Conseil d'État
N° 468964
ECLI:FR:CECHR:2025:468964.20251203
Publié au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Nicolas Jau, rapporteur
BALAT, avocats
Lecture du mercredi 3 décembre 2025
Vu la procédure suivante :
L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 portant création de la commune nouvelle de Pont-l'Evêque à compter du 1er janvier 2019, d'autre part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juillet 2019 confirmant la création de cette commune nouvelle, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement nos 1900114, 2000102 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 21NT00349 du 16 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'association requérante contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 novembre 2022 et les 17 février et 27 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Pont-l'Evêque la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-565 du 30 mai 1985 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-rabut et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la commune de Pont-l'Evêque ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des délibérations concordantes respectivement adoptées les 5 et 11 septembre 2018, les conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-l'Evêque (Calvados) ont demandé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, la création d'une commune nouvelle, qu'ils ont proposé de dénommer Pont-l'Evêque. Par un arrêté du 17 décembre 2018, le préfet du Calvados a créé la commune nouvelle de Pont-l'Evêque à compter du 1er janvier 2019. L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté, en faisant notamment valoir que le comité technique de la commune de Pont-l'Evêque et celui du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Calvados, compétent pour la commune de Coudray-Rabut, n'avaient pas été consultés préalablement aux délibérations des conseils municipaux. Le préfet du Calvados a alors, par un arrêté du 17 juillet 2019, publié le 22 juillet 2019, pris après un avis favorable du 7 juin 2019 du comité technique de la commune nouvelle de Pont-l'Evêque et à la suite d'une délibération en ce sens du conseil municipal de la commune nouvelle du 11 juin 2019, confirmé la création de la commune nouvelle de Pont-l'Evêque dans les conditions prévues par l'arrêté du 17 décembre 2018. L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a alors demandé l'annulation de ce second arrêté au tribunal administratif de Caen, qui a joint et rejeté ses deux demandes par un jugement du 21 décembre 2020. L'association se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales : " Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës : / 1° (...) à la demande de tous les conseils municipaux (...) ". Le II de l'article L. 2113-6 du même code dispose que " l'arrêté du représentant de l'Etat dans le département prononçant la création de la commune nouvelle détermine le nom de la commune nouvelle, le cas échéant au vu des avis émis par les conseils municipaux, fixe la date de création et en complète, en tant que de besoin, les modalités ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais codifié à l'article L. 253-5 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : / 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; / 2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ; / 3° Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences (...) ".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. La consultation du comité technique dans les conditions prévues à l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, cité au point 3, a pour objet, en associant les personnels à l'organisation et au fonctionnement du service, d'éclairer les organes compétents de la collectivité auprès desquels est institué le comité technique. Un projet de création d'une commune nouvelle en application des dispositions de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, cité au point 2, soulève des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services de chacune des communes concernées. Par suite, il résulte de la combinaison de ces dispositions que la consultation du comité technique compétent doit intervenir avant que le conseil municipal ne prenne parti sur un tel projet, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales ne prévoit pas expressément une telle consultation préalable. Une telle consultation constitue pour les personnels des communes concernées une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que l'arrêté du 17 décembre 2018 créant la commune nouvelle de Pont-l'Evêque a été pris sans que les comités techniques compétents aient été consultés préalablement aux délibérations des 5 et 11 septembre 2018 des conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-l'Evêque demandant cette création, d'autre part, que le préfet du Calvados a confirmé la création de la commune nouvelle par un nouvel arrêté du 17 juillet 2019 pris sur proposition unanime du conseil municipal de la commune nouvelle, regroupant l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des deux anciennes communes, après avis du comité technique nouvellement élu, représentant l'ensemble des agents des deux communes fusionnées. En estimant, dans les circonstances de l'espèce, que la consultation des comités techniques des anciennes communes était impossible et que la consultation du nouveau comité technique avait effectivement assuré au personnel des communes fusionnées la garantie que représente la consultation de ses représentants préalablement à la délibération du conseil municipal demandant la fusion, la cour administrative d'appel a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Dans ces conditions, la cour a pu juger, sans commettre d'erreur de droit, que l'arrêté du 17 juillet 2019 avait régularisé le vice de procédure dont était entaché l'arrêté du 17 décembre 2018. Ayant constaté cette régularisation, la cour n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs en s'abstenant d'annuler cet arrêté, alors même qu'elle avait relevé qu'il avait à l'origine été pris au terme d'une procédure irrégulière, et elle a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté du 17 juillet 2019 ne pouvait donner à la création de la commune nouvelle un effet antérieur à la consultation du nouveau comité technique.
7. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération.
8. D'une part, pour écarter le moyen tiré du défaut d'information des membres du conseil municipal de l'ancienne commune de Coudray-Rabut, auxquels n'étaient applicables que les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, la cour a constaté que ces élus avaient, ainsi qu'ils en ont attesté, reçu préalablement à la délibération du 5 septembre 2018 la dernière version du projet de charte de la commune nouvelle ainsi qu'un tableau portant sur l'évolution de la fiscalité. En jugeant que la communication de ces documents, compte tenu des différentes informations relatives au projet de commune nouvelle, aux modalités de sa gestion et aux différentes catégories de ressources budgétaires qu'ils contenaient, pouvait, conformément aux dispositions de l'article L. 2121-13 précité, être regardée comme permettant à ces élus de se prononcer utilement sur la délibération demandant la création de la commune nouvelle, la cour, qui n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation, a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
9. D'autre part, la cour a relevé que les membres du conseil municipal de l'ancienne commune de Pont-l'Evêque avaient reçu, préalablement à la délibération du 11 septembre 2018, le projet de charte de la commune nouvelle ainsi qu'une note explicative de synthèse mentionnant, sous forme de tableaux, la situation et le nombre d'habitants des deux communes devant se regrouper, l'état de leur patrimoine, les conséquences de la fusion sur les charges de la commune en termes de personnel, d'emprunts et de contrats, l'impact sur la fiscalité et les dotations, et l'évolution envisageable des impôts locaux avec les taux des différentes taxes. C'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation sur ce point, que la cour a estimé que le contenu de cette information était conforme aux exigences résultant de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.
10. En troisième lieu, en retenant que les communes contiguës de Coudray-Rabut et Pont-l'Évêque faisaient partie depuis près de vingt ans du même syndicat intercommunal d'assainissement, étaient déjà soumises au même plan local d'urbanisme intercommunal permettant une régulation de l'utilisation de l'espace, que l'endettement de Pont-l'Evêque n'avait rien d'anormal et que les effets fiscaux de la fusion seraient très progressifs pour les habitants de Coudray-Rabut qui bénéficieraient d'une offre de services élargie, pour en déduire que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant la fusion qui lui était demandée, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
11. Enfin, la régularisation de l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2018 par l'arrêté du 17 juillet 2019 n'est pas intervenue au cours de l'instance d'appel mais au cours de l'instance devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel a retenu que l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut était partie perdante devant elle au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la commune de Pont-l'Evêque qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association requérante une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Pont-l'Evêque au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut est rejeté.
