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Ariane Web: Conseil d'État 110178, lecture du 24 avril 1992, ECLI:FR:CESSR:1992:110178.19920424

Décision n° 110178
24 avril 1992
Conseil d'État

N° 110178
ECLI:FR:CESSR:1992:110178.19920424
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Combarnous, président
M. Faure, rapporteur
M. Hubert, commissaire du gouvernement
SCP Vier, Barthélémy, Me Blondel, Avocat, avocats


Lecture du 24 avril 1992
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 septembre 1989 et 3 janvier 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le département du Doubs, représenté par le président de son conseil général, domicilié à l'Hôtel du département, avenue de la Gare d'Eau à Besançon Cedex (25035) ; le département demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 17 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision en date du 15 décembre 1987 du directeur des actions sociales du Doubs et la décision en date du 11 juillet 1988 du président du conseil général du Doubs refusant d'accorder à M. et Mme F. l'agrément en vue de l'adoption d'un enfant ;
2°) rejette la demande présentée par M. et Mme F. devant le tribunal administratif de Besançon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 85-938 du 23 août 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
- les observations de la S.C.P. Vier, Barthélemy, avocat du département du Doubs et de Me Blondel, avocat de M. et Mme F.,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 63 du code de la famille et de l'aide sociale : "Les pupilles de l'Etat peuvent être adoptés ... par des personnes agréées à cet effet, dans des conditions fixées par décret, par le responsable du service de l'aide sociale à l'enfance" ; qu'aux termes de l'article 4, 1er alinéa, du décret du 23 août 1985 relatif à l'agrément des personnes qui souhaitent adopter un pupille de l'Etat : "Pour l'instruction de la demande, le responsable du service de l'aide sociale à l'enfance fait procéder à toutes les investigations permettant d'apprécier les conditions d'accueil que le demandeur est susceptible d'offrir à des enfants sur les plans familial, éducatif et psychologique" ; qu'en vertu de l'article 100-3 du code de la famille et de l'aide sociale les dispositions précitées sont applicables aux personnes qui souhaitent accueillir, en vue de son adoption, un enfant étranger ;
Considérant que par une décision du 15 décembre 1987, confirmée sur recours gracieux par le président du conseil général du Doubs le 11 juillet 1988, le directeur des actions sociales du département a rejeté la demande d'agrément aux fins d'adoption présentée par M. et Mme F. en raison de prises de position des intéressés sur des problèmes de santé pouvant entraîner certains risques ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme F. ont fait connaître sans ambiguité à l'administration, dans le recours gracieux qu'ils lui avaient adressé, qu'ils adhéraient personnellement à la doctrine des Témoins de Jehovah en matière de transfusion sanguine et qu'ils étaient opposés à l'usage de cette méthode thérapeutique ; que, par suite, en estimant que les intéressés ne présentaient pas des garanties suffisantes en ce qui concerne les conditions d'accueil qu'ils étaient susceptibles d'offrir à des enfants sur les plans familial, éducatif et psychologique, le président du conseil général du Doubs n'a pas fait une inexacte application des dispositions législatives et réglementaires précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler les deux décisions des 15 décembre 1987 et 11 juillet 1988, le tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur la circonstance que l'administration aurait retenu à l'encontre de M. et Mme F. des positions adoptées par les Témoins de Jehovah sur des questions médicales sans rechercher quelle était la position personnelle des intéressés ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litigie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme F. devant le tribunal administratif de Besançon ;
Considérant que la décision du 15 décembre 1987 est suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant que M. et Mme F. ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées qui, comme il a été dit ci-dessus, sont fondées sur l'insuffisance des garanties offertes en ce qui concerne l'accueil d'un enfant, et non sur l'appartenance des intéressés à une confession, auraient méconnu les dispositions de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en vertu desquelles : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses" ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département du Doubs est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé les deux décisions en date des 15 décembre 1987 et 11 juillet 1988 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 17 juillet 1989 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme F. devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département du Doubs, à M. et Mme F. et au ministre des affaires sociales et de l'intégration.


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