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Ariane Web: Conseil d'État 338033, lecture du 4 juillet 2011, ECLI:FR:CEASS:2011:338033.20110704

Décision n° 338033
4 juillet 2011
Conseil d'État

N° 338033
ECLI:FR:CEASS:2011:338033.20110704
Publié au recueil Lebon
Assemblée
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur
M. Edouard Geffray, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du lundi 4 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu 1°), sous le n° 338033, la protestation, enregistrée le 29 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X...K..., demeurant..., ; Mme K...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 14 et 21 mars 2010 dans la région d'Ile-de-France en vue de l'élection des membres du conseil régional ;

2°) d'ordonner une enquête aux fins d'établir les conditions de réalisation, en février et mars 2010, de trois sondages par l'institut TNS Sofres ;

3°) d'ordonner une enquête sur la date et les modalités de règlement des imprimés de propagande de la " Liste chrétienne " ;


Vu 2°), sous le n° 338199, la protestation, enregistrée le 31 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. C...B..., demeurant..., ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées les 14 et 21 mars 2010 dans la région d'Ile-de-France en vue de l'élection des membres du conseil régional ;

2°) de rejeter le compte de campagne de M. I..., de déclarer ce dernier inéligible pour une durée d'un an et d'annuler son élection en qualité de conseiller régional ;





....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Vu la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 ;

Vu la loi n° 96-300 du 10 avril 1996 ;

Vu la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 ;

Vu la décision du 28 janvier 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. I...;

Vu la décision n° 2011-117 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. I... ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique ;

- le rapport de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.I...,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M.I... ;



Considérant que les protestations n°s 338033 et 338199 sont dirigées contre les opérations électorales qui ont eu lieu les 14 et 21 mars 2010 pour le renouvellement du conseil régional d'Ile-de-France ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions de la protestation n° 338033 :

Considérant, en premier lieu, que Mme K... soutient que les intentions de vote attribuées à sa liste par trois sondages réalisés par l'institut TNS Sofres en février et mars 2010 ont été minorées, afin de porter préjudice à sa campagne ; que, toutefois, il ne résulte de l'instruction ni que ces enquêtes d'opinion auraient été effectuées selon des méthodes différentes de celles qui sont habituellement pratiquées par les instituts de sondages spécialisés, ni que leur diffusion aurait été opérée en méconnaissance des prescriptions de la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion ; que Mme K..., à qui il était d'ailleurs loisible, si elle entendait contester la validité de ces enquêtes, de saisir la Commission des sondages, n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, la circonstance que ces trois sondages aient attribué à sa liste des intentions de votes inférieures à celles qui lui étaient attribuées par d'autres enquêtes et au nombre des suffrages qu'elle a effectivement obtenus lors du premier tour de scrutin, ne peut être regardée comme constitutive d'une manoeuvre ayant eu pour effet d'empêcher son maintien au second tour ;

Considérant, en deuxième lieu, que s'il résulte de l'instruction que la profession de foi et les affiches de la " Liste chrétienne ", qui était présente au premier tour de scrutin, ne mentionnent pas le nom et l'adresse de l'imprimeur, en méconnaissance des dispositions de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, applicable à la propagande électorale en vertu de l'article L. 48 du code électoral, cette seule circonstance ne saurait avoir altéré la sincérité du scrutin ; que si Mme K... soutient que l'absence de ces mentions pourrait avoir eu pour objet de dissimuler des financements provenant d'autres partis au profit de la " Liste chrétienne ", dont la présence résulterait ainsi d'une manoeuvre visant à empêcher le maintien de sa propre liste au second tour, elle n'apporte aucun élément de nature à étayer cette allégation ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral : " A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, cette interdiction ne s'applique pas à la présentation, par un candidat ou pour son compte, dans le cadre de l'organisation de sa campagne, du bilan de la gestion des mandats qu'il détient ou qu'il a détenus. Les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales contenues au chapitre V bis du présent titre. " ;

Considérant que la publication, dans le numéro de septembre 2009 du magazine du conseil général du Val-de-Marne, de deux tribunes libres du groupe " majorité présidentielle " et du groupe des élus socialistes et républicains ne saurait être regardée comme relevant d'une campagne de promotion publicitaire au sens des dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme K... n'est pas fondée à demander l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 14 et 21 mars 2010 en vue du renouvellement du conseil régional d'Ile-de-France ;

Sur les conclusions de la protestation n° 338199 :

Sur la fin de non recevoir opposée par M. O... :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...est électeur de la région d'Ile-de-France ; qu'il a, par suite, qualité pour contester les élections au conseil régional qui se sont déroulées les 14 et 21 mars 2010 ; qu'ainsi, sa protestation est recevable ;

