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Ariane Web: Conseil d'État 424052, lecture du 22 juillet 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:424052.20200722

Décision n° 424052
22 juillet 2020
Conseil d'État

N° 424052
ECLI:FR:CECHR:2020:424052.20200722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Sylvain Humbert, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats


Lecture du mercredi 22 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

1° La société JB3C a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution annuelle sur les ventes de produits alimentaires et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des exercices clos les 31 décembre 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1610532 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA02060 du 12 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société JB3C contre ce jugement.

Sous le n° 424052, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre et 11 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société JB3C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales, de contribution sur les hauts revenus et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement n° 1604720 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus de leur demande.

Par un arrêt n° 17PA01421 du 12 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Sous le n°424062, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre et 11 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au cabinet Briard, avocat de la société JB3C et de M. et Mme B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois de la société JB3C et de M. et Mme B... présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et en 2011 de la société JB3C qui exerce une activité de bar-brasserie, l'administration fiscale a écarté sa comptabilité comme non probante et reconstitué les recettes de la période vérifiée. Elle a mis à sa charge des suppléments d'impôt sur les sociétés, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de contribution annuelle sur les ventes de produits alimentaires au titre des exercices clos en 2010 et 2011 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondante. Les minorations de recettes ont été par ailleurs regardées comme des revenus distribués à M. B..., associé de la société JB3C, imposables en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. M. et Mme B... ont été ainsi assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus au titre des années 2010 et 2011, à raison de ces distributions. Par deux jugements du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société JB3C et de M. et Mme B... tendant à la décharge de ces différents suppléments d'impôts. La société JB3C et M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre les arrêts du 12 juillet 2018 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leurs appels dirigés contre ces deux jugements.

3. Il ressort des énonciations des arrêts attaqués que le service vérificateur a reconstitué les recettes de la société JB3C en déterminant, d'une part, le nombre de couverts servis par jour à partir des factures de blanchisserie de chacun des deux exercices vérifiés et, d'autre part, le prix moyen par repas hors boisson à partir des tarifs de la carte de la brasserie pratiqués en 2010 et 2011. Pour écarter la critique de la société et des époux B... portant sur le prix moyen d'un repas hors boisson retenu par le vérificateur, qu'ils estimaient excessif, ainsi que leurs propositions alternatives de reconstitution des recettes, fondées sur les données d'exploitation de l'exercice clos en 2013 au cours duquel s'était déroulée la vérification, la cour a jugé que les résultats d'un exercice donné ne pouvaient être extrapolés à partir d'un exercice postérieur non vérifié.

4. En statuant ainsi, alors que, en l'absence de données fiables permettant de déterminer les conditions d'exploitation d'exercices vérifiés, il est loisible tant à l'administration fiscale dans le cadre des opérations de reconstitution de chiffre d'affaires qu'au contribuable pour critiquer la reconstitution ainsi opérée, de se référer aux données de l'activité d'exercices antérieurs ou postérieurs, pourvu que les conditions d'exploitation, établies par tout moyen, de ces exercices n'aient pas varié ou qu'elles puissent être ajustées pour tenir compte de leur évolution, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, la société JB3C et M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation des arrêts qu'ils attaquent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des pourvois.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser respectivement à la société JB3C et à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts du 12 juillet 2018 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : Les deux affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société JB3C et une somme de 2 000 euros à M. et Mme B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société JB3C, à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


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