Base de jurisprudence


Décision n° C4252
7 novembre 2022
Tribunal des conflits

N° C4252
Mentionné au tables du recueil Lebon

M. Schwartz, président
Mme Christine Maugüé, rapporteur
M. Lecaroz, commissaire du gouvernement


Lecture du lundi 7 novembre 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu, enregistrée à son secrétariat le 25 juillet 2022, l'expédition de la décision du 18 juillet 2022 par laquelle le tribunal administratif de Nîmes, saisi par le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard d'une demande tendant à la condamnation, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, du groupement Interiale - Gras Savoye à lui verser la somme totale de 58 765 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2021 et de la capitalisation des intérêts, au titre des frais de personnels supplémentaires, des frais de courrier, des frais de consultation d'avocat, des honoraires dus à Riskeo, du préjudice moral et de perte d'image, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu, enregistré le 7 septembre 2022, le mémoire présenté par le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que la convention de participation en litige est un contrat administratif et que le contrat collectif à adhésion facultative forme avec elle un ensemble indivisible ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au groupement Interiale - Gras Savoye, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et au ministre de la transformation et de la fonction publiques qui n'ont pas produit de mémoire ;


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
Vu le code civil ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la mutualité ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 2011-1474 du 8 novembre 2011 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Maugüé, membre du Tribunal,
- les observations du Cabinet Rousseau et Tapie pour le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard,

- les conclusions de M. Jean Lecaroz, rapporteur public ;

1. Aux termes de l'article 22 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " I. - Les personnes publiques mentionnées à l'article 2 peuvent contribuer au financement des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles les agents qu'elles emploient souscrivent. / II. - La participation des personnes publiques est réservée aux contrats ou règlements garantissant la mise en oeuvre de dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires, actifs et retraités ". L'article 88-2 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale précise, à cet effet, que : " I. - Sont éligibles à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics les contrats et règlements en matière de santé ou de prévoyance remplissant la condition de solidarité prévue à l'article 22 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, attestée par la délivrance d'un label dans les conditions prévues à l'article L. 310-12-2 du code des assurances ou vérifiée dans le cadre de la procédure de mise en concurrence prévue au II du présent article. / Ces contrats et règlements sont proposés par les organismes suivants : / - mutuelles ou unions relevant du livre II du code de la mutualité ; / - institutions de prévoyance relevant du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ;/ - entreprises d'assurance mentionnées à l'article L. 310-2 du code des assurances. / II. - Pour l'un ou l'autre ou pour l'ensemble des risques en matière de santé et prévoyance, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ont la faculté de conclure avec un des organismes mentionnés au I, à l'issue d'une procédure de mise en concurrence transparente et non discriminatoire permettant de vérifier que la condition de solidarité prévue à l'article 22 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est satisfaite, une convention de participation au titre d'un contrat ou règlement à adhésion individuelle et facultative réservée à leurs agents. Dans ce cas, les collectivités et leurs établissements publics ne peuvent verser d'aide qu'au bénéfice des agents ayant adhéré à ce contrat ou règlement. / Les retraités peuvent adhérer au contrat ou règlement faisant l'objet d'une convention de participation conclue par leur dernière collectivité ou établissement public d'emploi ". L'article 25 de la même loi prévoit que " les centres de gestion (de la fonction publique territoriale) peuvent souscrire, pour le compte des collectivités et établissements de leur ressort qui le demandent, des contrats-cadres permettant aux agents de bénéficier de prestations d'action sociale mutualisées et conclure avec un des organismes mentionnés au I de l'article 88-2 une convention de participation dans les conditions prévues au II du même article ". Le décret du 8 novembre 2011 fixe, en application de ces dispositions, la procédure de mise en concurrence permettant de conclure une telle convention de participation, les conditions auxquelles cette convention doit répondre ainsi que les critères selon lesquels la collectivité peut fonder son choix.

2. Il résulte de ces dispositions que les collectivités territoriales peuvent conclure une convention de participation pour contribuer au financement des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles les agents qu'elles emploient peuvent souscrire. Cette convention conduit au versement d'une aide qui vient en déduction de la cotisation ou de la prime due par les agents. En vertu de l'article 24 du décret du 8 novembre 2011, cette aide est versée soit directement aux agents par la collectivité, soit par l'intermédiaire de l'organisme choisi, auquel cas l'organisme doit la répercuter intégralement en déduction de la cotisation ou de la prime due par l'agent.

3. Le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard a, sur le fondement de ces dispositions, conclu le 30 novembre 2012 avec la mutuelle Interiale et l'union Intériale Prévoyance une convention de participation au titre d'un contrat collectif de prévoyance à adhésion individuelle et facultative réservé à ses agents et à ceux des collectivités mandantes. L'article 5 de cette convention prévoit que la participation de la collectivité publique - centre de gestion ou collectivité territoriale - est versée directement aux agents et apparaît sur leur bulletin de salaire. L'article 7 de la convention stipule que la mutuelle est soumise à un contrôle du centre de gestion, établissement souscripteur, dans l'exécution de ses obligations, qui se matérialise, d'une part, par une obligation de suivi annuel des résultats du contrat collectif avec présentation de la solidarité et de la maîtrise financière à l'établissement souscripteur et aux collectivités mandantes et, d'autre part, par la production à l'établissement souscripteur, au terme d'une période de trois ans, d'un rapport retraçant les opérations réalisées dans le cadre de la solidarité intergénérationnelle entre les adhérents ainsi que la couverture effective des plus âgés et des plus exposés aux risques.

4. Il résulte de ce qui précède que la convention de participation, conclue par une personne publique, comporte en son article 7 une clause qui, par les prérogatives, reconnues à celle-ci, de contrôle de l'exécution du contrat collectif de prévoyance implique, dans l'intérêt général, qu'elle relève du régime exorbitant des contrats administratifs. Les relations contractuelles entre le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard et la mutuelle revêtent par suite un caractère de droit public.

5. Le présent litige ressortit par suite à la compétence de la juridiction administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant le centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard et le groupement Interiale - Gras Savoye.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Gard et au groupement Interiale - Gras Savoye.