Que sont les énarques devenus ?

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
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Intervention lors du Colloque organisé par l’Ecole nationale d’administration à l’occasion de son 70ème anniversaire

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Que sont les énarques devenus ?

Colloque organisé par l’Ecole nationale d’administration à l’occasion de son 70ème anniversaire

Ecole nationale d’administration, mardi 24 novembre 2015

Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État,

président du conseil d’administration de l’ENA,

 

Les périodes de difficulté, d’échec ou de douleurs, au plan national, ont aussi leurs avantages et leurs vertus qui ne sauraient être méconnus, ni sous-estimés. Car elles permettent de jeter les bases des redressements futurs, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la formation. C’est après la sévère défaite de la France face à la Prusse qu’Emile Boutmy fonda en 1872 l’Ecole libre des sciences politiques dans le dessein explicite de régénérer la formation des élites de notre pays. C’est après la défaite de 1940 et la servitude de l’Occupation, que les réflexions ardentes de la Résistance, inspirées par le projet initial de Jean Zay et conduites par Michel Debré et le Comité général d’études, menèrent à la création de l’École nationale d’administration par l’ordonnance n°45-2283 du 9 octobre 1945 qui entendait refonder l’enseignement des sciences politiques et sociales, le recrutement et la formation des futurs hauts fonctionnaires, tout comme la préparation concrète à l’exercice de leur métier, et enfin fixer les règles de base de leur statut et de leur gestion interministérielle. Il s’agissait alors de donner corps à une nouvelle réforme intellectuelle et morale. Le projet formé il y a 70 ans s’est mis en œuvre rapidement. Il n’a pas cessé de s’adapter pour rester fidèle à l’intuition initiale de ses promoteurs. Il continue d’évoluer et de nous inspirer. C’est ce que je voudrais démontrer.

1. Une école en perpétuel mouvement

C’est un devoir impérieux pour les institutions  de formation que de s’adapter en permanence aux exigences de leur temps, qu’il s’agisse des enseignements à assurer à leurs élèves ou des règles, des conditions et de l’accompagnement de leur scolarité. C’est peu dire que l’ENA ne fait pas exception à cet impératif. Du fait de la double mission qui lui a été dès l’origine confiée -démocratiser l’accès à la haute fonction publique, d’une part ; unifier et professionnaliser la formation des futurs hauts fonctionnaires, d’autre part-, mais aussi en raison de la charge symbolique forte qui entoure l’école, celle-ci a connu de très nombreuses adaptations et même transformations depuis sa création en 1945.

C’est ainsi qu’en ne comptant que les seules réformes relatives à la scolarité des élèves en formation initiale, ce sont 15 formats différents qui ont été expérimentés depuis l’origine jusqu’à nos jours.

L’école elle-même a beaucoup voyagé. Son premier directeur l’imaginait à Versailles, ce qui ne fut sans doute pas la meilleure idée d’Henri Bourdeau de Fontenay ; il dut finalement se contenter de la rue des Saints Pères, l’école étant adossée au sens propre à Sciences Po. Le début des années 80 l’a vue migrer vers la rue de l’Université, se rapprochant un peu plus des ministères dont elle fournit les cadres. L’année 1991 a été celle du grand saut vers l’Europe et Strasbourg, où les élèves suivent l’ensemble des enseignements depuis 2005. En 2002, la fusion avec l’Institut international d’administration publique, l’IIAP, lui a ouvert les portes du monde entier, en même temps que celles du site de l’avenue de l’Observatoire à Paris.  

La durée des études elle-même a très sensiblement varié, de 3 ans en 1945 (mais il est vrai que les premiers élèves ont été sommés de retourner 7 mois à l’Université pour effectuer une remise à niveau sans doute rendue nécessaire par la guerre) à vingt-quatre mois aujourd’hui, la moyenne sur les 70 dernières années ayant davantage tendu vers vingt-sept mois. La durée idéale se situe, à mes yeux, aux approches de 30 mois.

La taille des promotions n’a pas cessé d’évoluer elle aussi au gré des besoins de l’État, mais aussi d’objectifs d’affichage politique : si l’on se réfère aux cinquante dernières années, les places offertes au concours ont culminé à 166 en 1987 pour connaître un étiage bas dans les dernières années à 80 élèves, jusqu’au relèvement de l’an dernier à 90. Quant à la sélectivité des concours, elle est aujourd’hui très forte (1 élève reçu sur 15 candidats), mais elle le fut moins à certaines époques, bien que le taux fût au minimum d’1 reçu pour 8 candidats.

