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Ariane Web: Conseil d'État 447189, lecture du 10 mai 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:447189.20230510

Décision n° 447189
10 mai 2023
Conseil d'État

N° 447189
ECLI:FR:CECHR:2023:447189.20230510
Mentionné aux tables du recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN, avocats


Lecture du mercredi 10 mai 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La SARL Lombricorse a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part l'arrêté du 20 août 2015 par lequel le préfet de Haute-Corse l'a mise en demeure de respecter, pour ses installations de compostage situées sur le territoire de la commune de Lucciana, les prescriptions générales des articles 3.7, 6.1 et 6.2.2 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 en fournissant une étude de faisabilité technique des travaux à effectuer pour maîtriser les odeurs dans le délai d'un mois et en réalisant ces travaux dans le délai de quatre mois, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par cette autorité sur son recours gracieux contre cet arrêté ; d'autre part l'arrêté du 19 octobre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Corse a suspendu l'activité de le fonctionnement desdites installations dans l'attente de la mise en conformité des installations aux dispositions de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011, ainsi que les décisions des 15 janvier 2016, 22 janvier 2016 et 9 février 2016 du préfet portant maintien de la mesure de suspension.

Par un jugement n°s 1501182, 1501183 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les demandes de la SARL Lombricorse.

Par un arrêt n°18MA01484 en date du 2 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SARL Lombricorse contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 3 décembre 2020, le 16 février 2021 et le 8 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la SARL Lombricorse demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement;
- le code de justice administrative.


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SARL Lombricorse ;


Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction devant les juges du fond que, par un premier arrêté en date du 20 août 2015, le préfet de la Haute-Corse a constaté que la SARL Lombricorse, qui exploite depuis 2006 une activité d'élaboration de compost à partir de boues de stations d'épuration, soumise à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, sur le territoire de la commune de Lucciana (Haute-Corse), ne respectait pas les articles 3.7, 6.1 et 6.2.2 de l'annexe I de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011, et l'a mise en demeure de produire une étude de faisabilité technique des travaux à réaliser pour canaliser les odeurs qu'elle émet dans un délai d'un mois et de réaliser ces travaux dans un délai de quatre mois. Par un second arrêté du 19 octobre 2015, constatant que cette étude et ces travaux n'avaient pas été réalisés, le préfet de la Haute-Corse a suspendu l'activité de la SARL Lombricorse. La société a demandé au tribunal administratif de Bastia l'annulation de ces deux arrêtés ainsi que de la décision implicite de rejet rejetant son recours gracieux. Par un arrêt du 2 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société requérante contre le jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 février 2018 rejetant sa demande. La société Lombricorse se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...) II. - S'il n'a pas été déféré à la mise en demeure à l'expiration du délai imparti, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative ordonne la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation de l'utilisation ou la destruction des objets ou dispositifs, la cessation définitive des travaux, opérations, activités ou aménagements et la remise des lieux dans un état ne portant pas préjudice aux intérêts protégés par le présent code. Elle peut faire application du II de l'article L. 171-8 aux fins d'obtenir l'exécution de cette décision. (...). " D'autre part, aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I.-Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. (...) II. - Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article ou aux mesures ordonnées sur le fondement du II de l'article L. 171-7, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes : 1° Obliger la personne mise en demeure à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date déterminée par l'autorité administrative une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser. (...) 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. 3° Suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages, l'utilisation des objets et dispositifs, la réalisation des travaux, des opérations ou des aménagements ou l'exercice des activités jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ; 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 ?, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 euros applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. (...) Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement. (...)".

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 19 juillet 1976, que lorsque l'inspecteur des installations classées a constaté, selon la procédure requise par le code de l'environnement, l'inobservation de conditions légalement imposées à l'exploitant d'une installation classée, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de satisfaire à ces conditions dans un délai déterminé, qui a pour objet, en tenant compte des intérêts qui s'attachent à la fois à la protection de l'environnement et à la continuité de l'exploitation, de permettre à l'exploitant de régulariser sa situation, en vue d'éviter une sanction, et notamment la suspension du fonctionnement de l'installation. Si l'article L.171-8 du code de l'environnement laisse au préfet un choix entre plusieurs catégories de sanctions en cas de non-exécution de son injonction, la mise en demeure qu'il édicte n'emporte pas par elle-même une de ces sanctions. En cas de non-exécution de son injonction, le préfet peut ainsi arrêter une ou plusieurs des mesures que cet article prévoit, au regard de la nature des manquements constatés et de la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l'installation.

4. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen tiré de ce que la mesure de suspension du fonctionnement de l'installation exploitée par la SARL Lombricorse était disproportionnée, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur les mises en garde adressées à la société par les inspecteurs de l'environnement, particulièrement entre 2014 et 2015, s'agissant de l'inobservation des dispositions de l'annexe 1 de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011 relatives aux émissions odorantes, et sur le fait que la mise en demeure adressée à l'exploitant par la préfet le 20 août 2015 n'avait pas été suivie d'effet. Il résulte du point 4 qu'en se fondant ainsi sur le non-respect de la mise en demeure prononcée par le préfet, auquel il appartenait d'assurer la mise en oeuvre des prescriptions applicables à l'exploitation en usant des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, au regard de la nécessité de rétablir le fonctionnement régulier de l'exploitation, la cour administrative n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En second lieu, la cour administrative d'appel de Marseille, a jugé que compte tenu de la méconnaissance, par la société requérante, des articles 3.7, 6.1 et 6.2.2 de l'annexe I de l'arrêté ministériel du 12 juillet 2011, laquelle est à l'origine de nuisances olfactives significatives pour le voisinage portant atteinte à l'environnement et à la santé publique, la mesure de suspension du fonctionnement de l'installation n'était pas disproportionnée. Ce faisant, la cour, qui ne s'est pas mépris sur l'étendue de son contrôle, n'a pas commis d'erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lombricorse n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'elle attaque.

7. Il n'y a pas lieu, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la société Lombricorse, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SARL Lombricorse est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Lombricorse, à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 avril 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseillers d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le l0 mai 2023.

Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse




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