Lettre de la justice administrative n°62
LJA N°62 : Hiver 2020
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À la Une
Éditorial
« Les semaines passées auront été, pour la juridiction administrative, à l’image de l’année exceptionnelle qui s’achève : intenses et riches. », par Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d'État

Dans les tribunaux, les cours et au Conseil d’État, l’activité contentieuse est restée soutenue en dépit du renforcement des restrictions sanitaires décidées par le gouvernement à la fin du mois d’octobre. Ces restrictions ont entraîné une nouvelle vague de contentieux lié au Covid-19, qui a conduit le juge des référés à passer nombre d’entre elles au crible du contrôle de proportionnalité. S’il a refusé de suspendre la fermeture des librairies, des bars et restaurants ou encore des remontées mécaniques dans les stations de ski, le juge du référé-liberté a, à l’inverse, estimé que la jauge fixée dans les lieux de culte sans considération de leur superficie n’était pas justifiée, comme l’ont fait au même moment la Cour suprême américaine et le Conseil d’État belge. Le 27 novembre, il a également considéré que les dispositions de l’ordonnance du 19 novembre 2020 ouvrant la possibilité de recourir à la visio-conférence à l’audience devant les juridictions criminelles portaient une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et à un procès équitable.
Hors du « contentieux covid », le Conseil d’État a rendu d’importantes décisions : plusieurs dispositifs de la réforme de l’assurance chômage inscrits dans le décret du 26 juillet 2019 ont par exemple été annulés. Surtout, l’affaire Grande-Synthe a signé l’arrivée du contentieux climatique à la section du contentieux. Le Conseil d’État a jugé à cette occasion que les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre figurant dans l’accord de Paris engageaient l’État, et posé les bases d’un « contrôle de la trajectoire » dont il précisera les modalités après la mise en œuvre du supplément d’instruction qu’il a ordonné. Cette mesure avant-dire droit témoigne de l’importance croissante que le juge administratif accorde au contradictoire pour trancher les questions les plus complexes et rendre des décisions toujours mieux adaptées à la réalité qui les sous-tend. C’est le sens de l’expérimentation des séances d’instruction orales, en présence des parties, qui sera lancée à la section du contentieux au début de l’année 2021.
Après l’assassinat de Samuel Paty et les attentats qui ont une nouvelle fois endeuillé notre pays, la question de la laïcité est revenue sur le devant de la scène. Le Conseil d’État, dont on sait le rôle essentiel qu’il a toujours joué, à travers ses trois fonctions, dans la régulation de ce principe, s’est à nouveau retrouvé sollicité pour en affiner les contours. Deux ordonnances du juge des référés ont validé la dissolution de l’association Barakacity et la fermeture provisoire de la mosquée de Pantin en tenant compte, notamment, des propos provoquant à la haine, à la violence, à la discrimination et à la commission d’actes terroristes tenus ou encouragés par certains de leurs responsables, ainsi que de leurs liens, le cas échéant, avec des organisations terroristes étrangères. Une décision du 11 décembre, guidée par le souci d’équilibre et d’apaisement qui inspire la jurisprudence, a précisé qu’il n’existe aucun droit à se voir servir des menus de substitution dans les cantines scolaires, mais que les collectivités territoriales concernées restent libres d’en proposer à leur guise. Lors d’une longue et riche séance, l’assemblée générale du Conseil d’État a quant à elle examiné de manière très approfondie le projet de loi confortant le respect des principes républicains, en veillant au respect de la hiérarchie des normes comme des droits et libertés fondamentaux, et en cherchant à préserver l’équilibre de la loi de 1905. Car notre laïcité, résolument libérale, est un équilibre tout à la fois fragile, mouvant et structurant pour l’État de droit, auquel nous devons accorder la plus grande attention.
La justice administrative en actes
Contentieux
Environnement
Saisi par une commune littorale particulièrement exposée aux effets du changement climatique, le Conseil d’État juge que le Gouvernement doit justifier sous trois mois que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 pourra être respectée.
Fiscalité