Sur le grief tiré d'une violation du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la région d'Ile-de-France a conduit, fin septembre 2009, une campagne de communication relative à son action et ses projets dans le domaine des transports et, en novembre 2009, une autre campagne portant sur son engagement dans le domaine de l'emploi et de la formation ; que ces campagnes se sont notamment traduites par l'apposition, dans les stations et gares de métro et de RER de la région, d'affiches de quatre mètres sur trois portant le nom et le logo de la seule région d'Ile-de-France qui, pour les unes, sous le titre " La Région fait grandir vos transports ", mentionnaient " Décembre 2009 Lancement du Francilien, votre nouveau train ", " 2011 Modernisation des RER A et B ", " 2013 5 nouvelles lignes de tramway ", et, pour les autres, sous le titre " La Région se mobilise pour attirer l'emploi ", affirmaient " La Région soutient la formation, la recherche, l'innovation et la création d'entreprise ou la reprise d'entreprise " ; que ces opérations d'affichage, qui ont revêtu un caractère massif et ont été, en outre, complétées par la publication d'encarts dans la presse écrite et sur Internet, ont été réalisées pendant la période mentionnée par les dispositions précitées du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral et ont eu pour effet non de diffuser de simples informations, mais de valoriser, par des messages à caractère promotionnel, l'action du conseil régional ; qu'elles doivent, dès lors, être regardées comme des campagnes de promotion publicitaire au sens du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral, alors même que leur contenu est dépourvu de toute référence aux élections des 14 et 21 mars 2010 ; qu'eu égard à la nature et à l'ampleur de ces opérations, la circonstance qu'elles ont été précédées de campagnes similaires les années antérieures et présentent ainsi un caractère récurrent n'est pas de nature, en l'espèce, à leur retirer le caractère de campagnes de promotion publicitaire prohibées par les dispositions de cet article ;

Considérant que l'irrégularité ainsi commise n'a pas été de nature à altérer la sincérité du premier tour du scrutin, eu égard à l'écart séparant le nombre des voix obtenues par les différentes listes du seuil permettant à une liste de se maintenir au second tour ; qu'en ce qui concerne le second tour de scrutin, auquel ont seules pris part la liste " Changer pour mieux vivre en Ile-de-France ", conduite par Mme T..., qui a obtenu 43,31% des voix, et la liste " I...2010 - La gauche et les écologistes rassemblés pour l'Ile-de-France ", conduite par M. I..., qui a obtenu 56,69 % des voix, il résulte de l'instruction qu'un nombre de sièges égal au quart des deux-cent-neuf sièges de conseillers régionaux à pourvoir arrondi à l'entier supérieur, soit cinquante-trois sièges, a été attribué par application de la prime majoritaire, prévue à l'article L. 338 du code électoral, à la liste conduite par M. I..., dès lors que celle-ci a recueilli le plus grand nombre de suffrages ; que, s'agissant des cent-cinquante-six sièges restant à pourvoir, le nombre des voix exprimées rapporté au quotient électoral obtenu par chaque liste en présence a conduit à attribuer, par répartition à la représentation proportionnelle selon les modalités fixées au même article, soixante-sept sièges à la liste " Changer pour mieux vivre en Ile-de-France " et quatre-vingt-huit sièges à la liste " I...2010 - La gauche et les écologistes rassemblés pour l'Ile-de-France " ; que, pour l'attribution du dernier siège selon la règle de la plus forte moyenne, la moyenne à retenir pour la liste conduite par M. I...s'élève à 19 337 et celle de la liste conduite par Mme T..., à 19 333,81 ; qu'ainsi, il aurait suffi à la liste conduite par Mme T... de recueillir, sur les 3 035 692 suffrages exprimés au second tour, 124 voix supplémentaires au détriment de la liste conduite par M. I...pour bénéficier, aux lieu et place de celle-ci, de l'attribution à la plus forte moyenne du deux-cent-neuvième et dernier siège de conseiller régional restant à pourvoir ; que, dès lors, l'irrégularité analysée ci-dessus a été de nature à altérer la sincérité du scrutin en ce qui concerne l'attribution de ce siège ; que, par suite, l'élection de Mme L... doit être annulée ; qu'en revanche, cette irrégularité n'a pas été de nature à affecter l'attribution des autres sièges, compte tenu de l'écart de voix entre les deux listes en présence ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 360 du code électoral prévoient qu'en cas de vacance d'un siège de conseiller régional, pouvant résulter en certains cas de l'annulation d'une élection par le juge, ce siège est normalement pourvu par la désignation du candidat venant immédiatement après le dernier élu de la liste qui doit disposer de ce siège ; que, lorsque ces dispositions ne peuvent être appliquées, le siège demeure vacant jusqu'au prochain renouvellement du conseil régional ; que, dans le cas de l'espèce, eu égard aux motifs conduisant à l'annulation de l'attribution du deux-cent-neuvième et dernier siège, le juge n'est pas en mesure de proclamer élu à ce siège, à la place de Mme L..., un autre candidat ; qu'il y a donc lieu, pour le juge de l'élection, de constater la vacance de ce siège ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'élection dans son ensemble, mais uniquement de l'attribution à Mme L..., candidate sur la liste conduite par M. I..., du deux-cent-neuvième et dernier siège de conseiller régional qui était à pourvoir ;

