Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 462848, lecture du 8 mars 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:462848.20230308

Décision n° 462848
8 mars 2023
Conseil d'État

N° 462848
ECLI:FR:CECHR:2023:462848.20230308
Mentionné aux tables du recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Patrick Pailloux, rapporteur
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY, avocats


Lecture du mercredi 8 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé à son encontre la sanction de révocation et à ce qu'il soit enjoint au ministre de la réintégrer à titre provisoire dans un délai de quinze jours. Par une ordonnance n° 2200403 du 21 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a fait droit à sa demande de suspension.

Par un pourvoi, enregistré le 4 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 2006-1732 du 23 décembre 2006 ;
- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011;
- l'arrêté du 5 octobre 2005 portant délégation de pouvoirs des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports aux recteurs d'académie en matière de recrutement et de gestion de certains personnels stagiaires et titulaires relevant des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;
- l'arrêté du 7 avril 2014 instituant des commissions administratives paritaires compétentes à l'égard des attachés d'administration de l'Etat ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A... B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé, par arrêté du 24 août 2021, la sanction de révocation à l'encontre de Mme B..., attachée d'administration de l'Etat affectée en qualité de gestionnaire adjointe dans un collège, à la suite de l'avis émis en ce sens, le 29 juin 2021, par la commission administration paritaire académique siégeant en formation disciplinaire au rectorat de Créteil. Mme B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cette décision. Par une ordonnance du 21 mars 2022, le juge des référés a fait droit à sa demande. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 23 décembre 2006 : " Il est créé au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche un corps d'attachés d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, régi par les dispositions du décret du 26 septembre 2005 susvisé et par celles du présent décret. Sa gestion est assurée par le ministre chargé de l'éducation nationale ". Aux termes de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984, codifié aux articles L. 261-1 et suivants du code général de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel. / (...) / Ces commissions sont consultées sur les décisions individuelles intéressant les membres du ou des corps qui en relèvent ". En vertu du II de l'article 25 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires, celles-ci se réunissent en conseil de discipline pour l'examen des propositions de sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes de l'échelle des sanctions prévue à l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, codifié à l'article L. 533-1 du code général de la fonction publique. Aux termes de l'article R. 911-87 du code de l'éducation : " Dans les cas visés à l'article 25 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires les délégations de pouvoirs prévues par les articles R. 911-82 à R. 911-89 ou par toute autre disposition réglementaire donnant compétence aux autorités déconcentrées sont subordonnées à la mise en place de la commission administrative paritaire locale compétente auprès de ces autorités. / Pour l'application de ce même article, peuvent être consultées la commission administrative paritaire locale ou à défaut de constitution de cette commission, la commission administrative paritaire nationale ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 7 avril 2014 instituant des commissions administratives paritaires compétentes à l'égard des attachés d'administration de l'Etat : " (...)/ Une commission administrative paritaire académique compétente à l'égard des attachés d'administration de l'Etat est, par ailleurs, créée auprès de chaque recteur d'académie. /Les commissions administratives paritaires académiques reçoivent une compétence propre pour toutes les questions entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article 25 du décret du 28 mai 1982 modifié susvisé pour lesquelles les recteurs ont reçu une délégation de pouvoirs ". Enfin, aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 5 octobre 2005 portant délégation de pouvoirs des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports aux recteurs d'académie en matière de recrutement et de gestion de certains personnels stagiaires et titulaires relevant des ministres chargés de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports : " Les pouvoirs délégués aux recteurs d'académie en matière de recrutement et de gestion des membres du corps interministériel des attachés d'administration de l'Etat mentionnés au 3 de l'article 1er sont les suivants :(...) V.- En matière disciplinaire/ 1°Instruction des dossiers disciplinaires et saisine de la commission administrative paritaire académique siégeant en conseil de discipline./2° Sanctions disciplinaires des premier et deuxième groupes mentionnées à l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée./3° Sanctions disciplinaires mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article 10 du décret du 7 octobre 1994 susvisé ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'elles donnent compétence aux recteurs d'académie, d'une part, pour instruire les dossiers disciplinaires et saisir s'il y a lieu la commission administrative paritaire académique pour l'ensemble des sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux attachés d'administration de l'Etat et, d'autre part, pour prononcer des sanctions des premier et deuxième groupes à l'encontre de ces fonctionnaires, et compétence au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour prononcer à leur encontre une sanction des troisième ou quatrième groupes. Il en résulte également que la commission administrative paritaire académique, lorsqu'elle a été mise en place, est compétente pour rendre un avis préalablement au prononcé de l'une quelconque des sanctions des deuxième, troisième ou quatrième groupes, que la sanction soit prononcée par le recteur d'académie ou par le ministre. Dès lors, en jugeant qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du ministre de l'éducation nationale prononçant la sanction de révocation à l'encontre de Mme B... le moyen tiré de ce qu'elle avait été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire académique, et non de la commission administrative paritaire nationale, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a entaché son ordonnance d'erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à en demander l'annulation.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension présentée par Mme B... en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Pour demander la suspension de l'arrêté litigieux, Mme B... soutient que son signataire n'avait pas compétence pour le prendre, qu'il est insuffisamment motivé et manque de lisibilité, qu'il est entaché d'erreur de qualification juridique car certains des faits reprochés relèvent de l'insuffisance professionnelle et non de la faute disciplinaire, que les faits ayant donné lieu à la sanction ne sont pas matériellement établis, que la présidente du conseil de discipline a clos les débats par sa propre prise de parole, que des témoignages non versés au dossier disciplinaire mis à sa disposition ont été employés dans la procédure disciplinaire et que la sanction prononcée est disproportionnée. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'urgence, que Mme B... n'est pas fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 août 2021 prononçant à son encontre la sanction de révocation.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 21 mars 2022 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et à Mme A... B....


Délibéré à l'issue de la séance du 10 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Patrick Pailloux, conseiller d'Etat-rapporteur ;

Rendu le 8 mars 2023.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Patrick Pailloux
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin


Voir aussi