Le mécanisme de la garantie contre les changements de doctrine ne fait pas obstacle à la sanction, sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, d'un abus de droit procédant d'un montage artificiel.
Autorités administratives indépendantes
Lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) se prononce sur la compatibilité d’un projet d’activité privée lucrative avec les fonctions précédemment exercées par un fonctionnaire, elle examine si ce projet présente des risques pénal et déontologique. Cet avis peut être contesté devant le Conseil d’État.
Santé publique
La responsabilité de l’État en matière de police sanitaire des dispositifs médicaux est soumise à un régime de faute simple. L’évaluation de la conformité d’un dispositif médical avec les exigences essentielles concernant la sécurité et la santé relève de la compétence de l’« organisme notifié » choisi par le fabricant du dispositif. En revanche, il appartient aux autorités compétentes de chaque État membre de mettre en œuvre un dispositif de matériovigilance et de prendre toute mesure provisoire nécessaire à la protection de la santé ou de la sécurité.
Travail et emploi
Le juge des référés du Conseil d’Etat suspend les nouveaux critères de vulnérabilité à la covid-19 permettant aux salariés de bénéficier du chômage partiel, fixé par un décret du 29 août 2020. Le juge estime que le choix des pathologies qui ont été conservées comme éligibles par rapport au décret de mai dernier n’est pas cohérent ni suffisamment justifié par le Gouvernement.
Enseignement privé / délivrance de diplôme
La cour administrative d’appel de Bordeaux estime que le juge administratif est compétent pour juger les recours contre les refus de délivrance du diplôme de fin d’études d’ostéopathe d’un établissement privé agréé par le ministre de la santé.
Exploitation d’élevage
Le tribunal administratif de Besançon annule l’autorisation d’exploitation d’un élevage de visons sur le territoire de la commune de Montarlot-lès-Rioz en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact qui a été de nature à nuire à l’information complète de la population lors de l’enquête publique et à exercer une influence sur la décision de l’autorité préfectorale mais aussi, de l’insuffisance des prescriptions de l’autorisation d’exploitation pour prévenir les dangers et inconvénients du projet.
Scolarisation des enfants étrangers
Par une série de 20 ordonnances rendues le vendredi 30 octobre, deux juges des référés du tribunal administratif de la Guyane ont enjoint au recteur de l’académie de Guyane d’évaluer le niveau scolaire de 13 enfants étrangers dans un délai de 7 jours et de les scolariser dans un délai de 21 jours.
Evènements estivaux
Le tribunal administratif de Montpellier rejette la demande d’une association d’annuler la participation de la ville de Montpellier aux fêtes de Saint-Roch. Il estime que si celles-ci sont un évènement cultuel, elles s’accompagnent de plusieurs manifestations qui n’en ont pas le caractère et contribuent au développement d’un tourisme spirituel, historique et culturel qui entraîne des retombées économiques pour la ville de Montpellier.
Domaine public
Le tribunal administratif de Nice ordonne la démolition d’un ensemble d’ouvrages et d’installations réalisés sur le domaine public maritime à Saint Jean Cap Ferrat d’une superficie de 1 937 m² pour la partie terrestre et un plan d’eau délimité par le port abri de 3 120 m². Il condamne également la société propriétaire à une amende de 1 500 euros.
Méthode d’évaluation du niveau de violence
Le niveau de violence généré par un conflit armé doit être évalué en prenant en compte des critères quantitatifs et qualitatifs appréciés au vu de sources géopolitiques pertinentes et actuelles. Le choix de ces sources doit se conformer aux exigences des directives européennes et tenir compte des recommandations du Bureau européen d’appui en matière d’asile. Appliquée ici au contexte de l’Afghanistan, cette démarche est transposable à l’analyse de tous les conflits armés.
Mutilations sexuelles féminines
Les mutilations sexuelles féminines (MSF) représentent objectivement une norme sociale en Somalie et les enfants et adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social. La Cour nationale du droit d’asile a, notamment, pris en compte l’excision de type III (infibulation) subie par la mère de la requérante, attestée par un certificat médical, et l’attachement des familles maternelles et paternelles de l’intéressée à cette pratique, pour constater l’existence d’un risque réel.
Avis

