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Ariane Web: Conseil d'État 464619, lecture du 8 mars 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:464619.20230308

Décision n° 464619
8 mars 2023
Conseil d'État

N° 464619
ECLI:FR:CECHR:2023:464619.20230308
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Alexis Goin, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS - FESCHOTTE-DESBOIS - SEBAGH ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du mercredi 8 mars 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un déféré, le préfet de Paris, préfet de la région d'Île-de-France, a demandé au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de trois délibérations du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) n° 2021-12-125, n° 2021-12-126 et n° 2021-12-127 du 16 décembre 2021 relatives aux avenants aux conventions de concession pour le service public de la distribution et la fourniture de l'électricité qui lient le SIPPEREC aux sociétés EDF et Enedis. Par une ordonnance n° 2204574 du 21 mars 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à ce déféré.

Par une ordonnance n° 22PA01549 du 18 mai 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le SIPPEREC contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 et 16 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SIPPEREC demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Enedis la somme de 2 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communications et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Enedis ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le 3e alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : / "Art. L. 2131-6, alinéa 3.-Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois." / Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes d'autres collectivités ou établissements suivent, de même, les règles fixées par les articles L. 2541-22, L. 2561-1, L. 3132-1, L. 4142-1, L. 4411-1, L. 4421-1, L. 4431-1, L. 5211-3, L 5421-2, L. 5711-1 et L. 5721-4 du code général des collectivités territoriales (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris que, par trois délibérations du 16 décembre 2021, le comité syndical du syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (SIPPEREC) a modifié unilatéralement les trois conventions concédant la distribution d'électricité à la société Enedis, respectivement, sur le territoire des communes membres du syndicat SUD ELEG du Val-de-Marne et de l'Essonne, sur le territoire de la commune de Villiers-sur-Marne et sur son territoire dit " historique ". Le préfet de Paris, préfet de la région d'Ile-de-France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris de suspendre l'exécution de ces délibérations, sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative. Le juge des référés du tribunal administratif, par une ordonnance du 21 mars 2022, a fait droit à cette demande de suspension. Par l'ordonnance attaquée du 18 mai 2022, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le SIPPEREC contre cette ordonnance.

3. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique contractante peut unilatéralement apporter des modifications à un tel contrat dans l'intérêt général, son cocontractant étant tenu de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du contrat ainsi modifié tout en ayant droit au maintien de l'équilibre financier du contrat. La personne publique peut ainsi, lorsqu'une clause du contrat est affectée d'une irrégularité tenant au caractère illicite de son contenu et à condition qu'elle soit divisible du reste du contrat, y apporter de manière unilatérale les modifications permettant de remédier à cette irrégularité. Si la clause n'est pas divisible du reste du contrat et que l'irrégularité qui entache le contrat est d'une gravité telle que, s'il était saisi, le juge du contrat pourrait en prononcer l'annulation ou la résiliation, la personne publique peut, sous réserve de l'exigence de loyauté des relations contractuelles, résilier unilatéralement le contrat sans qu'il soit besoin qu'elle saisisse au préalable le juge.

4. En jugeant que la modification unilatérale d'un contrat concédant un service public ne saurait être mise en oeuvre au seul motif de purger le contrat de stipulations illicites, alors que, ainsi qu'il vient d'être dit, la personne publique peut modifier une clause illicite de manière à remédier à son irrégularité si celle-ci est divisible du reste du contrat, pour en déduire qu'il existait un doute sérieux sur la légalité de la délibération dont la suspension lui était demandée, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

5. Le SIPPEREC est, par suite, fondé à demande l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au SIPPEREC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du SIPPEREC qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 18 mai 2022 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros au SIPPEREC au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par la société Enedis au même titre sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication, à la société Enedis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.


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