Projet de loi relatif à la suppression des surtranspositions des directives européennes en droit français

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur le projet de loi portant suppression des surtranspositions des directives européennes en droit français

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Conseil d'État
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Séance du jeudi 27 septembre 2018
N° 395.785

1. Le Conseil d’État a été saisi le 6 septembre 2018 d’un projet de loi portant suppression des « surtranspositions » des directives européennes en droit français. Ce projet de loi a été modifié par plusieurs saisines rectificatives reçues les 14 septembre, 17 septembre, 19 septembre, 20 septembre et 27 septembre 2018.

2. Ce projet de loi, qui comprend trente articles, est organisé en quatre chapitres, eux-mêmes subdivisés en section, qui sont respectivement intitulés « économie et finances », « développement durable », « agriculture » et culture ». L’intitulé « projet de loi portant suppression de sur-transpositions européennes en droit français » paraît mieux refléter l’objet du texte, qui traite un grand nombre de cas de sur-transpositions, dans des domaines très variés de l’action publique, sans prétendre pour autant à l’exhaustivité : c’est, en conséquence, le titre que suggère le Conseil d’État.

3. Le Conseil d’État regrette que l’étude d’impact, qui a été complétée et enrichie au fil des saisines rectificatives, n’indique pas, dans la plupart des cas, les motifs notamment d’opportunité pour lesquels les dispositions dont la suppression est envisagée aujourd’hui au nom de la lutte contre les sur-transpositions avaient été en leur temps introduites en droit interne et le contexte dans lequel ces choix de transposition ont été faits. Il serait utile également d’avoir dans la mesure du possible des éléments précis sur l’impact attendu des suppressions dont il est question. Toutes ces précisions seraient de nature à éclairer utilement le Parlement dans des domaines où, par delà l’apparente technicité des dispositions supprimées des choix politiques précédents sont remis en cause.

4. S’agissant des consultations obligatoires, le Conseil d’État constate que le Gouvernement a soumis, préalablement au présent avis, l’intégralité du projet de loi à la consultation du Conseil national d’évaluation des normes. Il estime toutefois que cette consultation, prévue par l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales afin que cette instance puisse se prononcer « sur l'impact technique et financier des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics », n’était en l’espèce pas obligatoire.

En effet, les mesures de suppression envisagées, qui ne concernent pas spécifiquement ni principalement ces collectivités ou leurs établissements publics, ne sont pas, par ailleurs, susceptibles d’affecter de manière suffisamment significative leurs compétences, leur organisation, leur fonctionnement, leurs activités ou leurs finances. En l’espèce, le projet ne peut avoir un tel effet dès lors qu’il a uniquement pour objet de supprimer des normes, sans placer leurs destinataires sous un régime plus contraignant, ni remplacer les dispositions en cause par d’autres normes dont il pourrait y avoir matière à mesurer l'impact technique et financier.

5. Le Conseil d’État estime nécessaire de présenter, à titre liminaire, les observations suivantes sur la notion de sur-transposition d’une directive.

Cette expression est utilisée pour désigner la création de normes de droit interne excédant les obligations résultant d’une directive. Si la transposition, exigence constitutionnelle découlant de l’article 88-1 de la Constitution (CC, n° 2004-496 DC du 10 juin 2004) doit être fidèle et complète, elle ne doit en principe pas aller au-delà de ce qu’exige la directive, cette préoccupation ayant récemment trouvé un écho dans les dispositions de l’article 69 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance. Toutefois, et comme l’indique l’étude du Conseil d’État de 2015 (Directives européennes : anticiper pour mieux transposer), la notion de sur-transposition traduit en réalité des situations diverses.

Dans certains domaines, le droit européen interdit toute différence dans le droit de chacun des États membres et, par suite, toute sur-transposition. C’est le cas pour les directives – fréquentes dans les secteurs liés à la liberté de circulation des biens et des services – qui procèdent, dans un secteur déterminé, à une harmonisation complète sans ouvrir de possibilités d’option ou de dérogation (CJCE, 5 mai 1998, National Farmer’s Union e.a., aff. C-157/96), ainsi que pour celles qui, par exemple, énumèrent les conditions de mise en œuvre d’une règle, faisant ainsi obstacle à ce que les mesures nationales de transposition introduisent des conditions supplémentaires (CJCE, 23 novembre 1989, Kommanditgesellschaft in Firma Eau de Cologne & Parfumerie Fabrik/Provide, aff. C-150/88).

Lorsque les directives ouvrent des options – par exemple entre sanctions administratives et sanctions pénales pour garantir le respect de leurs prescriptions – ou des possibilités de dérogation, la transposition implique alors des choix qui, dès lors qu’ils restent dans les limites définies par la directive et sont ainsi consubstantiels à l’exercice de transposition, ne sauraient être qualifiés, par eux-mêmes, de sur-transposition.

Dans d’autres situations – par exemple lorsqu’une directive se borne à fixer un seuil minimal ou n’oblige à modifier que partiellement un régime juridique interne jusqu’alors unifié – des considérations d’opportunité administrative ou politique peuvent conduire à décider d’aller au-delà d’une transposition pure et simple, soit en retenant des seuils plus contraignants, soit en appliquant les règles en cause au-delà de leur champ d’application. Dans la mesure où ils ne reposent que sur de telles considérations, les choix opérés lors de la transposition peuvent naturellement être remis en cause et il est alors loisible au Gouvernement de proposer au Parlement, s’agissant des mesures qui relèvent du législateur, de supprimer les dispositions excédant les obligations résultant d’une directive.