Respect des principes de la République, avis du 9 décembre 2020
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République. Ce projet vise à apporter une réponse à des phénomènes de repli communautaire, de prosélytisme et d’affirmations identitaires et fondamentalistes, indifférents ou hostiles aux principes qui fondent la République et aux valeurs qui les inspirent.

Délais d’organisation des élections, avis du 18 novembre 2020
Le Conseil d’État a rendu un avis sur un projet de loi organique relatif aux délais d’organisation des élections législatives et sénatoriales et un projet de loi relatif aux délais d’organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales. Ces projets permettent d'étendre l'organisation de ces élections et d’adapter ponctuellement les règles électorales au contexte sanitaire.

Usage par les autorités de caméras aéroportées
Le Conseil d’État a rendu un avis sur uquestion du Gouvernement relative à l’usage de dispositifs aéroportés de captation d’images (avions, hélicoptères, drones) par les autorités publiques. Il a ainsi relevé le besoin d’un fondement juridique permettant explicitement l’usage de ces dispositifs ainsi que l’exploitation des images captées par les autorités publiques.
Études & colloques
Simplifier le contentieux des étrangers, dans l’intérêt de tous - Octobre 2020
Après des réformes successives ces vingt dernières années, le droit des étrangers est devenu d’une complexité excessive, avec une multiplicité de règles particulières, de procédure et de délais. Devenu peu lisible ou compréhensible pour l’ensemble des acteurs, il suscite de plus en plus de contentieux devant la justice administrative, allant jusqu’à représenter 40 % de l’activité des tribunaux administratifs et 50 % de l’activité des cours administratives d’appel. À la demande du Premier ministre, le Conseil d’État a formulé 20 propositions pour simplifier le contentieux des étrangers, dans l’intérêt de tous.

Les états d’urgence : quelles leçons de l’histoire ? - Conférence du 9 décembre 2020
Cette deuxième conférence du cycle s’interroge sur les enseignements à tirer des régimes d’exception qui ont jalonné l’histoire, aussi bien pour faire face à des troubles graves pour l’ordre public que pour des menaces majeures pour la santé des populations. Il s’agit notamment d’identifier les facteurs communs dans les mécanismes mis en œuvre par les États en réaction à des menaces graves, en dépit de la diversité des contextes culturels, sociaux et politiques, pour, éventuellement, en déduire des « leçons » transposables aux défis contemporains.

Entretiens du contentieux : De nouvelles frontières pour le juge administratif - Conférence du 18 décembre 2020
Le juge administratif fait face aujourd’hui à de nombreux changements qui bouleversent son activité. D’un côté, les nombreux recours déposés sur des sujets de société comme l’environnement, la santé ou la bioéthique, l’ont amené à arbitrer des débats au cœur de la vie des Français. De l’autre, l’émergence des outils numériques et de l’intelligence artificielle l’amènent à s’interroger sur son office et à fixer de nouvelles frontières à son intervention.
Actes des colloques : La fiscalité internationale à réinventer ? - Colloque organisé le 30 novembre 2018
Depuis une dizaine d’années, la fiscalité internationale retient l’attention croissante des gouvernements, des médias et des organisations non gouvernementales. À la suite de la crise financière de 2007-2008 et des sommets du G20, la lutte contre les « paradis fiscaux » s’élargit à une approche plus globale. Il s’agit de repenser les règles de la fiscalité internationale à l’aune de la mondialisation et de la nouvelle économie du numérique. Le colloque du Conseil d’État aborde la gouvernance de la fiscalité internationale, par ses institutions (ONU, OCDE) et les nouveaux « instruments multilatéraux » qu’elles promeuvent. Il s’interroge sur l’adaptation des standards du droit fiscal international à une économie mondialisée et transformée par le numérique. Il analyse la diversification des règles anti-évasion destinées à enrichir les normes nationales, européennes et internationales. Il relève enfin l’exigence croissante de transparence envers les contribuables, et le renforcement des échanges automatiques de données fiscales entre administrations.
La justice administrative au quotidien
Les dernières parutions
Première plaquette en français facile à lire et à comprendre
Dans le cadre de son plan d’actions en faveur de l’égalité et de la diversité, la juridiction administrative publie sa première plaquette en français « facile à lire à comprendre » (Falc), à destination des personnes déficientes intellectuelles ou qui maitrisent mal le français. Objectif ? Rendre la justice administrative accessible du plus grand nombre.

