Lettre de la justice administrative n°63
LJA N°63 : Printemps 2021
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À la Une
Éditorial
Au-delà des chiffres du "contentieux Covid"
Du 17 mars 2020 au 17 mars 2021, le Conseil d’Etat a jugé 929 requêtes en référé en lien avec le Covid-19. Ce chiffre est considérable : il équivaut à peu près à 10 % de ce que reçoit et juge chaque année le Conseil d’Etat dans l’ensemble de ses contentieux. Et si l’on ne compte que pour une affaire la série de 283 requêtes identiques portant sur l’adaptation des règles de l’assurance-chômage pendant la crise, ce sont encore 647 ordonnances de référé qui ont été rendues depuis un an.
249 de ces requêtes ont été rejetées sans que l’administration soit invitée à produire une défense parce qu’elles étaient irrecevables ou manifestement infondées. Pour les 397 requêtes restantes, une instruction a été diligentée et, dans 73 % des cas, une audience a été organisée. Ainsi, 43 % du nombre total des requêtes ont été instruites dans le cadre d’une audience où l’ensemble des parties ont été invitées à exposer leurs arguments.
Sur ces 397 requêtes, 89 ont été privées d’objet avant que le juge ne rende sa décision. Cela s’explique soit parce que le requérant a renoncé lui-même à poursuivre la procédure, soit parce que, dans la très grande majorité des cas, la personne publique a elle-même modifié la situation dans le sens souhaité par le requérant (il en a été ainsi, par exemple, pour le recours d’un parlementaire qui a obtenu, en cours de procédure, le rétablissement du droit d’être accompagné d’un journaliste et d’un collaborateur dans l’exercice de son droit de visite des établissements pénitentiaires) ou que le juge, dans une autre instance, avait déjà fait droit à la même demande. Dans certains cas, le dépôt d’une requête suffit en effet pour que l’administration, consciente de la fragilité de ses décisions, les rectifie de son propre chef sans attendre que le juge statue.
255 des requêtes dans lesquelles l’administration a été invitée à défendre ont été rejetées. Quatre motifs correspondant aux conditions légales des procédures de référé-suspension et de référé liberté ont fondé, selon les cas, de tels rejets : le défaut d’urgence, l’absence de doute sérieux sur la légalité des dispositions contestées, l’absence d’atteinte grave ou manifestement illégale à une liberté fondamentale ou le fait que les mesures demandées par le requérant ne pouvaient être mises en œuvre dans un délai justifiant une décision en urgence.
Enfin, 51 des requêtes ont débouché sur une suspension paralysant l’application de la règle contestée et/ou une injonction, par laquelle le Conseil d’Etat a exigé une modification des pratiques de l’administration ou de la réglementation applicable. Beaucoup de ces décisions ont été relayées dans les médias, car elles concernaient la vie quotidienne des Français : ainsi le rétablissement du droit de manifester, de l’enregistrement des demandes d’asile en Ile-de-France, de la possibilité pour les justiciables de se rendre chez leurs avocats même après le couvre-feu ou du droit pour les Français de l’étranger de revenir en France sans devoir invoquer un motif impérieux. Ainsi, également, la réouverture des lieux de culte puis la suppression d’une jauge inadaptée, l’interdiction du survol des drones pour surveiller les rassemblements sur la voie publique, la reprise des sorties pour les résidents des EHPAD, l’interdiction de recourir à la visio-audience pour les procès criminels, l’obligation faite aux pouvoirs publics d’édicter des règles lisibles pour délimiter les quartiers dans lesquels le port du masque est obligatoire ou encore d’indiquer publiquement que le vélo est autorisé pendant le confinement pour mettre fin à l’arbitraire des contrôles. Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples tout aussi concrets qui ont donné lieu, avec soin et pédagogie, à des brèves ou des communiqués de presse pour expliquer la portée pratique des décisions rendues.
Tous ces chiffres nous disent beaucoup sur les chemins suivis par les requêtes, les voies par lesquelles elles ont été traitées, l’extrême attention avec laquelle le juge a examiné chacune d’entre elles. Ils témoignent aussi – et ce n’est pas rien – de l’intensité de l’activité de la juridiction administrative durant cette crise et, en creux, de la nécessité qu’un juge reste à l’écoute des citoyens en toutes circonstances. Or précisément, la juridiction administrative tout entière a tenu bon même dans les moments les plus difficiles, même lorsque la plupart des autres institutions étaient à l’arrêt. Ceci n’a été possible que parce que l’ensemble de notre communauté juridictionnelle s’est mobilisée de manière inédite pour continuer d’assurer ses missions au service de l’État de droit. Pour cela, je tiens une fois de plus à redire ma confiance et rendre un chaleureux hommage aux agents, magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel, de la Cour nationale du droit d’asile, membres du Conseil d’Etat : toutes et tous ont été exemplaires.
Mais les chiffres ne disent pas tout.
Ils ne disent rien de la nature des demandes, ni des circonstances dans lesquelles elles ont été formulées. A cet égard, une grande partie du « contentieux Covid » s’est nouée durant le premier confinement, au moment où le risque était maximum, pesant lourdement dans la balance du juge. Tout au long de cette crise, beaucoup de peurs, de frustrations, de passions – légitimes pour la plupart, excessives pour d’autres, contradictoires pour beaucoup – se sont par ailleurs exprimées devant le juge, pris entre les nécessités d’apaiser les tensions et de continuer à appliquer le droit de manière rigoureuse et pragmatique, c’est-à-dire de ne pas dépasser les bornes de son office. Office que l’on doit avoir à l’esprit pour apprécier nombre des décisions rendues dans un contexte de très grande incertitude sur les perspectives sanitaires à court terme, que l’on pense aux ordonnances rejetant les demandes de réouverture de lieux de spectacle, des universités, des musées ou encore des librairies.
Ce que ne disent pas non plus les chiffres, c’est que résumer la jurisprudence à une dichotomie satisfaction/rejet est particulièrement réducteur. Un même dispositif peut en effet recouvrir des réalités très différentes : or il ne faut pas, dit-on, mélanger les choux et les carottes.
Une solution de rejet peut en premier lieu sanctionner une demande qui n’entre clairement pas dans l’office du juge. Il n’est peut-être pas inutile, à cet égard, de rappeler 1) que le juge des référés n’est ni une autorité politique, ni un expert scientifique ; 2) qu’il est un juge de l’urgence et des solutions immédiates ; et enfin 3) qu’il n’a pas à lui seul le pouvoir de modifier la jurisprudence : il l’applique et juge à droit constant. Ces demandes par lesquelles les requérants attendaient du juge qu’il nationalise des entreprises, réquisitionne des stocks ou enjoigne au gouvernement d’autoriser la prescription d’hydroxychloroquine en médecine de ville étaient donc vouées au rejet. Il en allait de même des requêtes qui, recherchant dans le prétoire du juge une caisse de résonance médiatique, le sollicitaient pour qu’il substitue à la politique gouvernementale des plans alternatifs de gestion de crise clés en main.
Une solution de rejet peut en deuxième lieu résulter d’une pesée minutieuse au terme de laquelle le juge considère que dans les circonstances de l’espèce, l’administration n’a pas méconnu la loi ou porté d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Artistes, restaurateurs, commerçants, gestionnaires des lieux de culture, étudiants, citoyens tout simplement attachés à nos libertés, impatients de pouvoir aller à nouveau au cinéma, au théâtre, dans les musées, voyager, se réunir avec d'autres, faire du sport, sortir de la routine qui s’est malheureusement installée, nous pouvons tous être irrités par les contraintes imposées pour faire face à la crise ; souvent les juges, de retour auprès de leurs proches, ne se réjouissent pas davantage des décisions qu’ils ont rendues. Mais lorsqu’ils jugent, le dossier commande, les faits sont têtus, les intérêts en présence sont difficiles à concilier : la responsabilité qui leur incombe les oblige à dépasser leurs préférences personnelles pour dire le droit de manière indépendante et impartiale, en confrontant les décisions prises par les autorités compétentes à la règle de droit, avec l’intérêt général pour seul objectif.
Il y a enfin les décisions de rejet qui masquent les avancées concrètes obtenues par les requérants. Pendant cette crise, le juge est souvent parvenu à convaincre l’administration, au cours de la procédure, d’adapter le fonctionnement de tel ou tel service public ou de proposer des solutions aux problèmes dénoncés par les requérants. L’affaire dans laquelle un syndicat de personnels pénitentiaires et la Section française de l’OIP mettaient en cause la gestion de l’épidémie dans les prisons est ici topique : au cours d’une audience de plusieurs heures, le juge et les parties sont parvenus à définir des mesures d’hygiène supplémentaires ainsi qu’un protocole permettant le signalement et la détection des cas symptomatiques, l’administration s’engageant formellement à le mettre en œuvre sans délai. Je pense également aux affaires relatives aux étrangers détenus dans les centres de rétention administrative et aux personnes sans-abri, qui ont conduit à des avancées significatives pour leurs situations. Sauf à penser qu’un procès est un match de football où seul compte le nombre de buts, on voit qu’un rejet peut cacher une demi-victoire pour les requérants.
En se contentant des apparences, en refusant de regarder au-delà d’un dispositif, c’est donc toute la richesse de l’œuvre juridictionnelle que l’on risque d’ignorer. L’âme d’une décision de justice, ce sont ses motifs. Ce sont, aussi, les échanges qui ont lieu entre le juge et les parties, la mise sous tension des arguments des uns et des autres que provoque la confrontation orale à l’audience. Une décision de justice est le fruit d’un processus de décantation et de construction progressive d’une solution la mieux adaptée aux circonstances de l’espèce. Processus au cours duquel l’audience opère comme un révélateur : les parties y sont à égalité ; les demandeurs, pour convaincre, doivent étayer précisément leurs griefs ; l’administration doit rendre des comptes, sous le regard du juge qui n’hésite pas à la pousser dans ses retranchements, jusqu’à ce que la vérité du dossier se dévoile. En cela, le procès administratif contribue à la paix sociale. C’est bien là, je crois, la raison d’être d’une juridiction.
La justice administrative en actes
Contentieux
Menus de substitution dans les cantines scolaires
La distribution de repas différenciés dans les cantines scolaires, permettant aux élèves de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses, n’est ni une obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires, ni par elle-même contraire aux principes de laïcité et de neutralité du service public.
Contrôle des ordonnances avant leur ratification par le Parlement
Le Conseil d’État tire les conséquences de deux décisions du Conseil constitutionnel de mai et juillet 2020 qui ont reconnu aux ordonnances du Gouvernement non ratifiées par le Parlement, passé le délai d’habilitation, une valeur législative au sens de l’article 61-1 de la Constitution relatif à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Droit souple
Le Conseil d’État précise le régime contentieux des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé et, en particulier, les conditions auxquelles la légalité d’un refus du président de cette autorité de les abroger ou de les modifier est soumise.
Pouvoirs d’instruction du juge
Le Conseil d’État précise le régime de la communication aux parties, sur le fondement de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, d’un moyen d’ordre public qui lui paraît susceptible de fonder la décision, lorsque cette communication a lieu après la clôture de l’instruction.
Santé publique
Il résulte de l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique (CSP) qu’une spécialité pharmaceutique ne peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché (AMM) qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une AMM ou d’une autorisation temporaire d’utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.
Gratuité de l’enseignement
La cour administrative d’appel de Douai juge que la mise en place d'une tarification modulée selon le quotient familial pour l'inscription d’élèves et collégiens dans des classes à horaires aménagés comportant un enseignement artistique renforcé assuré par le conservatoire à rayonnement régional de Rouen n’est pas compatible avec le principe de gratuité de l’enseignement public dans la mesure où ces enseignements se rattachent à l’obligation scolaire des élèves qui les suivent.
Reconnaissance d’utilité publique d’une association
La cour administrative d’appel de Paris juge que le refus du ministre de l’intérieur de reconnaître le caractère d’utilité publique d’une association sur le fondement de l’article 10 de la loi du 1er juillet 1901 peut être légalement opposé à une association, en raison de l’absence d’intérêt général de ses activités, soit lorsque ces activités ne dépassent pas la défense des intérêts matériels et moraux de ses adhérents, soit lorsqu’elles ne consistent qu’en des prestations dont les bénéficiaires appartiennent à un public restreint et sont définis exclusivement par leur appartenance à une profession déterminée.
Chasse de régulation d’espèces sauvages
Le tribunal administratif de Caen juge que l’activité de régulation de certaines espèces sauvages répond à une mission d’intérêt général, et non à une chasse de loisir, justifiant une dérogation, précisément définie et encadrée, aux mesures de confinement.
Assistance d’un avocat
Le juge des référés du tribunal de Cergy-Pontoise juge que l’état d’urgence sanitaire ne peut justifier qu’un administré soit privé de l’assistance de son avocat dans ses démarches auprès de la préfecture.
Environnement
Le tribunal administratif de Paris reconnaît l’existence d’un préjudice écologique lié au changement climatique et juge que la carence partielle de l’État français à respecter les objectifs qu’il s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre engage sa responsabilité.
Les règles de prescription prévues par le droit pénal français ne font pas obstacle à l’application de l’article 1er F b) de la convention de Genève aux auteurs de crimes graves de droit commun
Dans cette affaire, le requérant, un sri lankais impliqué dans le recrutement forcé « d’enfants soldats » de moins de 15 ans soutenait que la clause d’exclusion de l’article 1F b) de la convention de Genève ne lui était pas applicable car ces agissements étaient prescrits au regard du droit pénal français. La Cour juge que la nécessité d’apprécier la gravité du crime à la lumière du droit pénal interne, n’implique pas que la prescription du droit pénal français serait applicable pour la mise en œuvre de cette clause d’exclusion.
République démocratique du Congo : reconnaissance de la qualité de réfugiée à une mère de famille victime d’affrontements interethniques en Ituri, sa région d’origine
Appartenant à l’ethnie Hema, la requérante a perdu son père en février 2018, assassiné par des membres de l’ethnie Lendu, puis a été agressée, un an plus tard, par un groupe armé de miliciens Lendu et laissée pour morte, avec ses cinq enfants. Constatant le bien fondé des craintes de persécutions pour un motif ethnique exprimées par l’intéressée, la Cour a aussi considéré qu’en raison de sa vulnérabilité personnelle et familiale, elle ne saurait s’installer sans danger dans une autre région de son pays d’origine.
Avis
Avis sur un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets. Ce projet de loi regroupe les dispositions législatives proposées par le Gouvernement au vu du résultat des travaux menés pendant neuf mois par la Convention citoyenne pour le climat. Il comprend six thématiques : Consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir, renforcer la protection judiciaire de l’environnement.
Avis sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Saisi par l’Assemblée nationale, le Conseil d’État a rendu un avis sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, dont l’objectif principal est de transposer l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail conclu le 10 décembre 2020. Cette proposition intègre un certain nombre de mesures complémentaires qui visent à décloisonner la santé publique et la santé au travail.
Avis sur un projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement
Ce projet de loi comporte un article unique inscrivant au premier alinéa de l’article premier de la Constitution que « [La France] garantit la préservation de la biodiversité et de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Le projet reprend dans les mêmes termes une proposition de la convention citoyenne pour le climat constituée en octobre 2019.
Avis sur un projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués
En lien avec la lutte contre la pandémie de Covid-19, ce projet de loi vise à proroger l’état d’urgence sanitaire et reporter la date de fin de trois régimes juridiques institués pour faire face à la crise sanitaire : ceux de l’état d’urgence sanitaire et de sortie de l’état d’urgence, ainsi que celui sur le cadre législatif autorisant les traitements de données à caractère personnel des personnes infectées par la Covid-19.
Avis sur un projet de loi ratifiant l'ordonnance adaptant en Polynésie et Nouvelle-Calédonie la loi sur l'engagement dans la vie locale et la proximité de l'action publique
La section de l’Intérieur du Conseil d’État a été saisie du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 14 octobre 2020 étendant et adaptant en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie les dispositions de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique
Avis sur un projet de loi reportant le renouvellement des conseils départementaux, régionaux, assemblées de Corse, Guyane et Martinique prévu en 2021
En raison de la pandémie, le projet de loi prévoit le report au mois de juin 2021 du renouvellement des conseils départementaux et régionaux ainsi que des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, qui devait avoir lieu en mars.
Avis sur un projet de loi organique adaptant diverses dispositions du droit électoral dans la perspective de la prochaine élection présidentielle
Le Conseil d’État a rendu son avis sur le projet de loi organique adaptant des dispositions du droit électoral dans la perspective de la prochaine élection présidentielle, qui prévoit notamment l’institution d’un vote par correspondance pour les détenus ou encore l’obligation pour les candidats de déposer leurs comptes de campagne par voie dématérialisée et pour leurs mandataires d’éditer les reçus des dons encaissés au moyen d’un téléservice mis en œuvre par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Avis sur un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires
Dans ce projet de loi comportant huit articles, le Gouvernement créé un nouveau régime intitulé « état de crise sanitaire », qui vise à instituer un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires, alors que l’année 2020 a été marquée par la mise en œuvre successive de différents régimes juridiques, préexistants ou élaborés en urgence pour répondre aux circonstances.