Sur le grief tiré d'une violation des articles L. 52-8 et L. 52-12 du code électoral :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. " ; que le premier alinéa de l'article L. 52-11 du même code dispose : " Pour les élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable, il est institué un plafond des dépenses électorales, autres que les dépenses de propagande directement prises en charge par l'Etat, exposées par chaque candidat ou liste de candidats, ou pour leur compte, au cours de la période mentionnée au même article. " ; que l'article L. 52-11-1 de ce code institue un dispositif de remboursement forfaitaire partiel des dépenses électorales par l'Etat et prévoit que ce remboursement n'est pas versé aux candidats dont le compte de campagne est rejeté ; que l'article L. 52-12 de ce code prévoit que " chaque candidat ou candidat tête de liste " soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne " retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 " ; que l'article L. 52-15 du même code détermine les compétences de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en matière de contrôle des comptes de campagne, de détermination du montant du remboursement forfaitaire dû par l'Etat et de fixation de la somme qu'un candidat est tenu de reverser au Trésor public en cas de dépassement du plafond des dépenses électorales ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral dans sa rédaction issue de la loi du 10 avril 1996, le juge de l'élection " peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 341-1 du même code dans sa rédaction issue de la même loi : " Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et les délais prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. " ;

Considérant que, par la décision n° 2011-117 QPC du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions des articles L. 52-11-1, L. 52-12 et L. 52-15 du code électoral conformes à la Constitution ; que le moyen tiré par M. I...de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit donc être écarté ; qu'il en va de même, en tout état de cause, pour les dispositions des articles L. 118-3 et L. 341-1 du code, dans leur rédaction issue de la loi du 10 avril 1996 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses exposées par plusieurs départements et communes de la région d'Ile-de-France dans le cadre d'actions visant à manifester leur opposition aux projets de réforme des collectivités territoriales et de suppression de la taxe professionnelle, qui étaient dépourvues de tout lien avec la polémique électorale régionale, ne sauraient être regardées comme des dons ou des avantages en nature consentis par ces collectivités à la liste conduite par M. I... ;

Considérant, en revanche, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les actions de communication sur le thème des transports et sur celui de l'emploi et de la formation menées par la région d'Ile-de-France à l'automne 2009 ont présenté le caractère de campagnes de promotion publicitaire des réalisations et de la gestion de la région au sens du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment du fait, d'une part, que M. I...était président du conseil régional sortant et, d'autre part, que les thèmes développés par ces opérations de communication étaient en rapport avec sa campagne électorale, sa liste doit être regardée comme ayant tiré bénéfice de ces opérations pour sa campagne ; que ces opérations constituent, par suite, un avantage consenti à la liste de M. I...par une personne morale de droit public en violation des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ;

Considérant que, si les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral interdisent à toute personne morale autre qu'un parti politique de consentir des dons ou des avantages divers à un candidat, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative n'impliquent le rejet du compte de campagne au seul motif que le candidat a bénéficié d'un avantage au sens de ces dispositions ; qu'il y a lieu d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature de l'avantage, de son montant et des conditions dans lesquelles il a été consenti, si le bénéfice de cet avantage doit entraîner le rejet du compte ;

Considérant qu'eu égard à l'importance de l'avantage en cause, qui s'élève à un montant de l'ordre de 1 500 000 euros et représente 45 % du plafond des dépenses électorales, qui était en l'espèce de 3 336 054 euros, l'irrégularité commise ne saurait conduire à la simple réformation du compte de campagne de M.I..., mais justifie, à elle seule, le rejet de ce compte ;

Considérant que l'inéligibilité prévue par les dispositions précitées de l'article L. 118-3 du code électoral constitue une sanction ayant le caractère d'une punition ; qu'il incombe, dès lors, au juge de l'élection, lorsqu'il est saisi de conclusions tendant à ce qu'un candidat dont le compte de campagne est rejeté soit déclaré inéligible et à ce que son élection soit annulée, de faire application, le cas échéant, d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date des faits litigieux et celle à laquelle il statue ;