Les rendez-vous diversité & égalité
Les juridictions administratives mobilisées à l’occasion du DuoDay
Le 19 novembre 2020, les juridictions administratives ont participé au DuoDay, une journée nationale d’accueil de personnes en situation de handicap. Vingt duos professionnels ont été formés entre un personnel de la juridiction administrative et une personne en situation de handicap pour une journée d'échanges et de découverte mutuelle.

Les déplacements en juridictions
Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’État, s’est rendu à la cour administrative d’appel de Douai et au tribunal administratif de Lille pour dresser un bilan de leur activité. L’occasion d’aborder deux des chantiers de la justice administrative : la transition numérique et la médiation.
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Événements
Le Conseil d’État poursuit sa transformation numérique
Depuis dix ans, le Conseil d’État s’est engagé dans une transformation numérique pour proposer à tous les usagers une justice accessible en quelques clics. L’application Télérecours citoyens – qui permet à tous les citoyens de saisir en ligne la justice administrative – fête ses deux ans. L’occasion pour l’institution de faire le point sur ses chantiers numériques, en cours et à venir : Télérecours, portail avocat, open data et intelligence artificielle.

En bref
Les vidéo-audiences seront déployées début 2021 pour les demandes d’asile
Après un an de médiation, les organisations représentant la profession d’avocat et la Cour nationale du droit d’asile ont signé, le 12 novembre 2020, un accord sur les conditions de mise en œuvre de la vidéo-audience pour l’examen des recours des demandeurs d’asile. Ces vidéo-audiences débuteront en 2021 à Lyon et Nancy. L’accord sera suivi et évalué par un comité réunissant les avocats et la juridiction, ainsi que des interprètes, des médecins et des experts des techniques audio-visuelles.
Le Conseil d’État expérimente les échanges oraux avant les audiences
Désormais et durant 18 mois, les affaires contentieuses les plus complexes et sensibles pourront être complétées par un échange oral entre les juges et les parties, en amont de l’audience de jugement. Cette expérimentation s’inspire des référés qui, en particulier durant la crise sanitaire, « ont démontré les avantages de l’échange oral pour saisir au mieux la complexité des situations et rendre la décision la plus juste, la plus pertinente et la plus applicable dans la réalité », selon les mots du vice-président, Bruno Lasserre.

Télérecours et Télérecours citoyens : un décret modifie les règles de présentation des requêtes et mémoires
A partir du 1er janvier 2021, les règles de présentation des requêtes et mémoires sur Télérecours et Télérecours citoyens, deux applications de saisine du juge administratif, évoluent. Parmi ces évolutions, la possibilité de « regrouper dans un même fichier plusieurs pièces jointes si elles constituent une série homogène au regard de l’objet du litige ».

Le portail Télérecours avocats ouvre début janvier pour tous les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation
Nouvelle application de gestion du contentieux pour les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, Télérecours avocats sera opérationnel et généralisé début janvier. En phase de test depuis fin octobre auprès d’un club utilisateurs de 16 cabinets d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, l’application propose une ergonomie optimisée pour le dépôt des requêtes et une génération automatique du bordereau de pièces et de nouvelles fonctionnalités.

