Emploi : des règles et des droits pour les travailleurs

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Congés payés, temps de travail, règles en cas d’abandon de poste, modalités d’indemnisation du chômage, exposition aux risques… En 2024, le Conseil d’État a veillé, dans ses décisions et avis, à la protection des droits des travailleurs, qu’ils soient en poste ou en recherche d’emploi.

Les salariés en arrêt maladie ont droit aux congés payés

En France, tout salarié a droit à cinq semaines de congés payés par an. Toutefois, jusqu’en 2024, les absences pour maladie non professionnelle, c’est-à-dire sans lien avec le travail, ne permettaient pas d’acquérir des congés payés.

27,46 % des salariés ont déclaré un arrêt de travail en 2023

Or, depuis 2009, le droit européen impose un minimum de quatre semaines par an, y compris en cas d’arrêt maladie. En 2023, la Cour de cassation juge que le code du travail est contraire au droit de l’Union européenne sur ce point. En 2024, le Gouvernement interroge le Conseil d’État sur la manière de mettre en conformité le droit français.

Quatre semaines de congés payés

Pour le Conseil d’État, le droit européen n’oblige pas à accorder cinq semaines complètes – en cas d’arrêt maladie comme en période effective de travail – mais un minimum de quatre semaines. Par conséquent, il est seulement nécessaire pour respecter le droit européen d’accorder des droits aux congés payés aux personnes en arrêt maladie pour leur permettre d’atteindre au moins ces quatre semaines, et non d’avoir les mêmes droits que ceux qui n’ont pas eu de congés maladie. En outre, s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, le Conseil d’État estime que les congés acquis durant un arrêt maladie doivent pouvoir être pris jusqu’à quinze mois après la reprise du travail au lieu d’un an, période de référence habituelle.

Trois ans de rétroactivité

Le Conseil d’État précise également le délai de rétroactivité qu’il est possible de prévoir pour permettre l’obtention de ce droit sans bouleverser la situation des entreprises. Les salariés qui n’ont pas bénéficié de ce droit pourront demander des indemnités s’ils ont été en arrêt maladie ces trois dernières années. Si le contrat de travail a été rompu entretemps, seules les trois années précédant la fin du contrat sont prises en compte pour le calcul des indemnités.

 

Abandon de poste : le mécanisme de la présomption de démission

Les abandons de poste sans motif légitime conduisaient des employeurs à licencier le salarié concerné. Ce dernier pouvait alors bénéficier d’une indemnisation chômage. Mais depuis la loi du 21 décembre 2022, le code du travail prévoit un mécanisme de « présomption de démission » pour les salariés du privé qui abandonnent leur poste de travail sans motif légitime. En 2024, des organisations syndicales contestent le décret fixant les modalités d’application de la loi et saisissent le Conseil d’État.

Informer le salarié sur ses droits

Le Conseil d’État juge le décret légal, mais ajoute une exigence pour les employeurs : pour que la présomption de démission s’applique, l’employeur doit envoyer au salarié en abandon de poste une mise en demeure qui doit impérativement préciser les conséquences d’une absence de reprise du travail.

Dès réception du courrier, le salarié a quinze jours pour justifier son absence ou reprendre son poste. S’il fait valoir un motif légitime (problèmes de santé, droit de grève, retrait face à un danger ou refus d’exécuter une consigne illégale), l’employeur ne pourra considérer qu’il s’agit d’une démission. À l’inverse, en l’absence de motif légitime, la démission de l’employé sera présumée.

 

Indemnisation du chômage : de nouvelles règles conformes à la loi

En décembre 2022, le Parlement adopte une loi permettant de moduler la durée des droits à l’assurance chômage selon des indicateurs conjoncturels sur l’emploi et l’état du marché du travail. Début 2023, un décret du Gouvernement met en application cette nouvelle règle : la durée d’indemnisation est réduite de 25 % par rapport aux règles antérieures, sauf si le taux de chômage augmente ou si l’état du marché du travail se détériore. Dans ce cas, le demandeur d’emploi bénéficie d’une prolongation de la durée de ses droits. Plusieurs syndicats demandent l’annulation de ce décret. Le Conseil d’État rejette leur recours.

Un dispositif légal

Il juge que la durée d’indemnisation et le principe de modulation sont bien conformes au cadre fixé par la loi. Le taux de chômage est en outre un indicateur approprié pour apprécier la situation de l’emploi et le fonctionnement du marché de travail. Calculé par l’Insee, c’est un indicateur fiable qui n’a jamais dû être corrigé de plus de 0,1 point.

Sur la non prise des compte des disparités géographiques de la situation de l’emploi avancée par les syndicats, le Conseil d’État rappelle que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des situations différentes soient réglées de manière différente, ni à ce que des situations similaires le soient pour une raison d’intérêt général.

Et si les nouvelles règles ne s’appliquent pas à certaines professions – marins-pêcheurs, dockers et intermittents du spectacle –, il juge que cette différence de traitement n’est pas manifestement disproportionnée et des aménagements en fonction des caractéristiques propres à certaines professions sont bien prévues par le code du travail. Enfin, le Conseil d’État rappelle que le Gouvernement a respecté l’exigence de concertation, en consultant les organisations de salariés et d’employeurs avant l’adoption du texte.

 

L’employeur doit tenir une liste des salariés exposés aux risques chimiques

Comment assurer la sécurité des travailleurs exposés à des risques chimiques ? Deux directives européennes de 2002 et 2022 imposent aux entreprises de l’Union européenne des mesures de protection pour les travailleurs exposés à des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Afin de les transposer dans le droit français, le Gouvernement prépare un projet de décret qu’il soumet à l’avis du Conseil d’État.

Le texte oblige notamment les employeurs à lister les travailleurs exposés et les produits concernés. Mais pour le Conseil d’État, cette disposition ne répond pas entièrement aux exigences européennes : la liste doit également préciser la nature, la durée et le degré d’exposition à ces produits, dès lors que ces informations sont disponibles.

Malgré les délais serrés, le Conseil d’État considère que le texte doit entrer en vigueur au plus tard le 5 avril 2024, comme l’impose la directive européenne de 2022. Il estime toutefois qu’un délai de trois mois peut être accordé aux employeurs pour établir leur liste.

 

Pour les salariés, une durée minimale de repos à respecter

Quand un employeur ne respecte pas les règles en matière de temps de travail et de repos, quels sont les recours possibles des salariés ? En juin 2024, le Conseil d’État rappelle dans une décision que les droits européen et national imposent une durée maximale de travail de 48 heures et une durée minimale de repos par jour et par semaine. Ces garanties visent à protéger la santé et la sécurité des travailleurs.

Pour le juge, ne pas les respecter prive les salariés du repos auquel ils ont droit et constitue, en soi, un préjudice dont ils peuvent demander réparation. Le Conseil d’État reconnaît ainsi à un agent contractuel de la fonction publique le droit d’être indemnisé pour avoir subi une vingtaine de dépassements d’environ deux heures pendant un an. En revanche, être privé de repos dominical ne constitue pas un préjudice en soi : le salarié doit démontrer qu’il a subi un préjudice personnel pour en obtenir réparation.