Mais il en va autrement lorsque l’édiction de règles non imposées ou simplement permises par la directive repose sur des considérations excédant la pure opportunité administrative ou politique. Ce qui apparaît comme une sur-transposition peut en effet répondre parfois à un souci de cohérence et de bonne articulation des dispositions prises pour la transposition avec celles du droit interne existant, ou même à la nécessité de respecter des principes constitutionnels comme l’égalité devant la loi ou les charges publiques. La remise en cause des choix fait lors de la transposition, qu’on peut estimer non souhaitable dans le premier cas, se heurte alors à des obstacles juridiques dans le second.

C’est en fonction de cette grille d’analyse, déjà mise en œuvre lorsqu’il est saisi de projets de textes de transposition, que le Conseil d’État procède à l’examen des dispositions du présent projet présentées dans les développements qui suivent.

 

Obligations concernant le contenu de la publicité relative au crédit à la consommation et au crédit immobilier

6. Le projet de loi supprime certaines obligations en matière de publicité relative aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers et modifie, à cet effet, le code de la consommation.

S’agissant des crédits à la consommation, l’obligation d’utiliser des polices de caractère plus importantes pour certaines informations utilisées dans les messages publicitaires est supprimée (modification de l’article L. 312-8 du code), de même que celle de reprendre sous forme d’encadré dans ces messages, lorsqu’ils sont adressés directement aux consommateurs, les informations chiffrées concernant la durée et le coût du crédit (suppression du second alinéa de l’article L. 312-9 du code). L’interdiction de mentionner dans les messages publicitaires les franchises de paiement de loyer ou de remboursements des échéances de crédit lorsque leur durée est supérieure à trois mois est par ailleurs levée (suppression du troisième alinéa de l’article L. 312-10 du code).

S’agissant des crédits immobiliers, l’obligation, pour les organismes de crédit, de mentionner dans leurs documents publicitaires que l’emprunteur dispose d’un délai de réflexion de dix jours, que la vente est subordonnée à l’obtention du prêt et que, si celui-ci n’est pas obtenu, le vendeur doit lui rembourser les sommes versées, est supprimée (abrogation de l’article L. 313-3 du code).

Ces obligations ne sont pas prévues par les directives 2008/48/CE du 23 avril 2008 (crédit à la consommation) et 2014/17/UE du 4 février 2014 (crédit immobilier).

Une telle suppression, qui ne se heurte par ailleurs à aucune objection d’ordre constitutionnel, n’appelle pas de remarque de la part du Conseil d’État.

Déclaration de conformité en cas de fusion ou de scission de certains types de sociétés

7. Le projet de loi supprime, pour les sociétés par actions simplifiées et les sociétés en commandite par actions, l’obligation de déposer, en cas de fusion ou de scission, une déclaration de conformité auprès du tribunal de commerce.

8. Cette obligation résulte d’une sur-transposition, les dispositions du droit de l’Union en la matière n’exigeant en effet l’établissement d’un acte relatif à la conformité des fusions et des scissions que pour les sociétés anonymes (directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés) et, dans certains cas, pour les sociétés européennes (règlement n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE)). L’obligation de déclaration est toutefois maintenue pour les sociétés participant à une opération de fusion transfrontalière, quel que soit leur statut, conformément aux objectifs de la directive précitée.

9. Ces dispositions, qui allègent les contraintes pesant sur les sociétés par actions simplifiées et les sociétés en commandite par actions, n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’État.

Dérogation à l’obligation d’approbation d’une fusion par l’assemblée générale de la société absorbante

10. Le projet de loi met en œuvre l’option prévue à l’article 94 de la directive (UE) n° 2017/1132 du Parlement et du Conseil du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés, qui permet de déroger à l’obligation de soumettre une fusion par absorption à l’approbation de l’assemblée générale de la société anonyme absorbante, se prononçant à une majorité des deux tiers. L’assemblée générale extraordinaire aura la faculté de déléguer au conseil d’administration ou au directoire de la société absorbante, selon le cas, la possibilité, pendant une période déterminée, de décider d’une fusion, ou de fixer les modalités définitives d’un projet de fusion lorsque son principe a déjà été décidé. Cette faculté s’accompagne de celle offerte à au moins 5 % des actionnaires de demander en justice, dans un délai qui devra être fixé par décret en Conseil d’État, la désignation d’un mandataire afin de convoquer une assemblée générale extraordinaire, comme le prévoit le c) de l’article 94 de la directive précitée. Les deux autres conditions prévues aux a) et b) de cet article portent sur des garanties déjà organisées dans le code de commerce, sous réserve de certains aménagements qui devront intervenir dans sa partie règlementaire.

11. Si ces dispositions, en mettant en œuvre une dérogation optionnelle prévue par la directive précitée, ne remédient pas à une situation de sur-transposition, elles répondent à l’objectif du projet d’alléger, dans le respect du droit de l’Union, les contraintes procédurales pesant en particulier sur les sociétés, et n’appellent pas d’observation particulière du Conseil d’État.