Avis sur un projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales
Le Conseil d’État a été initialement saisi de ce projet de loi en début d’année 2020, mais celui-ci n’a pas été présenté en Conseil des ministres en raison de la crise sanitaire. Dans ce nouveau texte, le Gouvernement a pris en compte la plupart des modifications apportées au projet initial par le Conseil d’État et adapté le projet de loi aux conséquences de la pandémie.
Études & colloques
Les états d’urgence : comment les pouvoirs publics s’y adaptent-ils ?
Conférence du 3 mars 2021
À la suite de la proclamation de l’état d’urgence après les attentats de 2015, puis de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire en 2020, les pouvoirs publics ont été contraints de s’adapter très rapidement pour répondre à l’urgence et mettre en œuvre les mesures nécessaires. Cette troisième conférence du cycle s’est interrogée sur la façon dont les pouvoirs publics s’adaptent et gèrent la crise au quotidien, en fonction d’une part de l’évolution de la menace et d’autre part des mesures nationales prises sur l’État de droit, l’économie et la société.
Entretiens en droit social : Gouvernance et financement de la protection sociale
Colloque du 12 février 2021
L’évolution de la protection sociale au cours des dernières décennies s’est traduite par une importance grandissante de l’État dans la gouvernance et le financement de la couverture des risques sociaux liés à la famille et la santé mais également à l’emploi, au vieillissement et au handicap. Le colloque a ainsi abordé les principes de bonne gouvernance à adopter pour assurer, demain, la légitimité et la soutenabilité de notre système de protection sociale. Il a par ailleurs examiné les transformations affectant la structure du financement de la protection sociale.
Qu’est-ce qu’un grand commis de l’État ?
Colloque du 5 février 2021
Le Comité d’histoire du Conseil d’État et de la juridiction administrative a tenté de répondre à cette question à travers une approche pluridisciplinaire. Après une mise en perspective historique, la journée d’étude a permis de porter un triple regard, politique, théorique et déontologique sur cette notion. Elle a également été l’occasion de revenir sur l’action de quelques grands serviteurs de l’État comme Marceau Long, vice-président du Conseil d'État de 1987 à 1995, Pierre Laroque, le père de la sécurité sociale ou Paul Delouvrier, celui des « villes nouvelles ».
La justice administrative au quotidien
Les dernières parutions
Publication de la jurisprudence du droit de la fonction publique
La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) a publié « L’essentiel de la jurisprudence du droit de la fonction publique », un recueil de commentaires de jurisprudences applicables aux agents publics élaboré conjointement avec le Conseil d’Etat.
Fruit d’un travail collectif mené par sept maîtres des requêtes au Conseil d’État, cet ouvrage constitue un socle de référence permettant d’appréhender les grands principes du droit de la fonction publique. Pratique, pédagogique et opérationnel, cet ouvrage est en particulier destiné aux administrations, collectivités publiques, professionnels du droit de la fonction publique et des ressources humaines, et aux étudiants.
Les rendez-vous diversité & égalité
Journée internationale des droits des femmes
Lundi 8 mars, l’ensemble de la juridiction administrative s’est mobilisée à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Des manifestations ont eu lieu dans toute la France dans les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et la Cour nationale du droit d’asile : questionnaires interactifs, expositions, rencontres et web conférences. Au Conseil d’État, Eliane Viennot, spécialiste des relations de pouvoir entre les sexes et autrice de nombreux ouvrages et études sur le sujet, est intervenue sur le thème « Femmes, langage, pouvoir » et a ainsi apporté un éclairage théorique et linguistique sur la féminisation de la langue française.
La juridiction administrative est désormais engagée sur ce terrain : elle a d’ores et déjà féminisé l’ensemble de ses titres administratifs et 2021 marquera la féminisation de l’ensemble des décisions de justice et des textes des sections administratives du Conseil d’État, une décision qui sera ensuite déclinée au sein de toutes les juridictions.
Les déplacements en juridictions
Dans le cadre de ses visites régulières en juridiction, Bruno Lasserre s’est rendu dans les tribunaux administratifs de Dijon et de Paris en janvier et février. Ces déplacements ont été l’occasion de faire le point sur l’activités des tribunaux durant l’année 2020 et de saluer leur mobilisation au cours de la crise sanitaire pour répondre aux recours en urgence déposés par les citoyens.