Témoignage d'une juridiction administrative
Entretien croisé à Châlons-en-Champagne avec Jean-Paul Wyss, président du tribunal administratif, Jennyfer Picoury, présidente du tribunal judiciaire et Ombeline Mahuzier, procureure de la République près le tribunal judiciaire.
Quelle est la nature de votre coopération ?
Nos deux juridictions cohabitent au sein d’une même cité judiciaire. Il était donc naturel que nous cherchions à développer nos relations, pour que les magistrats et agents se rencontrent mieux et que chacun connaisse le travail de l’autre, au-delà des images toutes faites. Nous avons choisi deux axes de coopération :
> la découverte des métiers : nous organisons des rencontres régulières au cours desquelles sont réalisées des présentations thématiques suivies d’un jeu mutuel de questions-réponses. Les contraintes actuelles ont malheureusement suspendu ces moments d’échanges mais nous comptons bien les reprendre dès que possible. Des magistrats administratifs sont régulièrement accueillis en stage d’immersion de 24 heures en moyenne au tribunal judiciaire. Les membres du TA ont aussi été conviés à un petit déjeuner de l’égalité organisé par le TJ à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars 2020.
> la qualité de vie au travail : nous avons développé des liens privilégiés qui contribuent au bien-être au travail de tous, autours de rencontres amicales. Les tribunaux ont été unis également en période de crise sanitaire pour harmoniser l’accueil des justiciables en juridiction avec les règles sanitaires adaptées aux particularismes procéduraux de nos deux juridictions.
Quels sont vos projets-phares ?
M. Wyss : Le tribunal administratif vient de terminer un important chantier immobilier avec la création d’un nouvel accueil, agréable et fonctionnel, et la mise au norme de la juridiction pour l’accès des personnes à mobilité réduite. Nous avons débuté un nouveau chantier de relèvement de nos normes de sécurité. Pour 2021 et au-delà, je souhaite entreprendre un chantier d’économies d’énergie, problème récurrent dans un bâtiment ancien comme notre tribunal.
Mme Picoury/ Mme Mahuzier : Les échanges avec la juridiction administrative sont riches et nous avions par exemple prévu de réunir nos savoirs faire et nos métiers dans le cadre de « la nuit du droit ». La crise sanitaire nous a contraintes à annuler cette édition. Inscrire la justice judiciaire dans son temps et dans son environnement institutionnel est notre préoccupation constante. Ainsi, nous avons adopté un projet de juridiction associant les magistrats, greffiers et directeurs de greffe, ainsi que les partenaires de la juridiction pour améliorer et renforcer l’identification et la prise en charge des violences conjugales et familiales.
Comment la justice pourrait-elle être plus proche des citoyens et plus compréhensible ?
M. Wyss : Il est vrai que le rôle du tribunal administratif est parfois méconnu. C’est pourquoi le tribunal administratif essaie de développer son image à l’extérieur en expliquant son rôle, sa place dans l’organisation judiciaire de notre pays, les principaux contentieux dans lesquelles elle intervient. Notre présence dans les médias s’est renforcée de manière très positive. Le rapprochement avec nos citoyens passe par une saisine facilitée grâce à Télérecours Citoyen, l’adoption d’une nouvelle présentation de nos jugements, plus simple et plus compréhensible, sans bien sûr sacrifier la rigueur juridique. Enfin, nous comptons sur le développement de la médiation pour permettre une justice différente, plus adaptée dans certains cas.
Mme Picoury/ Mme Mahuzier : Répondre au besoin de proximité des justiciables, rendre des décisions lisibles et une justice de qualité sont au cœur des préoccupations communes à nos deux ordres de juridiction, de même que le souhait de nous inscrire au cœur de la cité. Nous saisissons toutes les occasions de permettre aux citoyens de connaitre la justice et de la comprendre : chaque année, en association là encore avec les magistrats du TA, nous ouvrons nos portes dernières journées du patrimoine. Nous avons réalisé cette année des vidéos pédagogiques qui sont notamment destinées aux collégiens et lycéens du ressort, et nous prévoyons d’autres actions de sensibilisation comme des débats à l’occasion de projections de films dans le cadre d’un festival du film judiciaire. C’est en nous engageant ainsi, au-delà de nos murs et au-delà de notre office juridictionnel, que nous cherchons à atteindre toutes les composantes de la société et tous les citoyens, et pas seulement les justiciables.