Relèvements des seuils des petites entreprises et mesures d’allègements en faveur des moyennes entreprises

Mesures d’allégements des obligations comptables des moyennes entreprises

12. Le projet de loi insère, dans le code de commerce, la notion de moyenne entreprise et prévoit, pour les entreprises en question, des obligations comptables allégées, portant sur l’établissement du compte de résultat et la publicité des comptes. Il met ainsi en œuvre une option, ouverte par la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, et ce conformément aux articles 14 et 31 de la directive. Cette option n’avait pas été utilisée jusqu’à présent.

A cet effet, l’article L. 123-16 du code du commerce est modifié, de façon à permettre aux moyennes entreprises d’adopter une présentation simplifiée de leur compte de résultat ; la fixation des seuils définissant cette catégorie d’entreprises (total du bilan, montant net du chiffre d’affaires, nombre moyen de salariés) est renvoyée à un décret. Le gouvernement indique, dans l’exposé des motifs du projet de loi, qu’il entend fixer ces seuils aux niveaux maxima prévus par la directive (20 millions d’euros pour le bilan, 40 millions d’euros pour le chiffre d’affaires, 250 pour le nombre de salariés).

L’article L. 232-25 du même code est également modifié, de façon à ouvrir aux moyennes entreprises la faculté de demander que seule une présentation simplifiée de leur bilan et de leur compte de résultat soit rendue publique. Cette présentation simplifiée doit être assortie d’une mention qui précise le caractère abrégé de la publication, le greffe du tribunal de commerce auprès duquel les comptes annuels ont été déposés ainsi que la teneur des avis qui ont pu être émis par les commissaires aux comptes.

Les modifications du code de commerce proposées, qui ne méconnaissent par ailleurs aucun principe constitutionnel, n’appellent donc pas de remarque de la part du Conseil d’État.

Suppression de l’interdiction générale faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires d’avocats intervenant en protection juridique

13. Les articles L. 127-5-1 du code des assurances et L. 224-5-1 du code de la mutualité, dans leur version issue de la loi n° 2007-2010 du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique, prévoient que les honoraires de l’avocat, déterminés entre ce dernier et son client, ne peuvent faire l’objet d’un accord avec l’assureur de protection juridique. Si l’article 201 de la directive 2009/138 du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (dite solvabilité II) garantit à l’assuré la faculté de choisir librement son avocat, il ne retient pas une telle interdiction. Le Conseil d’État relève que cette suppression n’affecte en rien les dispositions législatives qui prévoient que l’assuré choisit librement son avocat et que les honoraires de l’avocat sont déterminés entre ce dernier et son client.

La disposition soumise à l’examen du Conseil d’État ne contrevient à aucune exigence d’ordre constitutionnel et n’appelle pas de remarque de sa part.

Suppression des obligations imposées aux syndics de copropriété au titre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

14. Le projet de loi supprime une disposition du code monétaire et financier ayant pour effet de soumettre les syndics de copropriété aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme issues de la directive (UE) du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. Cette disposition, introduite au 8° de l’article L. 561-2 du code par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, n’étant pas prévue par la directive précitée, peut être supprimée sans contrevenir au droit européen ou aux exigences constitutionnelles.

En revanche, la suppression envisagée soulève une difficulté tenant à l’existence d’une consultation obligatoire.

En effet, selon l’article 13-1 de la loi du 2 janvier 1970 règlementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, modifié par la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières est « consulté pour avis sur l’ensemble des projets de textes législatifs relatifs à l’exercice des activités mentionnées à l’article 1er », lesquelles incluent les fonctions de syndic de copropriété.

Si le Gouvernement a bien saisi ce Conseil le 6 septembre 2018 d’une demande d’avis sur son projet, cette instance n’a pu se prononcer pour la raison que les autorités compétentes n’ont pas procédé à la nomination de ses membres, pourtant prévue par le décret n° 2017-1012 du 10 mai 2017 entré en vigueur le 1er juillet 2018.

Le Conseil d’État constate que cette situation est entièrement imputable à la volonté du Gouvernement de modifier la composition de ce Conseil dans le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Dès lors, il n’est pas possible en l’espèce de considérer que la consultation exigée par la loi serait une « formalité impossible », ce qui selon la jurisprudence suppose l’existence d’une impossibilité matérielle échappant au contrôle de l’administration. En conséquence, en l’absence de l’avis exigé par l’article 13-1 de la loi du 2 janvier 1970 précitée, le Conseil d’État n’est pas en mesure d’examiner l’article du projet de loi procédant à la suppression mentionnée ci-dessus.

Suppression de la consultation de l’assemblée générale des actionnaires sur l’enveloppe globale des rémunérations versées aux directeurs des établissements de crédit et des sociétés de financement et aux catégories de personnels dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entité

15. Le projet de loi supprime la consultation annuelle de l’assemblée générale des actionnaires sur l’enveloppe globale des rémunérations versées aux directeurs des établissements de crédit et des sociétés de financement et aux catégories de personnels dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise, introduite dans le code monétaire et financier lors de la création de l’article L. 511-73 par l’ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière, qui a transposé la directive dite « CRD IV » et a mis en conformité la législation française avec le règlement européen dit « CRR ». Ces textes ne prévoyant pas une telle consultation, il est loisible au Gouvernement de proposer de supprimer cette disposition.

Cette suppression n’appelle pas de remarque de la part du Conseil d’État.

