Deuil national à la suite des attentats terroristes du 13 novembre 2015

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Déclaration du vice-président du Conseil d’État

<a href="/admin/content/location/41797"> Lien à reprendre : > télécharger au format pdf</a>

Deuil national à la suite des attentats terroristes du 13 novembre 2015

Conseil d’État,  lundi 16 novembre 2015 à midi

Déclaration du vice-président du Conseil d’État

Une nouvelle fois en moins d’un an, notre communauté de travail se réunit pour faire mémoire de victimes frappées par la barbarie sur notre sol. Pour faire mémoire des morts, 130 à cette heure, des centaines de blessés touchés dans leur chair et leur esprit, souvent très durement, des proches frappés dans leur cœur et leurs affections, des familles et des cercles d’amis brisés.

I- Les lâches attentats perpétrés vendredi soir au même moment en plusieurs lieux à Paris et Saint-Denis rappellent que nous sommes engagés dans une guerre totale contre des ennemis qui ont à peine un nom et pas de visage, qui sont résolus à ne respecter aucune loi, ni aucun principe, à semer partout la mort, l’intimidation et la terreur.

Ce n’est pas seulement la France, son peuple et ses représentants, qui sont visés par cette terreur. C’est, comme en janvier, l’humanité toute entière et l’idée même de civilisation que nous incarnons. Ce qui est attaqué, ce sont aussi les principes qui fondent la République, sa devise même : la liberté, l’égalité, la fraternité, c’est-à-dire des valeurs universellement partagées, comme l’a dit en français le président des États-Unis d’Amérique. Ce qui est attaqué, c’est la source du pacte républicain: la dignité et le respect de la personne humaine ; l’espérance de paix et de concorde que portent toutes les religions en France ; notre capacité d’action et d’autodétermination collectives ; le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Ce qui est attaqué, c’est le cœur même de notre identité nationale.

Aucune violence, aucun obscurantisme n’auront raison de ces principes et de cette identité, même s’ils sont aujourd’hui blessés. Nous nous rassemblons pour signifier que la République ne cède pas à la terreur. Elle la combat avec ses armes, dans le respect du droit et de la loi. C’est son honneur. Et nous savons que notre peuple tire sa force de son unité, son sang-froid, sa cohésion, sa résolution. C’est sa grandeur. Le Président de la République a dit sur ce sujet des choses auxquelles je ne peux que me référer.

II- Une fois de plus, face à la tragédie du terrorisme, il nous appartient, comme citoyens et comme services publics, de faire retour sur nous-mêmes, sur ce que nous sommes et ce que nous devons être. Car nous sommes une part de la République ; et nous sommes au service du peuple français.

1- Comme citoyens, nous sommes membres d’une nation qui sait résister, se défendre, faire corps et faire front. Nous devons par conséquent agir à tout instant avec calme et vigilance, comme nous devons nous attacher, dans notre vie personnelle, à faire vivre concrètement les mots simples et forts de la devise de la République et, d’abord, la fraternité. Ces mots ne sont pas seulement faits pour orner le frontispice de nos bâtiments publics. Ils doivent se traduire en actes.

 2- Comme institutions et services publics, nous sommes, une fois encore, invités à revenir aux sources de nos missions et de notre vocation. En cet instant, je voudrais exprimer notre confiance et notre reconnaissance à notre « force publique », garante des droits de l’Homme et du citoyen, nous dit l’article 12 de la Déclaration de 1789, c’est-à-dire à nos services de sécurité et à nos armées, qui sont confrontés à de redoutables menaces qu’ils sauront neutraliser. Je salue aussi l’engagement et le dévouement de nos services de secours et de santé.

Tous les services publics sont confrontés à des défis d’une ampleur exceptionnelle qu’ils doivent aujourd’hui relever. Ils ont un clair besoin de refondation. Le Conseil d’Etat, de son côté, a une responsabilité, pas exclusive bien sûr, mais éminente, dans la garde de l’ensemble des principes de la République, que le préambule et le titre Ier de notre Constitution expriment de manière si limpide. Ces principes sont un patrimoine qui nous vient du passé ; ils sont une promesse pour l’avenir de notre pays. Ils constituent aussi une exigence impérieuse pour le temps présent. Nous avons le devoir de les maintenir, de les faire vivre et de les promouvoir, parce que, s’ils sont dans l’esprit enténébré de nos adversaires, la cause de la terreur qu’ils veulent nous infliger, ils sont aussi la réponse et l’antidote à cette terreur. Ce devoir, nous continuerons de l’assumer avec fermeté, sérénité et confiance en nous-mêmes, dans la fidélité à ce qui nous fonde depuis deux siècles, en sachant concilier des impératifs différents, voire divergents, et en veillant par conséquent à l’équilibre de nos avis et de nos décisions. Nous accomplirons cette mission, en prenant en charge dans l’immédiat les conséquences de l’état d’urgence et en poursuivant patiemment, dans le respect de la loi, la construction et l’adaptation de notre droit public, du droit des services publics au bénéfice du peuple français et de tous ceux que nous accueillons en France. Car les services publics sont le ciment de notre société, une part de son âme et une voie pour son avenir.

Telle doit être notre réponse à la barbarie. C’est en cela que les terribles événements des derniers jours rejoignent notre vocation et nous invitent à renouer avec elle.

Aujourd’hui, notre pays peut paraître à des observateurs superficiels comme terrassé, ainsi qu’il a pu l’être à d’autres époques de son histoire. Mais nous savons, nous, déjà que, quelles que soient les pertes humaines passées, présentes et sans doute encore à venir, le combat de nos adversaires est perdu d’avance. Car nous avons en nous-mêmes, dans notre peuple et dans nos services publics, la capacité de surmonter les épreuves et de l’emporter.

Je vous invite maintenant à observer une minute de silence à la mémoire de toutes les victimes des attentats du 13 novembre. Nous nous inclinons avec un profond respect devant la mémoire des morts. Aux blessés, aux familles et aux proches des victimes, nous exprimons notre solidarité et notre vive compassion.

Après quoi, nous chanterons la Marseillaise.