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Ariane Web: Conseil d'État 510776, lecture du 22 décembre 2025, ECLI:FR:CEORD:2025:510776.20251222

Décision n° 510776
22 décembre 2025
Conseil d'État

N° 510776
ECLI:FR:CEORD:2025:510776.20251222
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, RAMEIX, avocats


Lecture du lundi 22 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :
Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 et 17 décembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), la société RIM 29, la société Imagerie 29 sud, la société CIMVES et la société Imagerie médicale sud Vendée demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 14 octobre 2025 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l'Assurance maladie ;

2°) de mettre à la charge de l'UNCAM et de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elles soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la décision porte une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'elles défendent en ce que, en premier lieu, les baisses tarifaires vont remettre en cause la viabilité économique des structures, notamment les plus petites, en deuxième lieu, elle porte atteinte à l'intérêt public qui s'attache à la protection de la santé, en ce qu'elle limite l'accès aux soins tant matériellement, en limitant le renouvellement du matériel, que géographiquement et financièrement, en troisième lieu, elle conduit à une dégradation de la qualité de l'offre de soins, en dernier lieu, et s'agissant de la société Imagerie médicale sud Vendée, elle va entraîner une baisse de chiffre d'affaires de nature à affecter sa survie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- elle est entachée d'incompétence en ce que, d'une part, la compétence du directeur général de l'UNCAM est limitée aux tarifs des " actes d'imagerie " et ne porte pas sur les tarifs des forfaits techniques et, d'autre part, elle n'a pas été approuvée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la consultation de la commission des équipements matériels lourds d'imagerie médicale, la commission de hiérarchisation, le Haut Conseil des nomenclatures et les organisations représentatives des établissements de santé, en méconnaissance des dispositions du code de la sécurité sociale ;
- elle porte une atteinte grave au principe et objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé en ce qu'elle entraîne un ralentissement du renouvellement du matériel et un accroissement des inégalités d'accès aux soins entre les territoires ;
- elle est entachée d'illégalité en ce qu'elle a eu pour effet de modifier les tarifs des prestations d'hospitalisation en méconnaissance des dispositions des articles L. 162-22-3 et R. 162-33-1 du code de la sécurité sociale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que, d'une part, elle repose sur une estimation tronquée et incomplète des coûts conduisant à une basse tarifaire décorrélée de la réalité économique et, d'autre part, l'évaluation de la rentabilité est également erronée ;
- les dispositions du II de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui constituent sa base légale, portent atteinte à la liberté contractuelle, au principe fondamental de fixation conventionnelle du tarif des honoraires médicaux, à la liberté d'entreprendre, au droit à la protection de la santé et à la compétence que le législateur tire de l'article 34 de la Constitution, en ce qu'elles confèrent au directeur général de l'UNCAM, sans initiative préalable des ministres de la santé et de la sécurité sociale, sans approbation de leur part de la décision en résultant, et sans consultation ni droit d'opposition des organisations représentatives, un pouvoir unilatéral de procéder à des baisses tarifaires pour les années 2025, 2026 et 2027.
Par un mémoire distinct, enregistré le 16 décembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des médecins radiologues et autres demandent, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article 41 de la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025. Elles soutiennent que ces dispositions sont applicables au litige, qu'elles n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution et que la question de leur conformité aux exigences des articles 4 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 34 de la Constitution de 1958, revêt un caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2025-199 du 28 février 2025 ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La Fédération nationale des médecins radiologues et les sociétés de radiologie requérantes demandent au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 14 octobre 2025 de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l'Assurance maladie, qui baisse les tarifs d'un certain nombre d'actes d'imagerie médicale ainsi que les tarifs des forfaits techniques.

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

4. Pour justifier de l'urgence de la suspension demandée, la Fédération et les sociétés requérantes invoquent, d'une part, le fait que la décision attaquée, en ce qu'elle prévoit notamment une baisse des forfaits techniques, risque d'obérer la capacité d'investissement des cabinets de radiologie et menace la viabilité économique des structures, qu'elle porte une atteinte grave à l'intérêt public qui s'attache à la protection de la santé avec une dégradation de l'accès aux soins, notamment dans les zones blanches médicales et, d'autre part, le fait que le cabinet de la société Imagerie médicale sud Vendée verra son équilibre économique fragilisé et, d'après les calculs qu'elle a réalisés et qu'elle fournit, son chiffre d'affaires passer de 5 302 154 euros en 2024 à 5 119 542 euros en 2026 après la réforme, soit une baisse d'environ 3,44%. Ces éléments, alors que, par ailleurs, les baisses prévues par la décision attaquée sont étalées dans le temps jusqu'en 2027, ne sont, eu égard à leur généralité et au fait qu'il n'est pas démontré qu'il existerait un péril imminent pour la survie des sociétés concernées, pas de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ni sur l'existence d'un moyen de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige, la requête de la Fédération nationale des médecins radiologues et autres doit être rejetée, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la Fédération nationale des médecins radiologues et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la Fédération nationale des médecins radiologues, première requérante dénommée.
Fait à Paris, le 22 décembre 2025
Signé : Rozen Noguellou