Limitation aux seules activités professionnelles ayant une incidence « substantielle » sur les profils de risque des sociétés de gestion de portefeuille ou des fonds d’investissement alternatifs ou OPCVM que ces professionnels gèrent, l’exigence que ces sociétés déterminent des politiques et pratiques de rémunération compatibles avec une gestion saine et efficace des risques 

16. L’article 10 du projet de loi limite aux rémunérations des seules personnes dont les activités professionnelles ont une incidence « substantielle » sur les profils de risques pris par des sociétés de gestion de portefeuille gérant des FIA (fonds d’investissement alternatifs) ainsi que des OPCVM (organisme de placement collectif en valeurs mobilières) l’obligation pour ces dernières de déterminer les politiques et pratiques de rémunération de manière « compatible avec une gestion saine et efficace des risques » et de mettre en place le contrôle nécessaire. Il modifie, à cet effet, l’article L. 533-22-2 du code monétaire et financier. En effet, l’article 13 de la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 1095/2010 limite le champ de ce contrôle aux seules rémunérations des seules personnes dont les activités professionnelles ont une incidence « substantielle » sur les profils de risques.

Le texte proposé aligne ainsi le champ d’application du contrôle sur celui prévu par la directive, ce qui n’appelle pas de remarque de la part du Conseil d’État.

Suppression de l’obligation de déclaration préalable de profession pour les opérateurs qui veulent bénéficier des exonérations prévues à l’art 302 D bis du CGI pour les alcools dénaturés ainsi que les alcools utilisés pour certaines productions

17. En abrogeant le III de l’article 302 D bis du code général des impôts, créé par l’ordonnance n° 2001-766 du 29 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière économique et financière, le projet de loi supprime l’obligation de « déclaration préalable de profession » pour les opérateurs qui entendent bénéficier des exonérations prévues à l’article 302 D bis du même code. Cet article transpose l’article 27 de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur l'alcool et les boissons alcooliques, pour les alcools dénaturés et les alcools utilisés notamment pour la production de vinaigre, de médicaments, d’arômes ou d’aliments. Cette directive ne prévoyant pas de régime de déclaration préalable pour bénéficier de l’exonération, il est loisible au Gouvernement, qui fait valoir dans l’étude d’impact du projet de loi que ce texte n’est pas, sur ce point, de nature à limiter les capacités de contrôle de l’administration des douanes, de proposer de supprimer cette déclaration préalable.

La suppression envisagée n’appelle pas de remarque de la part du Conseil d’État.

Contrats publics de services juridiques

18. Le projet de loi modifie les ordonnances n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession pour exclure les contrats publics de services juridiques ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat et les prestations de conseil juridique s’y attachant du champ d’application des règles de publicité et de mise en concurrence prévues ces ordonnances, prises pour transposer les directives 2014/23/UE, 2014/24/UE et 2014/25/UE du 26 février 2014.

Les modifications envisagées sont inspirées par la volonté d’alléger les contraintes administratives et procédurales pesant sur les acheteurs publics en s’en tenant à une stricte transposition des directives, lesquelles font figurer les contrats portant sur de tels services parmi ceux qui sont exclus de leurs champs d’application.

19. Si, depuis plus de vingt ans, la conclusion des contrats publics de services juridiques ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat et les prestations de conseil juridique s’y attachant était soumise à des règles de publicité préalable et de mise en concurrence particulières, jugées adaptées aux obligations déontologiques de la profession d’avocat (voir en dernier lieu CE, 9 mars 2016, n° 393589, Conseil national des barreaux), le Conseil d’État estime que la spécificité de ces services juridiques peut autoriser, en raison d’un motif d’intérêt général directement lié à la nécessité de tenir compte des caractéristiques propres à de tels services eu égard notamment au principe de libre choix de l’avocat et à l’importance de l’intuitu personae en la matière, une dérogation aux principes fondamentaux de la commande publique que le Conseil constitutionnel a dégagés dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003. La modification proposée ne se heurte donc à aucun obstacle constitutionnel.

Sans méconnaître les difficultés inhérentes au recueil et au traitement d’informations quantitatives et qualitatives sur les marchés attribués, le Conseil d’État relève toutefois l’insuffisance de l’étude d’impact, même après sa modification par la dernière saisine rectificative, pour justifier cette mesure au regard des avantages de la transparence et de l’intérêt d’une mise en concurrence, comme de l’inconvénient de créer par cette exclusion deux catégories de services juridiques dans le droit de la commande publique, selon que les prestations de services juridiques en cause sont accomplies, ou non, par un avocat. Elle devra donc être complétée en ce sens.

Enfin, le Conseil d’État estime nécessaire de compléter le projet par une disposition transitoire permettant de sécuriser, à la date d’entrée en vigueur de la réforme, les procédures de passation en cours portant sur de tels marchés publics de services juridiques.

Suppression de la déclaration préalable applicable aux réseaux et services de communications électroniques

20. L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) prévoit que « l’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres, sous réserve d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ». Le projet de loi supprime l’exigence de cette déclaration préalable, qui, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 7  mars  2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, constitue une simple option supplémentaire ouverte aux États membres. Cette mesure ne soulève pas de difficulté juridique.

La suppression de la déclaration préalable implique de modifier l’article 302 bis KH du code général des impôts, qui a institué une taxe « due par tout opérateur de communications électroniques (…) qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable (…) ». Le champ d’application de la taxe ainsi défini exclut les opérateurs non soumis à déclaration préalable (opérateurs fournissant exclusivement un service sur un réseau interne ouvert au public). Le Conseil d’État estime qu’au regard des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, l’exclusion de ces opérateurs du champ de la taxe peut être maintenue (cf. la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, qui a validé le champ des opérateurs assujettis à la taxe).

