui ont, quelle que soit leur valeur estimée, pour objet : / (...) / b) Un des services sociaux ou des autres services spécifiques, dont la liste figure dans l'avis annexé au présent code ; / (...) / Ces contrats de concession sont passés conformément aux règles de procédure prévues au présent titre, sous réserve des règles particulières prévues par le présent chapitre. " Aux termes de l'article R. 3126-11 du même code : " Les dispositions de la section 1 du chapitre V du présent titre ne sont pas applicables aux contrats de concession qui relèvent du présent chapitre. / Par dérogation à l'alinéa précédent, les contrats de concession ayant pour objet un des services sociaux ou autres services spécifiques dont la liste est publiée par un avis annexé au présent code sont soumis aux dispositions de la section 1 du chapitre V du présent titre lorsque leur valeur estimée est égale ou supérieure au seuil européen qui figure dans un avis annexé au présent code. " Aux termes de l'article R. 3126-12 du même code : " Lorsqu'un candidat ou soumissionnaire écarté lui en fait la demande, l'autorité concédante lui communique les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre ainsi que le nom du ou des attributaires du contrat de concession, dans un délai de quinze jours suivant la réception de cette demande ". Le II de l'avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique, publié au Journal officiel de la République française du 7 décembre 2023, fixe à 5 538 000 euros hors taxe le seuil mentionné par les articles précités du code de la commande publique. Il résulte de ces dispositions que, pour les contrats de concession dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen, l'autorité concédante doit, dès qu'elle décide de rejeter une offre, notifier ce rejet au soumissionnaire concerné, sans être tenue de lui notifier la décision d'attribution.
11. Il résulte des dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, citées au point 8, que, s'agissant des concessions dont la valeur estimée est inférieure au seuil européen, qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ne sont pas soumises à l'obligation, pour l'autorité concédante, de notifier aux soumissionnaires, avant la signature du contrat, la décision d'attribution, l'annulation d'un tel contrat ne peut, en principe, résulter que du constat du manquement mentionné au premier alinéa de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, c'est-à-dire de l'absence des mesures de publicité requises pour sa passation. Le juge du référé contractuel doit également annuler une telle concession, sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 551-18 du même code, ou prendre l'une des autres mesures mentionnées à l'article L. 551-20 dans l'hypothèse où, alors qu'un recours en référé précontractuel a été formé, l'autorité concédante n'a pas respecté la suspension de signature du contrat prévue aux articles L. 551-4 ou L. 551-9 ou ne s'est pas conformée à la décision juridictionnelle rendue sur ce référé.
12. Il résulte de l'instruction que les contrats de concession attaqués ne présentent pas une valeur supérieure au seuil européen mentionné à l'article R. 3126-1 du code de la commande publique, qui est, comme rappelé au point 10, de 5 538 000 euros hors taxe. Il s'ensuit que le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse n'était pas tenu de notifier aux soumissionnaires évincés la décision d'attribution de ces contrats. Par suite, dès lors qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le syndicat mixte du parc naturel régional de Corse a publié deux avis d'appel public à la concurrence le 16 décembre 2024 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, et, d'autre part, qu'aucun référé précontractuel n'a été introduit à l'encontre des contrats de concession en litige, il résulte de ce qui a été dit au point 11 que les autres moyens de la société requérante, dont certains ne sont au demeurant pas assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, ne peuvent être utilement invoqués devant le juge du référé contractuel.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société L'Alta Strada présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Bastia doit être rejetée.
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de syndicat mixte du parc naturel régional de Corse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société L'Alta Strada demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société L'Alta Strada la somme de 2 000 euros à verser au syndicat mixte du parc naturel régional de Corse et la somme globale de 2 000 euros à verser à la SASU Cime di Corsica et autres au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 19 mai 2025 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia est annulée.
Article 2 : La demande en référé présentée par la société L'Alta Strada est rejetée.
Article 3 : La société L'Alta Strada versera au syndicat mixte du parc naturel régional de Corse une somme de 2 000 euros et à la SASU Cime di Corsica et autres une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société L'Alta Strada au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société L'Altra Strada, au syndicat mixte du parc naturel régional de Corse et à la SASU Cime di Corsica, premier défendeur dénommé.