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Ariane Web: Conseil d'État 336383, lecture du 30 décembre 2011, ECLI:FR:CESSR:2011:336383.20111230

Décision n° 336383
30 décembre 2011
Conseil d'État

N° 336383
ECLI:FR:CESSR:2011:336383.20111230
Publié au recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
Mme Marie-Françoise Lemaître, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public


Lecture du vendredi 30 décembre 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la requête, enregistrée le 8 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE TERRA 95, dont le siège est au 10 rue de la Victoire à Le Blanc Mesnil (93150) ; la SOCIETE TERRA 95 demande au Conseil d'Etat :


1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération n° CR 117-09 du 27 novembre 2009 par laquelle le conseil régional d'Ile-de-France a adopté le plan régional d'élimination des déchets ménagers et assimilés, ainsi que ce plan ;

2°) de mettre à la charge de la Région d'Ile-de-France le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Françoise Lemaître, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,


- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;




Sur les fins de non-recevoir opposées par le conseil régional d'Ile-de-France :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort du code de commerce que M. A, son président, a qualité pour agir au nom de l'entreprise ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE TERRA 95, dont l'objet social comporte notamment les activités de stockage, de traitement et d'enfouissement de déchets et qui a elle-même déposé une demande d'autorisation d'exploiter un centre d'enfouissement de déchets sur le territoire de la commune d'Epinay Champlâtreux, situé dans le département du Val d'Oise, justifie de ce fait d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation du plan et de la délibération contestés ;

Considérant, en troisième lieu, que la délibération par laquelle l'organe délibérant d'une collectivité territoriale émet un voeu ne constitue pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge de l'excès de pouvoir, à moins qu'il en soit disposé autrement par la loi ; que l'article 3 de la délibération du 27 novembre 2009 par laquelle le conseil régional d'Ile-de-France a émis un avis notamment sur deux projets de création de centres d'enfouissement en Essonne et Val d'Oise, se borne à traduire les voeux, recommandations et avis que l'adoption du plan a suscités de la part de l'assemblée régionale ; que, par suite, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre cet article sont irrecevables ;

Sur la légalité du plan régional d'élimination des déchets ménagers et assimilés et de la délibération qui l'approuve :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 541-14 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : " I.- Chaque département est couvert par un plan départemental ou interdépartemental d'élimination des déchets ménagers et autres déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales. L'Ile-de-France est couverte par un plan régional. (...)/ - II. - Pour atteindre les objectifs visés aux articles L. 541-1 et L. 541-24, le plan : /1° Dresse l'inventaire des types, des quantités et des origines des déchets à éliminer, y compris par valorisation, et des installations existantes appropriées ; /2° Recense les documents d'orientation et les programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets ;/3° Énonce les priorités à retenir compte tenu notamment des évolutions démographiques et économiques prévisibles :/a) Pour la création d'installations nouvelles, et peut indiquer les secteurs géographiques qui paraissent les mieux adaptés à cet effet (...)/ IV - Il prévoit obligatoirement, parmi les priorités qu'il retient, des centres de stockage de déchets ultimes issus du traitement des déchets ménagers et assimilés. V.-Le projet de plan est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité du président du conseil général ou, dans la région d'Ile-de-France, du président du conseil régional. Les collectivités territoriales ou leurs groupements exerçant la compétence d'élimination ou de traitement des déchets et, dans la région d'Ile-de-France, les départements, sont associés à son élaboration. / " VI. - Il est établi en concertation avec une commission consultative composée de représentants des communes ou de leurs groupements, du conseil général, de l'Etat, des organismes publics intéressés, des professionnels concernés, des associations agréées de protection de l'environnement et des associations agréées de consommateurs, ainsi que, dans la région d'Ile de France, du conseil régional et des conseils généraux et des associations agréées de protection de l'environnement " ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du non respect des dispositions du II de l'article R. 541-17 du code de l'environnement, qui sont applicables uniquement à l'élaboration des plans départementaux et interdépartementaux d'élimination des déchets ménagers, ne peut qu'être écarté à l'encontre du plan régional d'élimination des déchets ménagers d'Ile-de-France ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que l'élaboration du projet de plan régional d'élimination des déchets ménagers d'Ile-de-France n'aurait pas été réalisée, comme le prescrit le V de l'article L. 541-13 du code de l'environnement, en concertation avec les départements et groupements de communes n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, enfin, que les omissions alléguées dans les visas de la délibération du 27 novembre 2009 par laquelle le conseil régional d'Ile-de-France a approuvé le plan régional d'élimination des déchets ménagers ne sont pas de nature à en affecter la légalité ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, la région ne s'est pas, en élaborant le plan régional d'élimination des déchets ménagers, abstenue d'exercer sa compétence de planification du traitement des déchets à l'échelon régional ; qu'en particulier si l'objectif de limitation du transport des déchets, fixé par l'article L 541-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable, a conduit le conseil régional à rechercher une meilleure répartition géographique des unités de traitement et de stockage des déchets et à préconiser, en conséquence, un rééquilibrage territorial de la localisation des installations, il n'en résulte pas que la région aurait ce faisant renoncé à avoir une approche régionale du traitement des déchets ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du II de l'article L. 514-14 du code de l'environnement, dans leur rédaction alors applicable, que les plans d'élimination des déchets doivent procéder au recensement des documents d'orientation et des programmes des personnes morales de droit public et de leurs concessionnaires dans le domaine des déchets ; qu'ils doivent également énoncer les priorités à retenir pour la création d'installations nouvelles, et peuvent indiquer les secteurs géographiques les mieux adaptés à cet effet ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un plan peut légalement définir tant des secteurs permettant l'extension ou la création de capacités que des secteurs ne le permettant pas, sans empiéter sur le pouvoir de l'autorité compétente pour délivrer les autorisations d'exploitation d'une installation de stockage des déchets ménagers et assimilés ; qu'en indiquant que pour les installations de stockage de déchets non dangereux, la création de nouvelles capacités d'enfouissement serait appréciée de manière à assurer un rééquilibrage territorial à l'ouest et au sud de l'Ile de France et qu'ainsi, " aucun projet d'extension ou de création de capacités ne devra être prévu dans les départements du Val d'Oise et de Seine-et-Marne " jusqu'en 2019, le plan régional d'élimination des déchets ménagers de la région Ile-de-France qui a entendu exclure l'extension ou la création de capacités dans certains zones, a exercé la compétence qui était la sienne en matière de définition des priorités et d'indication des secteurs géographiques les mieux adaptés pour les nouvelles installations ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du code relatives à l'élimination des déchets ont pour objet de prévenir ou de réduire la production et la nocivité des déchets, notamment en agissant sur la fabrication et sur la distribution des produits, d'organiser le transport des déchets et de le limiter en distance et en volume et de valoriser les déchets par réemploi, recyclage ou toute autre action visant à obtenir à partir des déchets des matériaux réutilisables ou de l'énergie; qu'ainsi que l'indique l'article L. 541-14 du même code, les plans d'élimination des déchets visent à atteindre les objectifs ainsi fixés ; que la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement a rappelé les objectifs généraux de réduction de la production des déchets ménagers, d'accroissement de la valorisation et du recyclage des déchets et de réduction de la quantité de déchets partant en incinération ou en stockage ; qu'en fixant, compte tenu des évolutions démographiques et économiques prévisibles dans la région Ile-de-France, un objectif de réduction de la production de déchets par habitant de 10 % à l'horizon 2019 et en indiquant que, sur la base de cet objectif, les capacités d'enfouissement actuelles étaient suffisantes d'ici 2019, les auteurs du plan régional d'élimination des déchets ménagers d'Ile-de-France n'ont pas entaché leur appréciation d'une erreur manifeste ;