Norme applicable aux équipements terminaux radioélectriques

21. Le projet de loi abroge l’article 42 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique selon lequel : « A compter du 1er janvier 2018, tout nouvel équipement terminal, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, destiné à la vente ou à la location sur le territoire français doit être compatible avec la norme IPV6 ». L’exigence posée par cet article excède celles résultant de la directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché d’équipements radioélectriques et abrogeant la directive 1999/5/CE et méconnaît par suite l’article 9, paragraphe 1 de cette directive, qui prévoit que : « Les États membres n’empêchent pas, pour des raisons liées aux aspects couverts par la présente directive, la mise à disposition sur le marché sur leur territoire des équipements radioélectriques conformes à la présente directive ». Dans ces conditions, le Conseil d’État a donné un avis favorable à l’abrogation proposée, qui est commandée par la nécessité de respecter le droit de l'Union européenne.

Évaluation environnementale

22. Le projet de loi entend exempter d’évaluation environnementale les modifications mineures des plans et programmes qui n’ont pas d’incidence notable sur l’environnement et se propose de compléter à cet effet le 5° de l’article L. 122-5 du code de l’environnement.

Le 1° de cet article renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination « de la liste des plans et programmes soumis à évaluation environnementale de manière systématique ou à un examen au cas par cas, en application des II et III de l'article L. 122-4 », tandis que le III de l’article L. 122-4 dispose que « Font l'objet d'une évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas par l'autorité environnementale : (…) 3° Les modifications des plans et programmes mentionnés au II et au 1° et au 2° si elles sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. ». Il en résulte que les dispositions de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, qui dispensent les États membres de soumettre à évaluation environnementale obligatoire les modifications mineures des plans et programmes qui ne sont pas susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, ont été fidèlement et complètement transposées par le 3° du III de l’article L. 122-4 précité.

Les dispositions que le Gouvernement se propose d’insérer au 5° de l’article L. 122-5 sont donc inutiles et introduiraient au surplus une confusion si elles l’étaient à cet emplacement du code, qui traite d’une autre situation. Le renvoi au décret en Conseil d’État par le 1° de l’article L. 122‑5 permet en tout état de cause d’apporter, si le Gouvernement persistait à l’estimer nécessaire, cette précision par voie réglementaire sans avoir à passer par la loi.

« Réemploi » et « réutilisation » en matière de déchets

23. L’article L. 541-1-1 du code de l’environnement a transposé les définitions qui figurent à l’article 3 de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets. Alors que la directive utilise la notion de « réemploi » à la fois en matière de prévention et de traitement des déchets, ce qui constitue un facteur de confusion, le législateur national a pris soin, lors de la transposition de la directive en 2010, de distinguer, d’une part, la notion de « réemploi » en la cantonnant à une technique de prévention des déchets et, d’autre part, la « préparation en vue de la réutilisation », en la cantonnant à une technique de traitement des déchets.

Le projet, qui prévoit d’élargir cette notion de « réemploi » à une technique de traitement des déchets, supprime la clarification apportée par le législateur en 2010. En outre, dans sa saisine rectificative, le Gouvernement indique que la fixation de critères pour la sortie du statut de déchet, actuellement obligatoire en vertu du VI de l’article L. 541-4-3 du même code, deviendra facultative et donc « implicite » pour la plupart des déchets ayant subi une préparation en vue du réemploi.

Dans ces conditions, le Conseil d’État ne peut donner un avis favorable à cet article, qui revient sur la cohérence et la bonne articulation des dispositions prises pour la transposition, et porte atteinte à la clarté et à l’intelligibilité de la loi, et ce d’autant plus qu’il n’est pas assorti d’une étude d’impact suffisante. La difficulté pourra être mieux résolue lors de la transposition de la nouvelle directive cadre relative aux déchets, en cours de préparation.

Exclusions du champ d’application de la réglementation sur les déchets

24. La législation sur les déchets, qui a transposé la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, n’a pas exclu de son champ d’application, à l’article L. 541-4-1 du code de l’environnement, comme le prévoit la directive, d’une part, les « explosifs déclassés » et, d’autre part, dans la mesure où ils sont couverts par d’autres dispositions du droit de l’Union européenne, les « sous-produits animaux » et certaines carcasses d’animaux. Il en résulte une application cumulée de la législation sur les déchets et de règles particulières issues d’autres législations pour les seconds.

Le projet introduit ces exclusions et supprime ainsi une sur-transposition. Il limite toutefois cette exclusion à ceux des explosifs déclassés qui relèvent du ministère de la défense et qui restent propres à une utilisation militaire. Dans la mesure où les catégories de déchets exclues du champ de la législation sur les déchets restent couvertes par d’autres législations protectrices, notamment de l’environnement, et sous réserve des précisions qui seront apportées par un décret s’agissant des « explosifs déclassés », un tel projet n’appelle pas d’objection de principe. Toutefois, le Conseil d’État relève que, pour donner son plein effet à l’objectif de simplification invoqué par le Gouvernement, il serait utile d’étudier l’extension de cette mesure aux autres types d’explosifs.

Sortie du statut de déchet

25. L’article L. 541-4-3 du code de l’environnement reprend les quatre conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1. de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives pour qu’un déchet cesse d’être un déchet. Il ajoute que le déchet doit avoir été traité dans une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ou dans une installation relevant de la loi sur l’eau (IOTA).

