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Ariane Web: Conseil d'État 500363, lecture du 10 décembre 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:500363.20251210

Décision n° 500363
10 décembre 2025
Conseil d'État

N° 500363
ECLI:FR:CECHR:2025:500363.20251210
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Hervé Cassara, rapporteur
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du mercredi 10 décembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société Vert Marine a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 175 187,37 euros émis par la commune de Boulogne-Billancourt à son encontre le 4 septembre 2020 pour le recouvrement de " produits constatés d'avance " correspondant à des prestations non encore réalisées à l'échéance du contrat de délégation de service public conclu le 25 janvier 2013 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer correspondante. Par un jugement n° 2010978 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de la société Vert Marine.

Par un arrêt n° 22VE02735 du 7 novembre 2024, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune de Boulogne-Billancourt, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la société Vert Marine.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier et 7 avril 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Vert Marine demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Boulogne-Billancourt ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Vert Marine et à la SCP Bauer-Violas - Feschotte-Desbois - Sebagh, avocat de la commune de Boulogne-Billancourt ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un contrat de délégation de service public du 25 janvier 2013, la commune de Boulogne-Billancourt a confié la gestion et l'entretien de son complexe piscine-patinoire à la société Vert Marine pour la période du 1er mars 2013 au 31 décembre 2018, prorogée par avenant jusqu'au 30 juin 2019. Estimant que la société Vert Marine avait irrégulièrement conservé la somme de 175 187,37 euros constitutive de " produits constatés d'avance ", correspondant à des prestations payées par les usagers mais non encore réalisées à la date d'achèvement du contrat, en particulier des abonnements, le maire de Boulogne-Billancourt a émis à son encontre, le 4 septembre 2020, un titre exécutoire destiné à recouvrer la somme en cause. A la demande de la société Vert Marine, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par jugement du 6 octobre 2022, annulé ce titre exécutoire et l'a déchargée de l'obligation de payer la somme de 175 187,37 euros. Par un arrêt du 7 novembre 2024, contre lequel la société Vert Marine se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la commune de Boulogne-Billancourt, annulé ce jugement et rejeté la demande de la société Vert Marine.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 49 du contrat de délégation de service public du 25 janvier 2013 en litige : " L'autorité délégante et le délégataire conviennent que les différends qui résultent de l'interprétation ou de l'application de la présente convention ou de ses annexes font l'objet d'une tentative de conciliation entre les parties. A défaut d'accord sur la conciliation dans un délai de trois mois à compter de la constatation du litige, la partie la plus diligente peut soumettre le litige à la juridiction administrative compétente (...) ".

3. En jugeant qu'en l'absence de toute précision dans le contrat sur les formes et modalités que devait prendre la tentative de conciliation préalable entre les parties, les nombreux échanges de courriers ayant eu lieu entre la commune de Boulogne-Billancourt et la société Vert Marine pendant plus d'un an au sujet du reversement des produits constatés d'avance devaient s'analyser comme une tentative de conciliation préalable au sens des stipulations citées au point précédent, qu'elle n'a pas dénaturées, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 25 du même contrat : " (...) Le délégataire supporte l'ensemble des charges d'exploitation de la piscine et de la patinoire. En contrepartie, il est autorisé à percevoir pour son propre compte : les recettes auprès des usagers ; toutes les recettes annexes ; (...) ". L'article 30 de ce contrat précise au demeurant que : " A l'entrée en vigueur du présent contrat, le délégataire supporte les charges et bénéficie des produits ayant leur origine dans l'exploitation qui lui a été déléguée à compter du 1er mars 2013. / L'ancien délégataire arrête les comptes de la délégation arrivée à échéance. Les charges engagées à compter du 1er mars de l'exercice 2013 et les produits constatés d'avance dans les comptes du contrat de délégation arrivant à échéance le 28 février 2012, sont reversés, avec production des justificatifs nécessaires, par l'ancien délégataire à l'autorité délégante qui le[s] reverse au nouveau délégataire ". L'article 48 prévoit enfin le sort des biens à échéance de la convention ou en cas de résiliation.

5. En l'absence de stipulation expresse contraire, les produits constatés d'avance, que l'article 944-48, et, depuis le 1er janvier 2025, l'article 1214-48, du plan comptable général établi par l'Autorité des normes comptables définissent comme " les produits perçus ou comptabilisés avant que les prestations ou les fournitures les justifiant aient été effectuées ou fournies ", doivent être reversés par le délégataire à l'autorité délégante à l'expiration de la convention de délégation de service public.

6. Il s'ensuit qu'en jugeant que, dans le silence du contrat sur le sort des produits constatés d'avance à l'échéance de la convention, il résultait de son économie que la commune intention des parties impliquait leur transfert à l'autorité délégante au terme du contrat afin que la commune puisse, en l'absence de reprise en régie du service, reverser ces sommes au futur délégataire, la cour administrative d'appel de Versailles, qui n'a pas dénaturé les stipulations de ce contrat, n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En dernier lieu, en relevant, d'une part, qu'il résultait des stipulations de l'article 30 de la convention en litige, citées au point 4, que la société Vert Marine devait bénéficier en début d'exploitation des produits constatés d'avance à l'échéance de la précédente convention de délégation de service public, et, d'autre part, que la circonstance alléguée par la société Vert Marine qu'elle n'aurait pas bénéficié de ce versement n'était pas de nature à faire obstacle à ce que la commune émette un titre exécutoire en vue de recouvrer les produits constatés d'avance à l'échéance de ce contrat, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vert Marine n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Vert Marine la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Boulogne-Billancourt au titre des mêmes dispositions.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Vert Marine est rejeté.
Article 2 : La société Vert Marine versera à la commune de Boulogne-Billancourt une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Vert Marine et à la commune de Boulogne-Billancourt.


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