La justice administrative à l’international
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3 questions à...
Silke Wittkopp
Juge à la Cour administrative fédérale d’Allemagne
Comment votre juridiction a-t-elle adapté ses procédures à la crise sanitaire ?
Même si pendant la première grande vague de la pandémie en mars et avril 2020, la plupart des magistrats et des agents ont travaillé à domicile, la Cour administrative fédérale n'a à aucun moment interrompu ses fonctions juridictionnelles. Les dispositions législatives applicables aux juridictions administratives n'ont pas été modifiées spécialement pour la crise sanitaire.
Quant aux audiences, les précautions appropriées ont été prises pour assurer la santé de tous et réduire le risque de contamination. Au début, les sièges des juges ont été espacés ainsi que ceux entre les représentants des partis et le public, plus tard des vitres en plexiglas ont été installées et le nombre de personnes admises pour assister aux audiences réduit. Actuellement, seules les deux plus grandes salles d'audience sont utilisées. Les délibérés ont eux-aussi lieu dans des salles plus grandes que d'habitude.
En novembre 2020, la Cour administrative fédérale a pour la première fois réalisé une audience en visioconférence comme le prévoit depuis 2013 le Code de justice administrative allemand (Verwaltungsgerichtsordnung). Les juges (et le public) restent présents dans la salle d'audience ; les représentants des partis peuvent par contre participer à l'audience en distanciel.
Ce Code prévoit aussi la possibilité de statuer en procédure écrite (donc sans audience publique) pourvu que toutes les parties renoncent à la tenue d'une audience. Ainsi, pendant la crise sanitaire, les chambres de la Cour administrative fédérale ont demandé plus souvent que d'habitude aux partis leur consentement pour l’utilisation de la procédure écrite.
Les délais de recours tels qu'ils sont prévus dans les lois en vigueur n'ont pas été modifiés. Comme le droit de procédure administrative, en général, ne connaît pas de délais fixes pour statuer, il n'a pas non plus été nécessaire de fixer des adaptations à cet égard.
Avez-vous été saisi de requêtes dirigées contre les mesures réglementaires et individuelles prises à l'occasion de la crise ?
Jusque-là (début décembre 2020), la Cour administrative fédérale n'a été saisie d'aucune requête dirigée contre les mesures réglementaires et individuelles prises à l'occasion de la crise puisque la Cour n’est pas compétente pour ce type de requêtes. Ces requêtes sont déposées devant les tribunaux administratifs et surtout les cours administratives d'appel, ces dernières étant compétentes pour statuer en première instance sur les requêtes contre les mesures réglementaires prises par les gouvernements des États fédérés. Vu l'urgence de ces procédures, ces juridictions n'ont jusqu’à présent statué qu'en référé. Et en matière de référé, il n'y a pas de pourvoi en cassation devant la Cour administrative fédérale.
Quelles sont les autres actualités de votre institution ?
Les activités de la Cour autres que juridictionnelles ont essentiellement été annulées ou reportées à une date ultérieure – c’est le cas des conférences, séminaires, réunions de travail nationales, internationales et bilatérales qui accueillent des invités et du public. Les visites touristiques de la Cour ont également été suspendues pendant la crise sanitaire.
Agenda
12 février 2021
Entretiens en droit social – Gouvernance et financement de la protection sociale
3 mars 2021
Les états d’urgence : comment les pouvoirs publics s’y adaptent-ils ?
21 mai 2021
Regards croisés du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation - Le droit environnemental : un droit global ?
16 juin 2021
Les états d’urgence : comment en sort-on ?
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