Le projet supprime cette dernière condition, qui constitue une sur-transposition, et permet ainsi que la valorisation aboutissant à la sortie du statut de déchet puisse être effectuée en dehors d’une ICPE ou d’une installation soumise au régime des IOTA. Cet article, qui ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel, n’appelle pas d’observation particulière.

Chasse de certains oiseaux pour éviter les dommages agricoles

26. L’article L. 424-2 du code de l’environnement prévoit les périodes de l’année durant lesquelles les oiseaux ne peuvent être chassés. Il prévoit, conformément à l’article 9, paragraphe 1. c) de la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages, que des dérogations peuvent être accordées dans cette hypothèse pour la chasse de certains oiseaux migrateurs. Toutefois, n’a pas été reprise, lors de la transposition de cette directive, la possibilité, ouverte à l’article 9, paragraphe 1., a), troisième tiret de la même directive, d’accorder des dérogations « pour prévenir des dommages importants causés aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ».

Le projet introduit cette nouvelle possibilité de dérogation, qui constitue une option offerte par la directive, au troisième alinéa de l’article L. 424-2, tout en remédiant à une incomplétude de la transposition antérieure, en subordonnant, conformément l’article 9, paragraphe 1, de cette directive, l’octroi de toutes les dérogations ouvertes par la directive à la démonstration qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante que la chasse ou la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux migrateurs terrestres et aquatiques en petites quantités.

Le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que l’utilisation de cette nouvelle dérogation sera, au cas par cas, subordonnée à la justification d’une finalité, qui est la prévention des dommages importants causés en France aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux, et à la démonstration qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante que la chasse.

Report des échéances en matière de bon état des eaux

27. Le V de l’article L. 212-1 du code de l’environnement a fixé au 22 décembre 2015 l’échéance à laquelle les objectifs de qualité et de quantité des eaux mentionnées au IV fixés par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) doivent, en principe, être atteints. Il prévoit cependant, conformément l’article 4, paragraphe 4. de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qu’en cas d’impossibilité de les atteindre pour des raisons techniques, financières ou tenant aux conditions naturelles, cette échéance peut être repoussée, sans que ce report excède la période correspondant à deux mises à jour du SDAGE. Toutefois, n’a pas été reprise la possibilité, prévue à cet article 4, paragraphe 4. c) de repousser encore cette échéance dans le cas où l’impossibilité tient aux conditions naturelles.

Le projet ajoute cette possibilité de report à cet article L. 212-1 et fixe, conformément à cet article 4, paragraphe 1. dernier alinéa de la directive, l’échéance au 22 décembre 2021 pour Mayotte. L’adjonction de cette faculté de report, conformément à une option ouverte par la directive, ne soulève pas de difficulté.

Définition des eaux marines

28. La stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), prévue à l’article L. 219-1 du code de l’environnement, constitue le document de planification de l’espace maritime pris pour la transposition de la directive 2014/89/UE du 23 juillet 2014 établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime.

Alors que le champ d’application de cette directive se limite, selon son article 2, aux « eaux marines », définies à son article 3, paragraphe 4., la SNML s’étend également à « l’espace aérien surjacent » selon le deuxième alinéa de cet article L. 219-1.

Le projet de loi supprime cette extension, qui constitue une sur-transposition. Cette suppression n’appelle aucune remarque de la part du Conseil d’État.

Exemptions applicables aux gestionnaires d’infrastructure de transport ferroviaire

29. Le I de l’article L. 2122-2 du code des transports a transposé la majeure partie des exemptions ouvertes aux États membres par les dispositions de l’article 2, paragraphe 3, points b) et c) de la directive 2012/34 UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en ne soumettant notamment pas aux règles applicables au gestionnaire d’infrastructure en matière de séparation fonctionnelle, de délivrance de prestations minimales et d’affectation des capacités, d’une part, les lignes destinées uniquement à l'exploitation de services ferroviaires urbains ou suburbains et, d’autre part, les lignes utilisées, pour des services ferroviaires de marchandises, par une seule entreprise ferroviaire ne réalisant pas de services de transport ferroviaire à l'échelle nationale, tant qu'aucun autre candidat ne demande à utiliser une capacité sur ces lignes. Le II de l’article L. 2122-2 du code a, quant à lui, transposé l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2012/34 UE du 21 novembre 2012 s’agissant des exemptions possibles pour des infrastructures ferroviaires locales ne présentant pas un caractère stratégique.

30. Le projet de loi prévoit des exemptions supplémentaires pour les seules lignes couvertes par les dispositions de l’article 2, paragraphe 3, points b) et c) de la directive 2012/34 UE du 21 novembre 2012, portant sur l’exploitation des installations de service telles que les gares de voyageurs ou de triage. Ces exemptions sont permises par la directive et n’appellent aucune observation particulière.