Très tôt, des élèves étrangers ont rejoint les promotions d’élèves français, en commençant par les élèves allemands dès 1951, nos camarades d’Outre-Rhin représentant entre 10 et 15% de l’ensemble des 3000 anciens élèves étrangers de l’École. Aujourd’hui, ce sont trente élèves étrangers du cycle international long qui côtoient les 90 élèves français et représentent ainsi le quart d’une promotion.

Les stages ont été présents dès l’origine dans la scolarité sous l’impulsion de Pierre Racine qui en est l’inventeur. Ils se sont déroulés d’entrée, pour l’essentiel, hors de l’agglomération parisienne (car il n’y avait pas assez de places de stage à Paris) et en préfecture. Ils sont la marque de fabrique de l’école et ils ont eux-mêmes beaucoup varié. Il est intéressant de constater que le stage en entreprise a été créé dès 1945, pour une durée de 2 mois et demi, et l’on peut se demander quelle mouche piqua ceux qui, plus tard, songèrent à le supprimer, avant qu’il ne soit réintroduit. Nul n’ignore le rôle clé du stage en préfecture, présent dès l’origine et dont la durée a varié de 5 à 12 mois pleins, sans que jamais le temps consacré par les élèves à la présence territoriale de l’État ne soit considéré comme suffisant par aucun préfet.  Quant à sortir de l’Hexagone, l’ENA des débuts s’est d’abord contentée d’envoyer ses élèves en Afrique du Nord, alors sous souveraineté française. Il fallut  attendre 1971 pour que les élèves puissent enfin découvrir l’international, à nouveau sous l’impulsion de Pierre Racine, devenu le directeur de l’école.

En dépit du caractère généraliste et interministériel de l’enseignement de l’école, tel que ses créateurs l’ont pensé, celui-ci n’a pas toujours privilégié une scolarité commune à tous les élèves.  4 sections ont été instituées en 1945, complétées elles-mêmes par la répartition des élèves de 3ème année entre 7 divisions. L’unité de la scolarité fut instaurée en 1958, puis abandonnée en 1971 lors de l’instauration de deux voies, la voie générale et la voie économique. En 1982, une nouvelle volte-face a rétabli l’unité de la scolarité qui s’est depuis lors maintenue.

Quant au classement de sortie, c’est peu de dire qu’il a souvent été débattu, parfois contesté ; il fut même envisagé de le supprimer en 2008, mais la réforme n’a pu aller à son terme, faute de volonté suffisante de ses promoteurs, la modeste disposition législative nécessaire n’ayant pu être définitivement adoptée avant la fin de la législature. Le classement a donc toujours subsisté, comme dans la plupart des écoles de service public où son existence, allez savoir pourquoi, est bien moins commentée.

Le profil des élèves lui-même a beaucoup évolué, depuis les anciens prisonniers ou résistants des toutes premières heures -je pense, en particulier, aux élèves des promotions France combattante et Croix de Lorraine-, à la création très rapide de deux concours, l’ « externe » destiné aux étudiants et l’ « interne » ouvert aux fonctionnaires ayant une certaine durée d’activité, avant la mise en place de la troisième voie en 1983, devenue en 1990 le troisième concours ouvert aux personnes disposant d’une expérience professionnelle dans le secteur privé ou ayant exercé des responsabilités associatives ou des mandats électifs. Dans les faits, les étudiants qui rejoignent l’ENA aujourd’hui par le concours externe ont tous au moins cinq années d’études supérieures derrière eux et beaucoup parmi eux ont auparavant vécu et étudié à l’étranger. Ils ressemblent peu à leurs prédécesseurs, sont généralement un peu plus âgés qu’avant, quand bien même beaucoup, comme naguère, comme jadis, proviennent de l’Institut d’études politiques de Paris, mais d’un Sciences Po qui a lui-même beaucoup changé tant en ce qui concerne la nature et la durée de la formation passée à 5 ans que le nombre d’étudiants formés.

Les élèves du concours interne sont eux-mêmes d’origines professionnelles diverses, comptent nombre d’enseignants dans leurs rangs, mais aussi de fonctionnaires territoriaux ; ils sont plutôt plus jeunes qu’auparavant, en dépit de la suppression de la limite d’âge et fortement diplômés. Peu de choses désormais, hormis la connaissance d’une administration, les distinguent de nombre d’élèves issus du concours externe.

Quant aux lauréats du troisième concours, ils proviennent des horizons professionnels les plus divers, du champion olympique d’athlétisme au fondateur d’une start-up, en passant par le metteur en scène ou l’ancien trader et ils apportent une richesse toute particulière à la haute fonction publique. Ils comptent cette année leur premier major de promotion, que je salue tout particulièrement. J’insiste sur la diversité de ces profils et sur les évolutions récentes en ce qui concerne les élèves des trois concours, car je crois utile de nuancer à l’avance certains enseignements que l’on voudrait tirer un peu hâtivement de l’étude sur les carrières des anciens élèves de l’ENA : ce qui parfois fut vrai dans le passé ne l’est sans doute plus entièrement aujourd’hui et le sera encore moins demain, tant chaque élève se distingue par son parcours et son potentiel propre, sans parler de sa motivation personnelle.

Ce contexte, comme l’évaluation de la scolarité réformée en dernier lieu en 2005 et l’évolution des besoins de sélection et de qualification des l’encadrement supérieur de l’État, ont conduit à engager une nouvelle réforme des concours d’entrée et de la scolarité qui a été successivement adoptée par le conseil d’administration de l’école, puis le Gouvernement sur la proposition de l’actuelle directrice, Nathalie Loiseau. Il va de soi que le contexte mondial dans lequel nous vivons, marqué par la globalisation des économies et des sociétés, la révolution numérique, la compétition économique accrue et l’impératif d’améliorer l’efficacité de la gestion publique et de maîtriser les dépenses publiques, ne peut rester sans incidence sur la manière dont l’école appréhende son recrutement et ses activités de formation. L’ENA doit se renouveler et elle se renouvelle.

2. La réforme des concours d’entrée

La réforme des concours d’entrée a été adoptée en 2014 et elle est mise en œuvre dès cette année. Elle vise à renforcer encore la qualité du recrutement des élèves par la vérification des connaissances, des compétences et des aptitudes qui sont celles dont les employeurs publics ont véritablement besoin aujourd’hui. Dans le même temps, les nouveaux concours visent à s’assurer que la  plus grande diversité possible de talents puisse rejoindre la haute fonction publique.  

Conçus à l’issue d’une large concertation, les concours réformés comportent plusieurs nouveautés : diversification du format des épreuves ; actualisation et européanisation des programmes de toutes les disciplines ; élargissement à tous les concours de l’épreuve de finances publiques ;  resserrement de l’épreuve de culture générale autour des  enjeux de l’action publique ; introduction progressive d’une épreuve obligatoire d’anglais d’ici 2018 ; création d’une épreuve orale collective dite d’ « interaction ». On notera également que l’entretien oral avec le jury peut s’appuyer sur un dossier de reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle. Connaître vraiment les candidats, interroger leurs valeurs et leurs motivations, approfondir leurs parcours et discerner leur potentiel, s’appuyer sur une définition partagée des compétences attendues d’un futur élève de l’ENA, mais aussi de la meilleure manière de les évaluer, voilà des objectifs et des impératifs qui rapprochent encore davantage les concours d’entrée à l’ENA de ce qu’ils sont devenus dans les faits : des procédures de recrutement professionnel dans la haute fonction publique.

Deux épreuves présentes dans les concours antérieurs ont par ailleurs été abandonnées : l’épreuve écrite « à options », qui introduisait un risque d’inégalité de traitement entre les candidats selon les options choisies et qui n’avait pas apporté la diversité de profils recherchée ainsi que l’épreuve de sport, qui n’était pas directement liée à des compétences attendues d’un futur haut fonctionnaire. Je précise toutefois que les activités sportives font toujours partie de la scolarité.

3. La réforme de la scolarité

Complément logique et nécessaire de la réforme des épreuves des concours, la refonte de la scolarité en formation initiale a été formalisée par le décret n° 2015-1449 du 9 novembre 2015, qui sera très prochainement complété par la publication de l’arrêté portant règlement intérieur de l’école, celui-ci ayant été approuvé par le conseil d’administration de l’ENA le 7 octobre dernier.

Appelée à assurer la meilleure adéquation de la formation dispensée aux besoins de l’État, l’école a une fois encore procédé à une large concertation avec les employeurs publics mais aussi avec les élèves en scolarité, les jeunes anciens ainsi qu’avec les autres grandes écoles et des personnes qualifiées dans tous les domaines d’enseignement nécessaires à la formation des hauts fonctionnaires. Partant du référentiel des compétences managériales attendues des cadres dirigeants de l’État et, en amont, des attentes relatives aux connaissances, compétences et aptitudes des candidats aux concours d’entrée, l’école a déterminé les domaines-clés dans lesquels elle se devait d’intervenir pour remplir son rôle principal de formation au management public.

Cette notion de management public constitue le fil rouge de la scolarité rénovée qui sera mise en œuvre à compter de janvier 2016.   Conduite d’équipes, conduite de projets et conduite du changement sont trois directions dans lesquelles les futurs cadres supérieurs de l’État doivent « monter en compétences » pendant leur scolarité à l’ENA, tant au travers des stages que grâce aux enseignements qui leur seront dispensés.

La période des stages est repensée, de manière à assurer une continuité d’une année entre le stage international, le stage dans les territoires et le stage en entreprise, lesquels s’enchaîneront durant les 12 premiers mois de la scolarité. Tous issus d’études supérieures longues, les élèves seront ainsi dès leur arrivée à l’école confrontés au terrain. Les lieux de stages seront diversifiés : ambassades, institutions européennes, organisations internationales et administrations étrangères "partenaires" pour le stage international ; préfectures, collectivités territoriales, rectorats et agences régionales de santé pour le stage en territoires ; grands groupes et organisations non gouvernementales d’envergure nationale, mais aussi PME et entreprises de taille intermédiaire performantes pour le stage en entreprises. Partout, le contact avec les usagers et l’ensemble des acteurs des politiques publiques sera encouragé.

S’agissant des enseignements eux-mêmes, ils s’appuieront sur l’expérience acquise en stage par les élèves et ils veilleront à faire interagir les différents domaines abordés : gestion publique, droit, déontologie, dimension territoriale des politiques publiques, questions internationales et européennes, management, innovation publique... Les compétences en matière de gestion de crise, de négociation et de communication continueront à être développées. Un accent particulier sera mis sur les conséquences sur l’action publique de la révolution numérique : rôle de l’État en tant que régulateur, protecteur des libertés et promoteur de la nouvelle économie ;  prise en compte de l’impact du numérique sur les relations entre l’État et les citoyens et sur le management  public ; réflexion sur les opportunités de transformation et les questions liées à la souveraineté numérique …

Par ailleurs, que ce soit en stage ou pendant la période dédiée aux enseignements, un rapprochement supplémentaire des scolarités entre élèves de l’ENA et de l’Institut national d’études territoriales sera assuré.   

Afin de maintenir les élèves en prise avec les réalités du terrain tout au long de leur scolarité, il sera demandé à chacun d’entre eux d’assurer une activité d’intérêt général et, plus particulièrement, une mission de soutien auprès d’une association ou d’une collectivité publique durant la deuxième année qui se déroulera entièrement à Strasbourg, en ciblant en priorité l’aide aux personnes en situation de vulnérabilité.

Les évaluations des élèves seront également revues pour se concentrer sur l’appréciation des compétences directement sollicitées dans leur future vie professionnelle. Le nombre des épreuves de classement sera ainsi réduit. Certaines connaissances déjà validées au moment du concours d’entrée ne seront pas à nouveau évaluées lors du classement de sortie. En revanche, s’agissant de certains domaines où les connaissances des élèves s’avèrent très hétérogènes au moment de leur entrée à l’école (droit de la fonction publique, analyse financière et comptabilité), la progression individuelle de chaque élève sera appréciée et validée sans pour autant s’inscrire dans les épreuves de classement, l’objectif étant que tous les élèves aient atteint le niveau requis, lorsqu’ils rejoindront leur premier poste.

Les méthodes pédagogiques propres à l’école et éprouvées (études de cas, mises en situation, retours d’expérience) seront développées et le e-learning sera élargi, tout comme la conduite de projets.

Enfin, le calendrier de  la scolarité veillera à réduire les occasions de déménagement et à permettre une plus grande stabilité géographique des élèves, notamment à Strasbourg, afin de leur assurer un meilleur équilibre de vie et une meilleure  intégration dans leur environnement.