Article 2 : L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut versera la somme de 3 000 euros à la commune de Pont-l'Evêque au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut, au ministre de l'intérieur et à la commune de Pont-l'Evêque.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 novembre 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, conseillers d'Etat et M. Nicolas Jau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 3 décembre 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin
N° 468964
ECLI:FR:CECHR:2025:468964.20251203
Publié au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Nicolas Jau, rapporteur
BALAT, avocats
Lecture du mercredi 3 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 décembre 2018 portant création de la commune nouvelle de Pont-l'Evêque à compter du 1er janvier 2019, d'autre part, d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 17 juillet 2019 confirmant la création de cette commune nouvelle, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux. Par un jugement nos 1900114, 2000102 du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 21NT00349 du 16 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l'association requérante contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 17 novembre 2022 et les 17 février et 27 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Pont-l'Evêque la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-565 du 30 mai 1985 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Jau, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Balat, avocat de l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-rabut et à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la commune de Pont-l'Evêque ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par des délibérations concordantes respectivement adoptées les 5 et 11 septembre 2018, les conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-l'Evêque (Calvados) ont demandé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, la création d'une commune nouvelle, qu'ils ont proposé de dénommer Pont-l'Evêque. Par un arrêté du 17 décembre 2018, le préfet du Calvados a créé la commune nouvelle de Pont-l'Evêque à compter du 1er janvier 2019. L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté, en faisant notamment valoir que le comité technique de la commune de Pont-l'Evêque et celui du centre départemental de gestion de la fonction publique territoriale du Calvados, compétent pour la commune de Coudray-Rabut, n'avaient pas été consultés préalablement aux délibérations des conseils municipaux. Le préfet du Calvados a alors, par un arrêté du 17 juillet 2019, publié le 22 juillet 2019, pris après un avis favorable du 7 juin 2019 du comité technique de la commune nouvelle de Pont-l'Evêque et à la suite d'une délibération en ce sens du conseil municipal de la commune nouvelle du 11 juin 2019, confirmé la création de la commune nouvelle de Pont-l'Evêque dans les conditions prévues par l'arrêté du 17 décembre 2018. L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut a alors demandé l'annulation de ce second arrêté au tribunal administratif de Caen, qui a joint et rejeté ses deux demandes par un jugement du 21 décembre 2020. L'association se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales : " Une commune nouvelle peut être créée en lieu et place de communes contiguës : / 1° (...) à la demande de tous les conseils municipaux (...) ". Le II de l'article L. 2113-6 du même code dispose que " l'arrêté du représentant de l'Etat dans le département prononçant la création de la commune nouvelle détermine le nom de la commune nouvelle, le cas échéant au vu des avis émis par les conseils municipaux, fixe la date de création et en complète, en tant que de besoin, les modalités ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, désormais codifié à l'article L. 253-5 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions relatives : / 1° A l'organisation et au fonctionnement des services ; / 2° Aux évolutions des administrations ayant un impact sur les personnels ; / 3° Aux grandes orientations relatives aux effectifs, emplois et compétences (...) ".
4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
5. La consultation du comité technique dans les conditions prévues à l'article 33 de la loi du 26 janvier 1984, cité au point 3, a pour objet, en associant les personnels à l'organisation et au fonctionnement du service, d'éclairer les organes compétents de la collectivité auprès desquels est institué le comité technique. Un projet de création d'une commune nouvelle en application des dispositions de l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, cité au point 2, soulève des questions relatives à l'organisation et au fonctionnement des services de chacune des communes concernées. Par suite, il résulte de la combinaison de ces dispositions que la consultation du comité technique compétent doit intervenir avant que le conseil municipal ne prenne parti sur un tel projet, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que l'article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales ne prévoit pas expressément une telle consultation préalable. Une telle consultation constitue pour les personnels des communes concernées une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que l'arrêté du 17 décembre 2018 créant la commune nouvelle de Pont-l'Evêque a été pris sans que les comités techniques compétents aient été consultés préalablement aux délibérations des 5 et 11 septembre 2018 des conseils municipaux de Coudray-Rabut et de Pont-l'Evêque demandant cette création, d'autre part, que le préfet du Calvados a confirmé la création de la commune nouvelle par un nouvel arrêté du 17 juillet 2019 pris sur proposition unanime du conseil municipal de la commune nouvelle, regroupant l'ensemble des membres en exercice des conseils municipaux des deux anciennes communes, après avis du comité technique nouvellement élu, représentant l'ensemble des agents des deux communes fusionnées. En estimant, dans les circonstances de l'espèce, que la consultation des comités techniques des anciennes communes était impossible et que la consultation du nouveau comité technique avait effectivement assuré au personnel des communes fusionnées la garantie que représente la consultation de ses représentants préalablement à la délibération du conseil municipal demandant la fusion, la cour administrative d'appel a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. Dans ces conditions, la cour a pu juger, sans commettre d'erreur de droit, que l'arrêté du 17 juillet 2019 avait régularisé le vice de procédure dont était entaché l'arrêté du 17 décembre 2018. Ayant constaté cette régularisation, la cour n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs en s'abstenant d'annuler cet arrêté, alors même qu'elle avait relevé qu'il avait à l'origine été pris au terme d'une procédure irrégulière, et elle a implicitement mais nécessairement écarté le moyen tiré de ce que l'arrêté du 17 juillet 2019 ne pouvait donner à la création de la commune nouvelle un effet antérieur à la consultation du nouveau comité technique.
7. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal ". Aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". En application de ces dispositions, le maire est tenu de communiquer aux membres du conseil municipal les documents nécessaires pour qu'ils puissent se prononcer utilement sur les affaires de la commune soumises à leur délibération.
8. D'une part, pour écarter le moyen tiré du défaut d'information des membres du conseil municipal de l'ancienne commune de Coudray-Rabut, auxquels n'étaient applicables que les dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, la cour a constaté que ces élus avaient, ainsi qu'ils en ont attesté, reçu préalablement à la délibération du 5 septembre 2018 la dernière version du projet de charte de la commune nouvelle ainsi qu'un tableau portant sur l'évolution de la fiscalité. En jugeant que la communication de ces documents, compte tenu des différentes informations relatives au projet de commune nouvelle, aux modalités de sa gestion et aux différentes catégories de ressources budgétaires qu'ils contenaient, pouvait, conformément aux dispositions de l'article L. 2121-13 précité, être regardée comme permettant à ces élus de se prononcer utilement sur la délibération demandant la création de la commune nouvelle, la cour, qui n'a pas entaché son arrêt d'insuffisance de motivation, a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
9. D'autre part, la cour a relevé que les membres du conseil municipal de l'ancienne commune de Pont-l'Evêque avaient reçu, préalablement à la délibération du 11 septembre 2018, le projet de charte de la commune nouvelle ainsi qu'une note explicative de synthèse mentionnant, sous forme de tableaux, la situation et le nombre d'habitants des deux communes devant se regrouper, l'état de leur patrimoine, les conséquences de la fusion sur les charges de la commune en termes de personnel, d'emprunts et de contrats, l'impact sur la fiscalité et les dotations, et l'évolution envisageable des impôts locaux avec les taux des différentes taxes. C'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, et sans entacher son arrêt d'insuffisance de motivation sur ce point, que la cour a estimé que le contenu de cette information était conforme aux exigences résultant de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.
10. En troisième lieu, en retenant que les communes contiguës de Coudray-Rabut et Pont-l'Évêque faisaient partie depuis près de vingt ans du même syndicat intercommunal d'assainissement, étaient déjà soumises au même plan local d'urbanisme intercommunal permettant une régulation de l'utilisation de l'espace, que l'endettement de Pont-l'Evêque n'avait rien d'anormal et que les effets fiscaux de la fusion seraient très progressifs pour les habitants de Coudray-Rabut qui bénéficieraient d'une offre de services élargie, pour en déduire que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prononçant la fusion qui lui était demandée, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
11. Enfin, la régularisation de l'arrêté préfectoral du 17 décembre 2018 par l'arrêté du 17 juillet 2019 n'est pas intervenue au cours de l'instance d'appel mais au cours de l'instance devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel a retenu que l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut était partie perdante devant elle au sens des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la commune de Pont-l'Evêque qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association requérante une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Pont-l'Evêque au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut est rejeté.
Article 2 : L'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut versera la somme de 3 000 euros à la commune de Pont-l'Evêque au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association pour la sauvegarde de l'identité de la commune de Coudray-Rabut, au ministre de l'intérieur et à la commune de Pont-l'Evêque.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 novembre 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Jonathan Bosredon, Mme Catherine Fischer-Hirtz, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, conseillers d'Etat et M. Nicolas Jau, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 3 décembre 2025.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Nicolas Jau
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin