Lettre de la justice administrative n°48

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CONTENTIEUX

Agents publics – Report de congés

A la suite du constat de l’incompatibilité de l’article 5 du décret du 26 octobre 1984 avec la directive 2003/88 dont résulte un droit à report de congés annuels en cas de congé de maladie, le Conseil d’État précise dans un avis les principes devant être appliqués en l’absence de texte définissant une période de report des congés payés.
CE, avis, 26 avril 2017, Ministre de l’intérieur c/ M. Colombini, n° 406009, A

La procédure prévue par l’article L. 113-1 du code de justice administrative permet aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel de transmettre le dossier d’une affaire au Conseil d’Etat lorsque la requête soulève une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. Dans le cadre de cette procédure de demande d’avis, la cour administrative de Bordeaux a saisi le Conseil d’État de plusieurs questions visant à préciser les principes devant être appliqués en l’absence de texte définissant une période de report des congés payés lorsque le droit à congé n’a pu être exercé en raison d’un congé maladie. Ces questions se posaient à la suite du constat de l’incompatibilité de l’article 5 du décret du 26 octobre 1984 relatif aux congés annuels des fonctionnaires de l’État.
En effet, selon la jurisprudence de la CJUE, les dispositions de l’article 7 de la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 relative à certains aspects de l’aménagement du temps de travail font obstacle à ce que le droit à congé annuel payé qu’un travailleur n’a pas pu exercer pendant une certaine période parce qu’il était placé en congé maladie, pendant tout ou partie de cette période, s’éteigne à l’expiration de celle-ci. Toujours selon la Cour, la durée de la période de report doit dépasser substantiellement celle de la période au cours de laquelle le droit à congés peut être exercé pour permettre à l’agent d’exercer effectivement son droit sans pour autant lui permettre de cumuler de manière illimitée des droits au congé annuel payé. Dans son arrêt C-214/10 du 22 novembre 2011 la CJUE avait considéré qu’une période de quinze mois, substantiellement supérieure à la durée de la période annuelle au cours de laquelle ce droit au report s’exerce est compatible avec les dispositions de l’article 7 de la directive.

Le Conseil D’État précise qu’en l’absence de dispositions législatives ou règlementaires fixant une période de report des congés payés qu’un agent s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre au cours d’une année civile donné du fait d’un congé maladie, le juge peut en principe considérer, afin d’assurer le respect du droit de l’Union européenne, que ces congés peuvent être pris au cours d’une période de quinze mois après le terme de cette année. Le Conseil D’État précise également que ce droit au report s’exerce, en l’absence de dispositions dans le droit national sur ce point, dans la limite des quatre semaines prévu à l’article 7 de la directive.
> lien vers la décision n°406009

 

Urbanisme – Plan local d’urbanisme

Le moyen tiré de l’illégalité de la délibération prescrivant l’adoption ou la révision du plan local d’urbanisme, qui porte sur les objectifs poursuivis par la commune et sur les modalités de la concertation, ne peut être utilement invoqué contre la délibération approuvant le PLU.
CE, Section, 5 mai 2017, Commune de Saint-Bon-Tarentaise, n° 388902, A

Par une délibération du 27 février 2002, le conseil municipal de Saint-Bon-Tarentaise a prescrit la révision du plan d’occupation des sols de la commune, s’est prononcé sur les objectifs de cette révision et a arrêté les modalités de la concertation devant la précéder. La révision du plan d’occupation des sols et sa transformation en plan local d’urbanisme a été approuvé par une délibération du 17 novembre 2011 du conseil municipal de cette commune. Estimant que les objectifs poursuivis par la révision du document d’urbanisme étaient insuffisamment définis, des habitants de la commune ainsi qu’une association avaient saisi la commune de recours gracieux contre cette délibération qui avait été rejetés implicitement. Saisi d’un recours pour excès de pouvoirs contre ces décisions, le tribunal administratif de Grenoble avait annulé la délibération au motif que les objectifs de la révision étaient insuffisamment définis. La Cour administrative d’appel de Lyon avait confirmé le jugement du tribunal administratif et rejeté l’appel formé par la commune contre ce jugement.

Le Conseil d’Etat, saisi en cassation de ce litige, précise la portée de l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la délibération du 27 février 2002 qui prévoit que le conseil municipal, en amont de la révision d’un plan d’occupation des sols, doit délibérer sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d’une concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole. Cet article précise que les autorisations d’occuper ou utiliser les sols ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher cette délibération ou les modalités de son exécution.
Le Conseil d’Etat juge que le moyen tiré de l'illégalité de la délibération prescrivant l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme qui porte, d'une part, sur les objectifs, au moins dans leurs grandes lignes, poursuivis par la commune en projetant d'élaborer ou de réviser ce document d'urbanisme et, d'autre part, sur les modalités de la concertation avec les habitants et les associations locales ne peut, eu égard à son objet et à sa portée, être utilement invoqué contre la délibération approuvant le plan local d’urbanisme.
Le Conseil d’Etat en déduit qu’en se fondant, pour confirmer l’annulation de la délibération du 17 novembre 2011 approuvant la révision du plan local d’urbanisme de la commune de Saint-Bon-Tarentaise, sur le moyen tiré de ce que la délibération du 27 février 2002 par laquelle a été engagée cette procédure n’avait pas été défini de suffisamment précise les objectifs de la concertation, la cour a commis une erreur de droit. Il annule en conséquence l’arrêt et renvoie l’affaire à la cour administrative d’appel.
> Lien vers la décision n° 388902

 

Asile – Obligation d’information

La méconnaissance de l’obligation d'information des demandeurs d’asile sur l’utilisation, la conservation et le droit d’accès aux données collectées lors du relevé d’empreintes digitales ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l’État français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
CE, Avis, 10 mai 2017, Préfet de l’Essonne, n° 406122, A

La procédure prévue par l’article L. 113-1 du code de justice administrative permet aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel de transmettre le dossier d’une affaire au Conseil d’État lorsque la requête soulève une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges. Dans le cadre de cette procédure de demande d’avis, la cour administrative de Versailles a notamment saisi le Conseil d’État de la question de savoir si la méconnaissance de l’obligation d’information prévue par l’article 18 du règlement n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 peut être utilement invoquée à l’encontre des décisions par lesquelles l’autorité administrative refuse l’admission provisoire au séjour à un demandeur d’asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

Le Conseil d’État rappelle tout d’abord que le règlement n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 a créé le système « Eurodac » pour la comparaison d’empreintes digitales aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin dont l’objet est de contribuer à déterminer l’État membre, qui en vertu de cette convention, est responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans un autre État membre. Ce mécanisme repose notamment sur la constitution d’une base de données centrale informatisée, dans laquelle sont enregistrées les données dactyloscopiques des demandeurs d’asile et qui est gérée par une unité centrale. Les États membres sont chargés de relever sans tarder les empreintes digitales des demandeurs d’asile âgés de 14 ans au moins et de les transmettre à l’unité centrale. Le relevé d’empreintes doit être réalisé selon une procédure respectant la convention EDH et la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Le règlement prévoit un droit pour toute personne visée par ce système à bénéficier d’une information devant être fournie par l’État membre dont les services effectuent le relevé d’empreintes. Ce droit d’information porte l’identité du responsable de traitement, les raisons du traitement des données par le système, les destinataires des données et l’existence d’un droit d’accès aux données la concernant et d’un droit de rectification de ces données. Ce droit d’accès peut être exercé dans chaque État membre y compris lorsqu’il n’a pas transmis les données requises. Le règlement prévoit que ces informations sont données au moment où les empreintes digitales sont relevées.

Le Conseil d’État relève que ces dispositions ont été reprises à l’identique dans le règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013 relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement n° 604/2013, qui s’est substitué au règlement n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 à compter du 20 juillet 2015. Le règlement de 2013 impose aux États membres de relever sans tarder et de transmettre dès que possible et au plus tard soixante-douze heures suivant l’introduction de la demande de protection internationale les données concernant les demandeurs d’asile.

Le Conseil d’État, note toutefois qu’à la différence de l’obligation d’information instituée par le règlement n° 603/2013, qui prévoit un document d’information sur les droits et obligations des demandeurs d’asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d’examen des demandes d’asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l’obligation d’information prévue par les dispositions de du règlement de 2000, aujourd’hui reprises à l’article 29, paragraphe 1, du règlement n° 603/2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d’assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d’asile concernés, laquelle est garantie par l’ensemble des États membres relevant du régime européen d’asile commun.
Le Conseil d’État en conclut que la méconnaissance de cette obligation d’information ne peut être utilement invoquée à l’encontre des décisions par lesquelles l’État français refuse l’admission provisoire au séjour à un demandeur d’asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
> Lien vers la décision n° 392186