31. En revanche, le projet de loi prévoit de supprimer, pour ces mêmes lignes et pour les infrastructures ferroviaires locales ne présentant pas un caractère stratégique, l’application du titre III du livre 1er de la deuxième partie du code, relatif à la régulation, qui définit les pouvoirs de l’autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Le Conseil d’État relève que, conformément à l’article L. 2132-1 du code, les lignes destinées uniquement à l'exploitation de services ferroviaires urbains ou suburbains, qui ne font pas partie du réseau ferré national, sont déjà exclues du champ de compétence de l’ARAFER. Il relève également que, s’agissant des lignes utilisées, pour des services ferroviaires de marchandises, par une seule entreprise ferroviaire qui ne réalise pas de services de transport ferroviaire à l'échelle nationale, tant qu'aucun autre candidat ne demande à utiliser une capacité sur ces lignes, les exemptions existant déjà ou prévues par le projet de loi suffisent à assurer l’allègement des contraintes recherché, le titre III précité ne faisant peser sur celles-ci aucune obligation supplémentaire en dehors du recueil statistique prévu par l’article L. 2132‑7, s’agissant de lignes qui ont vocation à être régulées une fois qu’un candidat demandera à utiliser des capacités sur celles-ci.

Dans ces conditions, le Conseil d’État ne peut donner un avis favorable à l’exemption du titre III prévue par le projet de loi, qui devrait être modifié sur ce point.

Obligation de séparation comptable applicable à certaines entreprises ferroviaires

32. Le projet de loi prévoit de modifier l’article L. 2122-4 du code, pour exempter certaines entreprises ferroviaires de l’obligation de séparation comptable de leurs activités de gestion d’infrastructure et de services de transports ferroviaires. Or, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/34 UE du 21 novembre 2012, les entreprises concernées ne sont pas dans le champ de la directive sur ce point. Le projet de loi, qui met fin à cette sur-transposition, ne soulève pas de difficulté.

Licence d’entreprise ferroviaire

33. L’article L. 2122-10 du code des transports subordonne l’exercice d’une activité de transport ferroviaire à la détention d’une licence d’entreprise ferroviaire. Le projet de loi prévoit de retenir les quatre cas d’exemption permis par l’article 2, paragraphe 2, de la directive 2012/34 UE du 21 novembre 2012, alors que la disposition en vigueur n’en retenait qu’un seul.

Une telle disposition n’appelle pas d’objection.

Installations de service non-utilisées

34. L’article L. 2123-3-6 du code des transports impose de rendre disponible une installation de service qui est restée non-utilisée pendant deux ans. Le projet prévoit, d’une part, d’appliquer plus strictement l’article 13, paragraphe 6, de la directive 2012/34 UE du 21 novembre 2012 s’agissant des dérogations à cette obligation, et, d’autre part, d’abroger certaines dispositions qui figurent dans la loi, en renvoyant désormais à l’article 15 du règlement d’application 2017/2177/UE du 22 novembre 2017 de la Commission européenne, intervenu postérieurement à la transposition des dispositions concernées de la directive et qui a vocation à régler directement ces questions. Cette mesure ne soulève pas de difficulté juridique.

Certification des conducteurs de train

35. L’article L. 2221-8 du code des transports impose aux conducteurs de train sur le réseau ferré, défini à l’article L. 2122-1, d’être titulaires d’une licence. Cette disposition a transposé la directive 2007/59/CE du 23 octobre 2007 relative à la certification des conducteurs de train assurant la conduite de locomotives et de trains sur le système ferroviaire dans la communauté. L’article 2, paragraphe 3, de cette directive prévoit que les États membres peuvent exclure de cette obligation les conducteurs de trains opérant sur quatre catégories de lignes, dont une seulement a fait l’objet d’une transposition expresse à l’article L. 2221-8.

36. Le projet de loi prévoit de retenir les trois exemptions qui ne l’ont pas encore été. Le Conseil d’État constate toutefois qu’en renvoyant aux trains circulant sur le réseau ferré défini à l’article L. 2122-1 du code, la loi a déjà exclu de l’obligation de licence les conducteurs opérant sur les systèmes ferroviaires légers  tels que les métros et tramways. Cette exemption est ainsi déjà en vigueur. Le projet de loi ne présentant pas sur ce point d’utilité, le Conseil d’État ne peut lui donner un avis favorable. La transposition de l’exemption permise par la directive relative aux conducteurs de train opérant sur les réseaux qui sont séparés sur le plan fonctionnel du reste du système ferroviaire et qui sont destinés uniquement à l’exploitation de services locaux, urbains ou suburbains de transport de passagers et de marchandises est en revanche nouvelle.

En dehors de l’hypothèse où la circulation sur ces lignes entrerait dans l’exemption déjà prévue par le dernier alinéa de l’article L. 2221-8 du code, est également nouvelle et conforme à la directive l’exemption de licence s’agissant des infrastructures ferroviaires privées destinées à être utilisées exclusivement par leur propriétaire pour leurs propres opérations de transport de marchandises, dans la mesure où certaines des lignes ou portions de lignes concernées pourraient être considérées comme faisant partie du réseau ferré.

37. S’agissant de la catégorie déjà partiellement retenue par l’article L. 2221-8 du code, relative aux sections de voies qui sont temporairement fermées à la circulation normale pour cause d’entretien, de renouvellement ou de réaménagement du système ferroviaire, le projet de loi permet de donner toute sa portée à l’exemption permise par la directive. Il prévoit également une exemption de licence pour des circulations limitées sur le réseau ferré, en provenance ou à destination de réseaux sur lesquels la licence de conducteur n’est pas nécessaire. La directive ne fait pas obstacle à cette exemption, qui est strictement encadrée et qui doit répondre à des mesures d'exploitation prescrites par le gestionnaire d'infrastructure.

Cette disposition n’appelle donc pas d’objection.

