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Ariane Web: Conseil d'État 365666, lecture du 29 mai 2013, ECLI:FR:CESSR:2013:365666.20130529

Décision n° 365666
29 mai 2013
Conseil d'État

N° 365666
ECLI:FR:CESSR:2013:365666.20130529
Publié au recueil Lebon
2ème et 7ème sous-sections réunies
M. David Gaudillère, rapporteur


Lecture du mercredi 29 mai 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE




Vu le jugement n° 1001847/4 du 31 janvier 2013, enregistré le 1er février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel le tribunal administratif de Melun, avant de statuer sur la demande de M. B...A...tendant, d'une part, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 10 juin 2009 par laquelle le directeur général de l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé d'enregistrer sa demande d'asile et à l'annulation de la décision de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au directeur général de l'OFPRA d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de statuer sur cette demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, a décidé, par application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) En vertu des dispositions de l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, éclairées par la décision du Conseil d'Etat du 9 mars 2005 n° 274509, le directeur général de l'OFPRA est tenu de refuser d'enregistrer toute demande déposée ou complétée par un ressortissant étranger au-delà du délai de vingt-et-un jours qui lui est imparti. Ces dispositions ainsi interprétées sont-elles compatibles avec les objectifs de l'article 8 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005, dès lors notamment que les dispositions du point i) du paragraphe 4 de l'article 23 de cette directive, auquel il renvoie, ne prévoient, lorsque l'étranger demandeur d'asile a tardé à déposer sa demande sans motif valable, que le recours à une procédure prioritaire ou accélérée '

2°) En cas de réponse négative, le directeur général de l'OFPRA pourrait-il néanmoins, et dans quelles conditions, refuser d'enregistrer une demande déposée ou complétée tardivement '


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Gaudillère, Auditeur,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public ;





REND L'AVIS SUIVANT :


1. L'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " A compter de la remise de l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 742-1, l'étranger demandeur d'asile dispose d'un délai de vingt-et-un jours pour présenter sa demande d'asile complète à l'office. / (...) Lorsque la demande est présentée complète dans les délais, l'office l'enregistre sans délai et en informe par lettre le demandeur (...) ".

2. La directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres prévoit, au paragraphe 1 de son article 8, que, sans préjudice du point i) du paragraphe 4 de son article 23, " (...) les Etats membres veillent à ce que l'examen d'une demande d'asile ne soit pas refusé ni exclu au seul motif que la demande n'a pas été introduite dans les plus brefs délais ".

Les dispositions du point i) du paragraphe 4 de l'article 23 prévoient que les Etats membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II de cette directive, qu'une procédure d'examen est prioritaire ou est accélérée lorsque le demandeur " n'a pas introduit plus tôt sa demande, sans motif valable, alors qu'il avait la possibilité de le faire ".

3. Il résulte des dispositions de l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, dans l'hypothèse où l'étranger présente ou complète sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides après l'expiration du délai de vingt-et-un jours imparti par le premier alinéa de cet article à compter de la remise de l'autorisation provisoire de séjour, le directeur général de l'Office peut refuser d'enregistrer cette demande, sauf dans l'hypothèse où les services préfectoraux ont omis de remettre à l'intéressé, au stade de la demande d'admission au séjour, le document d'information prévu au dernier alinéa de l'article R. 741-2 du même code, cette circonstance étant de nature à faire obstacle au déclenchement du délai de vingt-et-un jours.

Toutefois, les dispositions de l'article R. 723-1 n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce qu'un étranger auquel l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé l'enregistrement de sa demande en raison de sa tardiveté au regard du délai de vingt-et-un jours puisse présenter à nouveau, auprès des services préfectoraux compétents, une demande d'admission au séjour en vue de présenter sa demande d'asile auprès de l'Office.

Saisi de cette demande, le préfet délivre à l'intéressé une nouvelle autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article R. 742-1 du même code ou, s'il estime que le dépassement du délai de vingt-et-un jours révèle le caractère manifestement dilatoire de sa demande d'asile, lui refuse cette autorisation sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 de ce code. Dans le premier cas, sa demande d'asile sera examinée par l'Office selon la procédure de droit commun, sous réserve d'un dépôt non tardif de celle-ci. Dans le second cas, sa demande sera examinée selon la procédure dite prioritaire.

Dans ces conditions, les dispositions de l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs du paragraphe 1 de l'article 8 de la directive 2005/85/CE du 1er décembre 2005.

Elles ne sont pas non plus incompatibles avec les dispositions du point i) du paragraphe 4 de l'article 23 de la même directive, celles-ci n'imposant pas aux Etats membres de prévoir que les demandes d'asile qui, sans motif valable, n'ont pas été présentées plus tôt, font nécessairement l'objet d'une procédure d'examen prioritaire.

Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de répondre par l'affirmative à la première question posée par le tribunal administratif. La deuxième question est, par suite, sans objet.



Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Melun, à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.






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