Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 448711, lecture du 5 juillet 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:448711.20220705

Décision n° 448711
5 juillet 2022
Conseil d'État

N° 448711
ECLI:FR:CECHR:2022:448711.20220705
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
Mme Catherine Brouard-Gallet, rapporteur
M. Frédéric Dieu, rapporteur public
SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE, avocats


Lecture du mardi 5 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 15 janvier, 15 avril et 29 octobre 2021 et le 7 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les lignes directrices de gestion ministérielles relatives à la mobilité des personnels du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 13 novembre 2020, en particulier leur annexe 1 fixant les lignes directrices de gestion ministérielles relatives à " la mobilité des personnels enseignants des premier et second degré, d'éducation et des PsyEN " ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;
- la loi n° 2019-1265 du 6 août 2019 ;
- le décret n° 2018-303 du 25 avril 2018 ;
- le décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. B... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a édicté le 13 novembre 2020 les lignes de gestion ministérielles relatives à la mobilité des personnels relevant du ministère chargé de l'éducation nationale. M. B..., enseignant du second degré, en demande l'annulation pour excès de pouvoir en tant qu'elles lui font grief. Eu égard aux moyens qu'il présente, sa requête doit être regardée comme dirigée contre l'annexe 1 de ces lignes directrices relatives à la " mobilité des personnels enseignants des premier et second degrés, d'éducation et des PsyEN ", en tant qu'elle s'applique aux personnels enseignants du second degré.

2. Aux termes de l'article 18 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige issue de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige, depuis lors codifié aux articles L. 413-1 à L. 413-5 du code général de la fonction publique : " L'autorité compétente édicte des lignes directrices de gestion, après avis du comité social d'administration. Les lignes directrices de gestion déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque administration et établissement public, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les lignes directrices de gestion fixent, d'une part, dans chaque administration, les orientations générales en matière de mobilité et, d'autre part, dans chaque administration et établissement public, les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours, sans préjudice du pouvoir d'appréciation de cette autorité en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général. Les lignes directrices de gestion en matière de mobilité respectent les priorités énumérées au II de l'article 60. Ces deux catégories de lignes directrices de gestion sont communiquées aux agents. "

3. Aux termes du I de l'article 2 du décret du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l'évolution des attributions des commissions administratives paritaires : " Les lignes directrices de gestion sont établies par le ministre pour le département ministériel dont il est chargé. / Elles peuvent comporter des orientations qui sont propres à certains services, ensemble de services, missions, ensemble de corps ou types d'emplois. / Tout projet de lignes directrices de gestion relevant du présent I est transmis pour accord au ministre chargé de la fonction publique (direction générale de l'administration et de la fonction publique) avant saisine du comité social ministériel. A défaut de réponse formalisée dans un délai d'un mois à compter de la réception du projet, un accord est réputé avoir été donné ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les lignes directrices de gestion sont établies pour une durée pluriannuelle qui ne peut excéder cinq années. Elles peuvent faire l'objet, en tout ou partie, d'une révision en cours de période selon la même procédure ". Aux termes du premier alinéa de son article 4 : " Le comité social d'administration ministériel est consulté sur les projets de lignes directrices de gestion mentionnées au I de l'article 2 ainsi que sur leur révision ". Aux termes de son article 39 : " I. - Jusqu'au renouvellement général des instances de la fonction publique et par dérogation à l'article 4, les lignes directrices de gestion doivent avoir été soumises pour avis, avant leur adoption ou leur révision, au comité technique ministériel pour celles prévues au I de l'article 2 et, pour celles prévues aux II, III et IV du même article, respectivement au comité technique de réseau, au comité technique de proximité et au comité technique d'établissement public. (...) ".

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet de lignes directrices de gestion ministérielles ayant conduit à celles attaquées par M. B... ait été transmis pour accord au ministre chargé de la fonction publique préalablement à leur édiction. L'inobservation de cette formalité exigée par les dispositions de l'article 2 du décret du 29 novembre 2019, qui a pour effet d'affecter la compétence de leur auteur, constitue une irrégularité de nature à entacher d'illégalité les lignes directrices de gestion ministérielles relatives à la mobilité des personnels du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 13 novembre 2020. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que celles-ci sont entachées d'illégalité pour ce motif.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que l'annexe 1 des lignes directrices de gestion ministérielles relatives à la mobilité des personnels du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 13 novembre 2020 doit être annulée en ce qu'elle concerne les personnels enseignants du second degré.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'annexe 1 des lignes directrices de gestion ministérielles relatives à la mobilité des personnels du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 13 novembre 2020 est annulée en tant qu'elle s'applique aux enseignants du second degré.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au ministre de la transformation et de la fonction publiques.


Délibéré à l'issue de la séance du 15 juin 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; Mme Carine Soulay, Mme Françoise Tomé, Mme Sophie-Justine Lieber, M. Damien Botteghi, Mme Carine Chevrier, conseillers d'Etat et Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 5 juillet 2022.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :
Signé : Mme Catherine Brouard-Gallet

La secrétaire :
Signé : Mme Sylvie Alleil



Voir aussi