Considérant que, par la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, le législateur a modifié l'article L. 118-3 du code électoral ; que le troisième alinéa de cet article, dans sa rédaction issue de cette loi, dispose que le juge " prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales " ; que ces dispositions, qui définissent de façon plus restrictive les hypothèses dans lesquelles un candidat encourt la sanction d'inéligibilité, présentent, à la différence des nouvelles dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 118-3, qui prévoient que l'inéligibilité est désormais prononcée pour une durée maximale de trois ans et qu'elle s'applique à toutes les élections, le caractère d'une loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable au présent litige ;

Considérant qu'en dehors des cas de fraude, ces dispositions prévoient que le juge de l'élection ne prononce l'inéligibilité d'un candidat que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ; que, pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré ; qu'en cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l'importance de l'avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. I...doit être regardé comme ayant bénéficié, pour le financement de la campagne électorale de la liste qu'il conduisait, d'un concours financier de la région d'Ile-de-France, pour une somme d'environ 1 500 000 euros représentant 45 % du plafond des dépenses électorales ; qu'il a ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, qui présentent un caractère substantiel, et entaché son compte de campagne, dans des proportions importantes, d'irrégularité ; que, toutefois, M. I...est fondé à soutenir qu'il pouvait raisonnablement ignorer, à la date où ce manquement a été commis, que les campagnes de communication organisées par la région d'Ile-de-France constituaient, alors même que des opérations similaires avaient été menées les années antérieures et que le contenu des messages diffusés était dépourvu de toute référence aux élections des 14 et 21 mars 2010, des campagnes de promotion publicitaire au sens du second alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral et que les dépenses exposées constituaient, dès lors, une participation de la région au financement de la campagne de la liste qu'il conduisait ; que M. I...ne saurait, par suite, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant commis un manquement délibéré aux dispositions de l'article L. 52-8 ; qu'en outre, les campagnes de promotion publicitaire litigieuses ne peuvent être regardées, eu égard notamment à la date à laquelle elles se sont déroulées, comme ayant été de nature à porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le manquement commis par M. I...ne peut être qualifié, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, de manquement d'une particulière gravité, au sens de l'article L. 118-3 du code électoral ; qu'il ne justifie donc pas que M. I...soit déclaré inéligible ni que son élection en qualité de conseiller régional soit annulée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander que M. I...soit déclaré inéligible en qualité de conseiller régional pour une durée d'un an et que son élection en qualité de conseiller régional soit annulée ;

Sur le montant du remboursement dû en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-11-1 du code électoral dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 50 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats qui ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés au premier tour de scrutin, qui ne se sont pas conformés aux prescriptions de l'article L. 52-11, qui n'ont pas déposé leur compte de campagne dans le délai prévu au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 ou dont le compte de campagne est rejeté pour d'autres motifs (...) " ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 118-2 du code électoral dans sa rédaction issue de la même loi : " Sans préjudice de l'article L. 52-15, lorsqu'il constate que la commission instituée par l'article L. 52-14 n'a pas statué à bon droit, le juge de l'élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l'article L. 52-11-1. " ; que ces dispositions sont immédiatement applicables aux litiges en cours ;

Considérant qu'il y a lieu, par suite du rejet du compte de campagne de M. I..., d'arrêter à la somme de zéro euro le montant du remboursement qui lui est dû, en application des dispositions de l'article L. 52-11-1 du code électoral, au titre des élections au conseil régional d'Ile-de-France qui se sont déroulées les 14 et 21 mars 2010 ; qu'en revanche, il n'appartient pas au juge de l'élection d'ordonner à un candidat le remboursement des sommes qu'il aurait perçues à tort, antérieurement à sa décision, en application des mêmes dispositions ; que, dès lors, les conclusions de M. B...tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne à M. I...le remboursement des sommes qui lui auraient déjà été versées, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. O...et M. I...et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme K... les sommes que demandent M. O..., M. I...et Mme T... au même titre, ni de faire droit aux conclusions de M. B...tendant à ce qu'une somme lui soit versée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


D E C I D E :
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Article 1er : L'attribution du deux-cent-neuvième siège du conseil régional d'Ile-de-France à la liste " I...2010 - La gauche et les écologistes rassemblés pour l'Ile-de-France " et l'élection de Mme L... en qualité de conseiller régional d'Ile-de-France sont annulées.

Article 2 : Le montant du remboursement dû par l'Etat à M. I...en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral au titre des élections au conseil régional d'Ile-de-France qui se sont déroulées les 14 et 21 mars 2010 est arrêté à la somme de zéro euro.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la protestation de M. B...et la protestation de Mme K... sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de M. O..., de M. I...et de Mme T... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme X...K..., à M. C... B..., à M. A... M..., à M. U... -C...I..., à M. J... O..., à Mme R... T... et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Copie en sera adressée pour information à M. U... -J...P..., à Mme F...H..., à M. D... G..., à M. U... -Z...W..., à M. Y..., à M. Q... V..., à M. E... N..., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à Mme S...L....


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