Témoignage d’une juridiction administrative
3 questions à Xavier Faessel, président du tribunal administratif de Strasbourg
Comment le tribunal administratif traverse-t-il cette crise sanitaire ?
Concrètement, nous avons généralisé le télétravail, exploité à fond les échanges électroniques, régulé les accès au tribunal, mais nous ne recourons qu’exceptionnellement aux visio-audiences, dont le bénéfice sanitaire net est faible, en définitive. Symétriquement nous veillons à éviter l’isolement : personne ne télétravaille en continu, chacun s’applique à maintenir le lien. Il n’en reste pas moins que ce fonctionnement est coûteux en termes d’équilibre psychique.
Quels sont vos projets en cours et à venir ?
Tout d’abord capitaliser l’effort que nous a imposé la pandémie. Lorsque le télétravail ne sera plus une mesure sanitaire il faudra éviter que s’évapore l’expérience acquise, et pour cela gérer la dématérialisation comme un outil au service de nos pratiques effectives de fréquentation du tribunal, admettre que nous pouvons partager autrement les espaces de travail, mais aussi reconnaitre que certains moments de présence physique doivent être absolument préservés. Bref faire du télétravail une dynamique et non plus un repli.
Ensuite acter le « vivre ensemble » comme un facteur normal d’organisation. Nous avons élaboré un projet de juridiction qui repose sur cette préoccupation.
Enfin célébrer le 100e anniversaire du tribunal, par l’organisation d’un colloque placé sous l’égide du vice-président du Conseil d’Etat, autour d’un thème qui dépassera nos strictes préoccupations professionnelles
Sur les sujets de diversité et d’égalité : vous êtes particulièrement impliqués. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avons signé une convention unissant le tribunal administratif, le Conseil d’Etat et Science-Po Strasbourg, qui permet à des élèves de collèges situés en zone d’éducation prioritaire de découvrir nos métiers, et surtout de se rendre compte qu’ils leurs sont effectivement accessibles ; la même démarche est engagée en direction des élèves des classes préparatoires intégrées de l’IRA de Metz ; enfin, le tribunal a fait le choix de prendre en stage aussi largement que possible les étudiants de master 1 et 2 dont les professeurs nous ont alerté sur le sentiment d’abandon que ces jeunes éprouvent dans la période actuelle.
La justice administrative à l’international
Webinaire avec l'université de Yale
Mercredi 24 février, le vice-président du Conseil d’Etat, Bruno Lasserre, entouré du président de la sixième chambre de la section du contentieux, Fabien Raynaud, et du rapporteur public de la sixième chambre, Stéphane Hoynck, a participé à un webinaire organisé par l’université de Yale autour de la décision Grande Synthe. Ce séminaire, suivi par plusieurs centaines de personnes dans le monde entier, a été l'occasion pour le Conseil d'Etat de présenter cette affaire et plusieurs autres concernant le droit de l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.
3 questions à...
Idrissa Sow
Magistrat, conseiller délégué à la Cour suprême du Sénégal
Comment votre juridiction a-t-elle adapté ses procédures à la crise sanitaire ?
A l’instar des autres services publics, le système judiciaire sénégalais a dû adapter son fonctionnement pour se conformer à l’ensemble des mesures prises pour freiner la propagation du virus. Dès l’apparition des premiers cas confirmés de Covid 19, le gouvernement du Sénégal à partir du 23 mars 2020, a proclamé l’Etat d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national avec autorisation donnée aux pouvoirs publics d’appliquer des mesures restrictives destinées à lutter efficacement contre la pandémie. A ce titre, plusieurs décisions administration ont été prises notamment pour rendre obligatoire le port du masque dans les lieux publics et les transports, interdire les manifestations et réunions publiques et règlementer les heures d’ouverture et de fermeture des marchés et autres lieux de commerce. La Cour suprême s’est naturellement conformée aux mesures sanitaires prescrites et a pris toutes les dispositions adéquates pour prémunir son personnel contre les risques de contamination. Durant cette période, la nécessité de continuer à assurer la continuité de l’activité juridictionnelle de la cour tout en garantissant la sécurité sanitaire des magistrats et autres membres du personnel, est apparue comme un défi majeur. Ainsi, les autorités ont pris l’option de maintenir le service des audiences tout en veillant, scrupuleusement, au respect du protocole sanitaire établi, notamment par le port obligatoire du masque, l’adoption de mesures de distanciation physique et de restrictions d’accès au siège de la cour. Les règles de procédures applicables devant les juridictions ont également été modifiées dans certaines matières, notamment, pour tenir compte de tous les bouleversements occasionnés par l’application des mesures exceptionnelles justifiées par la situation d’urgence sanitaire. A cet égard, le législateur, par une démarche proactive, a voté des lois prescrivant des prorogations de délais échus et des mesures de suspension concernant l’exécution forcée de certaines décisions de justice. Ainsi, les délais de prescription extinctive et de déchéance en matière civile, commerciale, administrative, fiscale et douanière ont été suspendus durant la période de l’état d’urgence. De même, plusieurs actes de procédures et formalités prescrites à peine de nullité, caducité ou forclusion qui n’avaient pas été effectués à temps ont pu être valablement accomplis, à la faveur de l’application des mesures de prorogation de délai instituées par la loi.