Considérant cependant, en dernier lieu, que la création d'une installation de stockage de déchets obéit aux règles définies par le titre 1er du livre V du code de l'environnement relatif aux installations classées ; que la composition du dossier de demande d'autorisation et les conditions et modalités de délivrance d'une autorisation sont régies par les dispositions légales et réglementaires du code de l'environnement ; qu'en prévoyant, préalablement à la création de nouvelles capacités d'enfouissement dans le cas d'extension de site existant ou de nouvelle implantation de site, la réalisation d'études préalables nouvelles, dont l'une devra en outre être soumise à la commission consultative du plan régional d'élimination des déchets ménagers, les dispositions du plan régional d'élimination des déchets ménagers d'Ile-de-France ont ajouté de nouvelles conditions de procédure à celles prévues pour la délivrance des autorisations d'installations classées et, ce faisant, méconnu les règles de compétence fixées par le code de l'environnement ; qu'il suit de là qu'elles doivent être annulées ainsi que la délibération en tant qu'elles les approuvent ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est fondée à demander l'annulation de la délibération approuvant le plan régional d'élimination des déchets ménagers d'Ile-de-France, et du plan lui-même, qu'en tant qu'ils prévoient une procédure de consultation d'une commission régionale et la production de trois études pour toute demande d'autorisation d'exploitation d'installations de traitement de déchets ménagers et assimilés dans la région ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la région Ile-de-France le versement à la SOCIETE TERRA 95 de la somme de 3000 euros ;


D E C I D E :
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Article 1er : Les dispositions figurant aux pages 83 et 159 du plan régional d'élimination des déchets ménagers et assimilés de la région Ile-de-France ainsi que la délibération qui les approuve sont annulées, en tant qu'elles imposent des conditions de procédure d'études nouvelles pour les demandes d'extension ou de nouvelle autorisation d'exploitation d'installations de traitement des déchets dans la région.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE TERRA 95 est rejeté.

Article 3 : La région Ile-de-France versera à la SOCIETE TERRA 95 la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE TERRA 95 et à la Région Ile-de-France.
Copie pour information en sera donnée à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.


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