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Ariane Web: Conseil d'État 460898, lecture du 24 juin 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:460898.20220624

Décision n° 460898
24 juin 2022
Conseil d'État

N° 460898
ECLI:FR:CECHR:2022:460898.20220624
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
Mme Ariane Piana-Rogez , rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats


Lecture du vendredi 24 juin 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., la Fédération nationale des entreprises des activités physiques de loisirs (ACTIVE-FNEAPL), l'Association française des espaces de loisirs indoor (SPACE) et le Syndicat des loisirs actifs (SLA) ont demandé au Conseil d'Etat, sous le n° 454752, d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-955 du 19 juillet 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

Par une ordonnance n° 454752 du 30 novembre 2021, le président de la 10ème chambre a donné acte du désistement d'instance de cette requête.

Recours en révision et en rectification d'erreur matérielle :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 27 et 31 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) de réviser ou, subsidiairement, de rectifier pour erreur matérielle et, en tout état de cause, de déclarer nulle et non avenue l'ordonnance du 30 novembre 2021 ;

2°) de poursuivre l'instruction de sa requête n° 454752 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... ;



1. M. B..., avec d'autres requérants, après avoir saisi le Conseil d'Etat, sous le n° 454752, d'une demande à fin d'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2021-955 du 19 juillet 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, a demandé au juge des référés du Conseil d'Etat la suspension de l'exécution de ce même décret sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Ce référé suspension a été rejeté par une ordonnance n° 454754 du 26 juillet 2021 au motif qu'aucun des moyens présentés n'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision. Par l'ordonnance attaquée du 30 novembre 2021, le président de la 10ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat a fait application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative et donné acte du désistement d'instance des requérants au motif que, bien qu'informés, dans la notification de l'ordonnance de référé, qu'il leur appartenait, à peine de désistement d'office, de confirmer expressément, dans le délai d'un mois, le maintien de leur requête au fond, ils n'avaient fait parvenir aucune confirmation du maintien de leur requête au fond dans ce délai.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 834-1 du code de justice administrative : " Le recours en révision contre une décision contradictoire du Conseil d'Etat ne peut être présenté que dans trois cas : / 1° Si elle a été rendue sur pièces fausses ; / 2° Si la partie a été condamnée faute d'avoir produit une pièce décisive qui était retenue par son adversaire ; / 3° Si la décision est intervenue sans qu'aient été observées les dispositions du présent code relatives à la composition de la formation de jugement, à la tenue des audiences, ainsi qu'à la forme et au prononcé de la décision ". Le premier alinéa de l'article R. 833-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsqu'une décision (...) du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ". Le recours en rectification d'erreur matérielle ouvert par cet article présente un caractère subsidiaire par rapport au recours en révision et n'est recevable que si son objet ne peut pas être atteint par l'exercice de ce dernier.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative : " En cas de rejet d'une demande de suspension présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu'un pourvoi en cassation est exercé contre l'ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s'être désisté. / Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l'ordonnance de rejet mentionne qu'à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d'un mois, le requérant est réputé s'être désisté ". Il résulte de ces dispositions que, pour ne pas être réputé s'être désisté de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, le requérant qui a présenté une demande de suspension sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, si cette demande est rejetée au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, confirmer le maintien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance du juge des référés, sous réserve que cette notification l'informe de cette obligation et de ses conséquences et à moins qu'il n'exerce un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du juge des référés. Il doit le faire par un écrit dénué d'ambiguïté. S'il produit, dans le délai d'un mois, un nouveau mémoire au soutien de sa requête à fin d'annulation ou de réformation, ce mémoire vaut confirmation du maintien de cette requête.

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les requérants ont produit le 27 juillet 2021, soit le lendemain de la notification de l'ordonnance rejetant leur demande présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, un mémoire enregistré dans le cadre de leur requête en annulation n° 454752. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la production de ce mémoire valait confirmation du maintien de leur requête à fin d'annulation. Il ne pouvait par suite être fait usage des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative pour donner acte de leur désistement.

5. La circonstance qu'il ait été donné acte du désistement d'un requérant en application des dispositions de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative alors que celui-ci avait confirmé le maintien de sa requête dans le délai imparti n'est pas de nature, même lorsqu'il a été donné acte de ce désistement par une ordonnance prise sur le fondement du 1° de l'article R. 122-12 de ce code, à ouvrir droit à la révision, sur le fondement de l'article R. 834-1 du code de justice administrative, de la décision du Conseil d'Etat donnant acte du désistement. Elle constitue en revanche une erreur matérielle qui ne peut être regardée comme insusceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision et qui est imputable, non aux requérants, mais au juge.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. B... tendant à la rectification pour erreur matérielle de l'ordonnance attaquée sont recevables et que l'ordonnance attaquée doit être déclarée non avenue en tant seulement qu'elle donne acte de son désistement, le requérant n'étant pas recevable à demander la réformation de l'ordonnance attaquée en tant que la requête sur laquelle elle statue émane des autres requérants.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, avant de statuer sur la requête n° 454752, de rouvrir son instruction.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le recours en révision de M. B... est rejeté.

Article 2 : Le recours en rectification matérielle présenté par M. B... est admis.

Article 3 : L'ordonnance du 30 novembre 2021 du président de la 10ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat est déclarée non avenue en tant qu'elle donne acte du désistement d'instance de M. B....

Article 4 : L'instruction de l'affaire est rouverte.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au Premier ministre et à la ministre de la santé et de la prévention.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er juin 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, conseillers d'Etat et Mme Ariane Piana-Rogez, auditrice-rapporteure.

Rendu le 24 juin 2022.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Ariane Piana-Rogez
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber


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