Avez-vous été saisis de requêtes dirigées contre les mesures règlementaires et individuelles prises à l’occasion de la crise ?
L’application des décisions administratives comportant des restrictions aux libertés publiques a, comme on pouvait s’y attendre, fait naitre un certain nombre de contestations et de réclamations portées devant le juge administratif. Il est normal dans un Etat de droit que les citoyens puissent saisir la justice lorsqu’ils estiment qu’au regard de certains paramètres, l’administration a pu excéder ses pouvoirs dans le cadre des mesures réglementaires ou individuelles prises dans un contexte d’urgence sanitaire. Dans cette optique, le juge des référés administratifs de la Cour suprême du Sénégal a été saisi d’une requête en indication de mesures utiles par laquelle, une association de la société civile lui demandait d’enjoindre à l’Etat du Sénégal de procéder à une opération de dépistage massif des populations en vue de contenir la propagation du virus. La demande formulée n’a pas été favorablement accueillie, le juge ayant estimé, entre autres, que d’un point de vue scientifique l’utilité de la mesure sollicitée n’était pas établie et que l’administration ne disposait pas forcément des moyens financiers, humains et matériels nécessaires pour entreprendre une telle campagne. Dans une autre affaire, ayant à l’époque suscité beaucoup de commentaires, le juge des référés avait été saisi dans les mêmes formes, par un collectif de sénégalais vivant à l’étranger qui contestait la décision prise par les autorités, au début de l’état d’urgence, d’interdire les rapatriements de corps de personnes décédés des suites de la maladie à coronavirus en vue de leur enterrement au pays . L’ordonnance de rejet rendue au terme de la procédure, qui il faut le dire portait sur une question assez sensible, n’a pas réellement d’impact puisque la mesure contestée a finalement été rapportée. On voit bien à travers ces quelques exemples que le juge administratif sénégalais a effectivement été sollicité dans la prise en charge des litiges nés de l’application des décisions arrêtées dans le cadre de lutte contre la pandémie et qu’ à chaque fois il a essayé de trouver le point d’équilibre entre l’obligation de préservation des droits et liberté fondamentaux et la nécessité d’appliquer les mesures qu’impose la situation en tenant compte des moyens dont disposent l’administration.
Quelles sont les autres actualités de votre institution ?
Il est vrai que la cérémonie solennelle de rentrée des cours et tribunaux, inscrite comme un événement majeur dans l’agenda de notre juridiction, a été reportée sine die en raison de la situation pandémique. Mais la cour reste dans une posture résiliente et s’attèle à dérouler normalement le calendrier de ses activités juridictionnelles notamment par la tenue régulière de toutes ses audiences, dans le strict respect des mesures barrières préconisées. On note, par ailleurs, que la publication des bulletins des arrêts n’a pas connu de perturbation majeure malgré la crise. Il est également heureux de constater que le Service de Documentation et d’Etudes de la cour a inscrit dans son programme d’activités la tenue de séminaires de formations et d’ateliers de réflexions sur des sujets de haute portée juridique. Pour finir sur une note d’optimisme ; nous pouvons dire que nous avons des raisons de croire à une évolution positive de la situation et d’espérer pour bientôt une reprise normale de toutes les activités.
Agenda
Vendredi 21 mai
Le droit de l'environnement, regards croisés Conseil d'État et Cour de cassation
Mercredi 16 juin
4e conférence du cycle sur les états d’urgence
Les états d’urgence : comment en sort-on ?
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