4. Les autres missions de l’école

On résume trop souvent l’ENA à ses promotions d’élèves en formation initiale et la tentation est forte de céder à ce travers et cette simplification dans une rencontre qui s’intéresse d’abord à eux, comme c’est d’ailleurs le cas dans le présent colloque. Il convient cependant de rappeler que l’école  remplit bien d’autres missions, dont l’importance n’est pas moindre dans le domaine de la formation à l’action publique : je souhaite mentionner, en premier lieu, les activités de recherche et de publication de l’école, portées par le Centre d’expertise et de recherche administrative, le CERA qui organise la rencontre d’aujourd’hui et que je remercie. Il y a trop peu de lieux dans notre République où soit conduite une recherche sur l’administration publique et je me réjouis que l’ENA soit résolument l’un d’entre eux.

Au fil du temps, d’autres activités ont complété les missions d’origine de l’école. La formation permanente, tout d’abord, à partir de 1982, qui a repris les ambitions du Centre des hautes études administratives créé en 1945 en même temps que l’ENA et permet aujourd’hui de compléter les connaissances et les compétences des cadres supérieurs et dirigeants de l’administration de l’État. Les partenariats internationaux ensuite, grâce à la fusion avec l’IIAP en 2002 que je mentionnais tout à l’heure et qui permettent que soient formés de très nombreux fonctionnaires du monde entier, soit ici même dans ces locaux, soit dans leurs pays d’origine. La direction des relations internationales mène à bien ces partenariats sur la base d’une stratégie internationale de l’école qui a été rénovée et cette action  contribue au rayonnement et à l’influence de la France partout dans le monde. Les activités de formation européenne également, depuis l’absorption progressive du Centre des études européennes de Strasbourg, le CEES, transformé en direction des affaires européennes de l’école. La formation aux enjeux européens est un aspect fondamental de l’activité de l’école ; elle est plus nécessaire que jamais et elle touche des publics larges, français et étrangers, issus du secteur public comme du secteur privé.

Enfin, depuis 2009, l’ENA gère en propre une classe préparatoire « égalité des chances », la CPENA, qui prépare au concours externe des étudiants brillants issus de milieux défavorisés. La moitié d’entre eux réussissent un concours de catégorie A. Cette année, trois élèves de la CPENA sont admissibles au concours d’entrée à l’ENA et ils attendent avec impatience les résultats de l’admission dans quelques jours. Je leur souhaite bonne  chance et autant de succès que leur camarade de la promotion Winston Churchill qui vient de brillamment terminer sa scolarité.

En 70 ans, l’ENA aura su évoluer, s’adapter à un monde qui change, tout en gardant le cap de ses missions. Est-elle exempte de toute critique ? Certainement pas. Mérite-t-elle d’être la cible de tous ceux qui, par rancœur, ignorance ou démagogie, lui font d’autant plus de reproches qu’ils la connaissent dans le fond assez mal ? Je vous en laisse juges. La vérité est que notre pays est aujourd’hui confronté à une multitude de défis, d’opportunités, mais aussi de menaces qui parfois nous étreignent. Dans ce contexte que chacun a bien présent à l’esprit, notre peuple a plus que jamais besoin de prendre appui sur un État et sur des hauts fonctionnaires compétents, impartiaux, rigoureux, motivés, imaginatifs et mobiles dans tous les sens du terme. Capables de trouver les voies de l’intérêt général et  de répondre avec pertinence aux exigences de notre temps et aux besoins de la société française. C’est sur ce socle que nos ambitions collectives pourront se concrétiser. L’ENA ne peut certes pas s’élever au-dessus de sa condition et prétendre tout résoudre. Ce serait une présomption insupportable de sa part. Mais elle peut et doit apporter sa pierre au règlement de nos problèmes et au redressement du pays. C’est ce qu’elle entend continuer à faire. Il est par conséquent plus nécessaire que jamais de bien recruter et de bien former les futurs cadres de notre État. C’était, il y a 70 ans, et cela reste aujourd’hui la mission de l’ENA et c’est une belle mission. Puisse l’école la poursuivre longtemps, en continuant de s’adapter et de se renouveler au service du pays, pour mieux répondre à ce que celui-ci attend d’elle.