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Ariane Web: Conseil d'État 328338, lecture du 20 mai 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:328338.20110520

Décision n° 328338
20 mai 2011
Conseil d'État

N° 328338
ECLI:FR:CESSR:2011:328338.20110520
Mentionné au tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Philippe Martin, président
M. Richard Senghor, rapporteur
M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du vendredi 20 mai 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu, 1° sous le n° 328338, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai et 26 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DU LAVANDOU, représentée par son maire ; la COMMUNE DU LAVANDOU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0505431 du 3 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé, à la demande de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou, la décision du 27 juillet 2005 par laquelle le maire du Lavandou ne s'est pas opposé aux travaux ayant fait l'objet de la déclaration déposée par M. Robert B le 23 mars 2005 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou devant ce tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu, 2° sous le n°328642, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin et 8 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Robert A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n°0505431 du 3 avril 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé, à la demande de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou, la décision du 27 juillet 2005 par laquelle le maire du Lavandou ne s'est pas opposé aux travaux ayant fait l'objet de la déclaration qu'il a déposée le 23 mars 2005 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou devant ce tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou le versement de la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution,

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu l'ordonnance sur la marine d'août 1681 ;

Vu le décret n° 2008-819 du 21 août 2008 ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin avocat de la COMMUNE DU LAVANDOU, de Maître Balat, avocat de M. A, et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin avocat de la COMMUNE DU LAVANDOU, à Maître Balat, avocat de M. A et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou ;


Considérant que les pourvois de la COMMUNE DU LAVANDOU et de M. A sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé, à la demande de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou, la décision de non-opposition à déclaration de travaux prise le 27 juillet 2005 par le maire du Lavandou au bénéfice de M. A en vue de la réfection d'un garage à bateaux, au motif que, la construction litigieuse étant située en partie au moins sur le domaine public maritime, de tels travaux requéraient une autorisation spéciale en l'absence de laquelle le maire du Lavandou était tenu de s'opposer aux travaux faisant l'objet de la déclaration ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article R. 312-2 du code de justice administrative : Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation. ; que la demande de l'association, initialement enregistrée au tribunal administratif de Nice, a été transmise au tribunal administratif de Toulon par le président du tribunal administratif de Nice, en application de l'article 6 du décret du 21 août 2008 portant création du tribunal administratif de Toulon ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 312-2 du code de justice administrative que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Toulon n'était pas le tribunal territorialement compétent pour connaître du litige ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-1, R. 731-2, R. 731-3, R. 732-1 et R. 732-2 (...) ; que si l'avis d'audience, qui a été communiqué à M. A conformément à ces dispositions, ne mentionnait pas qu'il serait fait usage de la faculté d'expérimentation ouverte par l'article 2 du décret du 7 janvier 2009, consistant à inverser à l'audience l'ordre de la parole entre les parties et le rapporteur public, cette circonstance est dépourvue d'incidence sur la régularité du jugement attaqué, l'avis d'audience devant uniquement reproduire les dispositions énumérées à l'article R. 711-2 du code ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué n'a pas dénaturé les écritures de M. A ni méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative en vertu desquelles les décisions doivent contenir l'analyse des conclusions et mémoires ;

Considérant, enfin, que contrairement à ce qui est indiqué, le jugement attaqué n'avait pas à se prononcer sur l'accomplissement des formalités prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'aucune irrecevabilité n'avait été soulevée en défense sur ce point et qu'il ressortait des pièces du dossier soumises au tribunal administratif que l'association auteur de la demande de première instance avait procédé à la notification de son recours dans les conditions prévues par ces dispositions ; que le moyen tiré de ce que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'insuffisance de motivation ne peut dès lors qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que pour estimer que le garage à bateau de M. A sur lequel portaient les travaux projetés était, au moins partiellement, situé sur le domaine public maritime, le tribunal administratif s'est fondé sur le fait qu'il ressortait des pièces du dossier, et en particulier des documents photographiques produits par M. A, que l'une des parois du garage est constituée du mur de clôture de la propriété implanté en bordure immédiate du rivage de la mer, et que des posidonies déposées par les flots sont visibles à l'intérieur du garage lui-même dont la porte a été détruite ; que les premiers juges ont estimé que dès lors qu'il n'était ni établi, ni même allégué que ces photographies auraient été prises à la suite d'évènements météorologiques présentant un caractère exceptionnel, il y avait lieu de considérer que ce garage a pour assiette un terrain qui, ordinairement atteint par le plus haut flot de l'année, est situé, en partie au moins, sur le domaine public maritime ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du titre VII du livre IV de l'ordonnance sur la marine d'août 1681, dont la substance a été reprise par la suite à l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : Sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes, et jusqu'où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves ;

Considérant qu'ainsi que le rappelle le jugement attaqué, les limites du domaine public maritime correspondent au point où les plus hautes mers peuvent s'étendre dans des conditions météorologiques non exceptionnelles ; que le jugement attaqué a pu, sans erreur de droit, apprécier les limites du domaine public maritime à partir du constat de la proximité immédiate du rivage de la mer et de la présence d'un important dépôt de plantes aquatiques ; que le jugement a estimé, au prix d'une appréciation souveraine qui est exempte de toute dénaturation, qu'il ressortait des pièces du dossier, et notamment des documents photographiques produits par M. A que le terrain d'assiette du garage est ordinairement atteint par le plus haut flot de l'année et est, par suite, situé pour partie sur le domaine public maritime; que contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges n'ont pas méconnu les règles de charge de la preuve en concluant à l'incorporation partielle du terrain au domaine public maritime, alors même que la commune du Lavandou et M. B, qui n'ont pas soutenu que ces photographies correspondaient à des conditions météorologiques exceptionnelles, contestaient que la construction litigieuse empiétait sur le domaine public maritime ;

Considérant, en second lieu, que l'absence de délimitation du domaine public maritime ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal administratif de Toulon décidât, comme il l'a fait, à l'occasion d'un recours contre une décision de non-opposition à des travaux, que le terrain d'assiette du garage en cause était pour partie situé sur le domaine public maritime ; que ce faisant, le tribunal administratif n'a ni porté atteinte au droit de propriété de M. A ni méconnu les garanties que celui-ci tient de la Constitution et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ; que doivent, par voie de conséquence, être rejetées leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions de l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou et de mettre à la charge respectivement de la COMMUNE DU LAVANDOU et de M. A la somme de 2 000 euros ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la COMMUNE DU LAVANDOU et de M. A sont rejetées.

Article 2 : La COMMUNE DU LAVANDOU et M. A verseront chacun à l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou la somme de 2 000 euros.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DU LAVANDOU, à M. Robert A et à l'association de défense de l'environnement de Bormes et du Lavandou.


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