Professionnels du médicament vétérinaire

38. L’article 27, en supprimant l’obligation de déclaration des cessions de médicaments vétérinaires comportant des substances antibiotiques imposée à plusieurs catégories d’établissements pharmaceutiques vétérinaires intervenant dans la commercialisation de ces produits, allège la charge administrative que ces déclarations de données impliquent pour ces entreprises.

Ces déclarations obligatoires n’étaient en effet exigées ni par la directive 90/167/CEE du Conseil, du 26 mars 1990, établissant les conditions de préparation, de mise sur le marché et d'utilisation des aliments médicamenteux pour animaux dans la Communauté ni par la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires, mais ont été mises en place par la France pour des raisons de protection de la santé publique ou inspirées par les exigences de pharmacovigilance de la directive précitée du 6 novembre 2001.

Le projet de loi prévoit toutefois, pour ces mêmes raisons, le maintien de l’obligation de déclaration des cessions à la charge des titulaires de l’autorisation de mise sur le marché des médicaments vétérinaires et des entreprises qui fabriquent, importent ou distribuent des aliments médicamenteux comportant des substances antibiotiques. Il a en effet pour objet d’adapter la législation aux futures exigences de règlements européens en cours d’adoption qui se substitueront aux directives mentionnées précédemment et qui mettront à la charge de ces seules entreprises une obligation de déclaration des cessions.

La disposition n’appelle pas de remarque particulière de la part du Conseil d’État.

Archives publiques constituant des trésors nationaux

39. Le projet de loi restreint aux seules archives publiques issues de la sélection prévue aux articles L. 212-2 à L. 212-4 du code du patrimoine en vue d’une conservation définitive, la qualification de trésors nationaux.

40. Alors que la directive 2014/60/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 relative à la restitution de biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d’un État membre et modifiant le règlement (UE) n° 1024/2012 n’imposait pas aux États membres de revoir la définition de leurs trésors nationaux - envisagés comme ceux ayant une « valeur artistique, historique ou archéologique conformément à la législation ou aux procédures administratives nationales au sens de l’article 36 TFUE », la loi de transposition n° 2015-195 du 20 février 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel a modifié l’article L. 111-1 du code du patrimoine pour inclure dans les catégories de biens qualifiés de trésors nationaux l’ensemble des archives publiques, au sens de l'article L. 211‑4 du code du patrimoine.

Ont été ainsi légalement qualifiés de trésors nationaux l’ensemble des archives procédant de l’activité de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, de la gestion d’un service public ou de l’exercice d’une mission de service public par des personnes de droit privé, ainsi que les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels et les registres des conventions notariées de pacte civil de solidarité.

41.En rétablissant un périmètre raisonnable des archives publiques entrant dans le régime des trésors nationaux, le projet de loi corrige utilement une interprétation inappropriée de la directive sur laquelle le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi de transposition (Assemblée générale, n° 389.282, 16 octobre 2014), avait attiré l’attention du Gouvernement en soulignant qu’elle risquait, notamment au regard de l’article 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, d’affaiblir la sécurité juridique des actions en restitution engagées par la France.

42. La disposition envisagée met fin à l’application irréaliste du régime de contrôle de la circulation des trésors nationaux à un ensemble infini de documents susceptibles, par nature, de circuler hors des frontières internes et externes de l’Union. Cette suppression ne fait pas pour autant obstacle à ce qu’une archive publique courante, si elle présente un intérêt majeur pour le patrimoine national, puisse, en application du 5° de l’article L. 111-1 du code du patrimoine, être protégée à tout moment comme trésor national. Le projet ne peut, pour l’ensemble de ces raisons, que recueillir l’assentiment du Conseil d’État.

Obligation de publicité pour les actions en restitution de biens culturels

43. Le projet de loi supprime l’obligation de « porter à la connaissance du public » l’engagement par la France ou un autre État membre de procédures juridictionnelles en vue de la restitution de biens culturels, obligation figurant aux articles L. 112-7 et L. 112-15 du code du patrimoine issus de la transposition de la directive 93/7/CEE du 15 mars 1993 du Conseil des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un État membre. Cette directive, pas plus que celle du 15 mai 2014 qui l’a refondue, n’imposant de telles mesures de publicité, il est ainsi mis fin à une sur-transposition sans qu’un motif d’intérêt général y fasse obstacle.

Ces dispositions n’appellent pas d’observation particulière de la part du Conseil d’État.

Gestion collective obligatoire pour les retransmissions simultanées, inchangées et intégrales par câble d’émissions provenant d’autres États membres

44. Le projet supprime l’obligation d’un agrément préalable, par le ministre chargé de la culture, des organismes de gestion collective assurant la gestion des droits de propriété intellectuelle afférents aux retransmissions simultanées, inchangées et intégrales par câble d’émissions provenant d’autres États membres. La directive 93/83/CE du Conseil du 27 septembre 1993, qui a institué l’obligation d’une gestion collective en pareil cas, ne prévoyait pas un tel agrément dont l’exigence a constitué une sur-transposition que le projet de loi supprime.

45. Le Conseil d’État relève que cette suppression est d’autant plus opportune que la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins, transposée par l’ordonnance n° 2016-1823 du 22 décembre 2016, a mis en place un cadre juridique harmonisé visant à garantir que le service fourni par les organismes de gestion collective à leurs membres soit efficace, fiable, transparent et responsable, même en l’absence d’agrément.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’État dans sa séance du jeudi 27 septembre 2018.