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Ariane Web: Conseil d'État 503100, lecture du 24 décembre 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:503100.20251224

Décision n° 503100
24 décembre 2025
Conseil d'État

N° 503100
ECLI:FR:CECHR:2025:503100.20251224
Inédit au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Hervé Cassara, rapporteur
BREDIN PRAT, avocats


Lecture du mercredi 24 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 15 octobre et 13 novembre 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat de la presse quotidienne régionale, l'union de syndicats Alliance de la presse d'information générale et le groupement d'intérêt économique " Publication de marchés " demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur recours pour excès de pouvoir contre la décision du 30 janvier 2025 par laquelle le Premier ministre a rejeté leur demande tendant à l'abrogation ou à la modification du 1° de l'article R. 2131-16 du code de la commande publique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 2131-1 de ce code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34, 61-1 et 72 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la commande publique, notamment son article L. 2131-1 ;
- l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. La question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat de la presse quotidienne régionale et autres est dirigée contre les dispositions de l'article L. 2131-1 du code de la commande publique, issues de l'ordonnance du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, qui disposent que : " Afin de susciter la plus large concurrence, les acheteurs procèdent à une publicité préalable à l'attribution du marché dans les conditions et sous réserve d'exceptions définies par décret en Conseil d'Etat, en fonction de l'objet du marché, de la valeur estimée hors taxe du besoin ou de l'acheteur concerné. " Ils soutiennent que ces dispositions, qui sont applicables au litige, portent atteinte à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par les articles 34 et 72 de la Constitution, ainsi qu'à leur liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, et qu'elles sont entachées d'incompétence négative affectant par elle-même ces libertés.

3. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions de l'article L. 2131-1 du code de la commande publique, qui se bornent à imposer aux acheteurs une obligation de publicité préalable à l'attribution des marchés qu'ils entendent passer, ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte à la liberté d'entreprendre.

4. En deuxième lieu, ces mêmes dispositions ne précisent pas les modalités de la publicité à laquelle les acheteurs doivent procéder préalablement à l'attribution des marchés qu'ils entendent passer. Par suite, le grief tiré de ce que ces dispositions, en tant qu'elles imposeraient aux collectivités territoriales la publication de certains de leurs avis de marché au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, porteraient atteinte à leur libre administration et à leur liberté contractuelle ne saurait être regardé comme présentant un caractère sérieux.

5. En dernier lieu, en posant le principe d'une obligation, pour les acheteurs, de procéder à une publicité préalable à l'attribution du marché, dans le but de " susciter la plus large concurrence " entre candidats et de répondre aux principes de valeur constitutionnelle de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, et en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les conditions de mise en oeuvre de cette obligation en fonction " de l'objet du marché, de la valeur estimée hors taxe du besoin ou de l'acheteur concerné ", le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence.

6. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat de la presse quotidienne régionale et autres.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat de la presse quotidienne régionale, premier requérant dénommé, au Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la ministre de la culture.