Lettre de la justice administrative n°69
LJA N°69 : Automne 2022
- Le Conseil d''Etat
- Publications & colloques
- Lettre de la justice administrative
- "Lettre de la justice administrative"
- Lettre de la justice administrative n°69
À la Une
Édito de Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État

Service public, un principe au cœur de la juridiction administrative
Ensuite parce que la juridiction administrative accompagne, chaque jour, l’action des services publics. Elle vérifie le respect des « lois de Rolland », et contribue à la sécurisation et à l’adaptation des services publics à notre temps. Elle tranche les litiges concrets qui lui sont soumis, relatifs aux modalités d’accès au service public, à ses conditions de délivrance ou encore aux contrats qui sont conclus pour cette délivrance. Le Conseil d’État a ainsi récemment rappelé qu’une obligation de recours à un téléservice ne pouvait être imposée que si l’accès normal des usagers au service public et l’exercice effectif de leurs droits étaient garantis. Les juges administratifs examinent les litiges qui concernent les agents du service public. C’est le cas dans leurs fonctions contentieuses, notamment en matière de contrôle des sanctions ou d’octroi de la protection fonctionnelle. C’est également le cas grâce à la participation des juges administratifs à de nombreuses instances disciplinaires.
Enfin, et peut-être surtout, parce que la juridiction administrative incarne elle-même un service public, celui de la justice administrative. Elle est un service de proximité, où les usagers-requérants peuvent avoir accès à un agent de greffe pour les aider et les orienter quand les procédures dématérialisées sont insuffisantes. Cette accessibilité ne se fait jamais au détriment de la grande qualité de la justice, qui repose sur un travail collégial et sur la valeur de tous ceux qui y concourent.
C’est dans ce cadre que le Conseil d’État a rappelé lors de sa rentrée du 7 septembre dernier qu’il était la « maison du service public ». Derrière cette formule, c’est le rôle crucial de l’ensemble de la juridiction administrative qui estaffirmé, celui d’un service public œuvrant pour le service public.
La justice administrative en actes
Contentieux
Fiscalité
Le Conseil d’État précise les éléments qu’une société qui entend déduire l’aide financière qu’elle a consentie à une filiale peut apporter pour justifier que la valeur de sa participation dans le capital n’a pas augmenté malgré cette aide.
Audiovisuel
L’auteur de propos tenus au cours d’une émission n’est pas recevable à demander l’annulation de la sanction infligée à la chaîne de télévision par le CSA (devenu Arcom) au titre de ces propos, dont la diffusion sans contradiction sérieuse ni réaction marquée de la chaîne a constitué une incitation à la haine, à la violence ou à des comportements discriminatoires et une méconnaissance par la chaîne de son obligation de maîtrise de l’antenne.
Responsabilité
Le Conseil d'État précise le régime de responsabilité applicable en cas de carence de l’État à assurer effectivement le droit à l’éducation des enfants handicapés soumis à l’obligation scolaire.
Procédure
Si le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution les dispositions d’une ordonnance non ratifiée, en précisant que cette déclaration prend effet à compter de la publication de sa décision et qu’elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date, le Conseil d’État, saisi de recours pour excès de pouvoir contre cette ordonnance, fait droit aux conclusions tendant à l’annulation rétroactive de ces dispositions.
Contentieux – Environnement
Le Conseil d'État juge que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du CJA et précise les conditions dans lesquelles un requérant peut l’invoquer.
Emblème religieux
La cour administrative d’appel de Nantes juge que la statue de l’archange Saint-Michel installée en octobre 2018 sur une place publique de la commune des Sables d’Olonne est un emblème religieux. Elle confirme en conséquence le jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes, saisi par la fédération de Vendée de la libre pensée, a considéré que l’installation de cette statue sur un emplacement public est interdite par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
Télérecours
Le tribunal administratif de Montreuil constate que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait certes créer des téléservices, mais ne pouvait légalement imposer leur emploi pour l’ensemble des demandes de titres de séjour et les naturalisations. Le tribunal annule, par conséquent, la décision du préfet de rendre obligatoires les plateformes dématérialisées. Cette annulation implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis mette en place des alternatives effectives aux téléservices.
Travailleurs saisonniers et visas long séjour
Le tribunal annule les refus de visas de long séjour « travailleur saisonnier » opposés à vingt-trois ressortissants marocains recrutés pour réaliser des travaux viticoles dans le bordelais, estimant que l’inadéquation entre l’expérience professionnelle des intéressés et les emplois sollicités –indice de nature à révéler que les visas sont sollicités à d’autres fins que le projet d’emploi– n’est pas démontré.
Responsabilité de l’État
Par une décision rendue le 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris reconnaît la responsabilité fautive de l’État dans la gestion du stock de masques antérieurement à l’émergence de la covid-19 puis dans la communication gouvernementale initiale relative au port du masque, pour la période antérieure à mai 2020.
Collectivités territoriales
Le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a jugé qu’une collectivité publique n’est pas compétente pour délivrer des autorisations d’accès aux infrastructures destinées à accueillir les réseaux de télécommunication des opérateurs si cette collectivité n’est pas elle-même propriétaire ou gestionnaire des ouvrages.
Les enfants des personnes reconnues comme réfugiées bénéficient de la même protection même si leurs noms ne sont pas mentionnés dans la décision concernant leurs parents
La CNDA confirme que les enfants, entrés mineurs en France, d’une personne reconnue réfugiée doivent être regardés comme titulaires de la même protection bien que leur nom ne soient pas mentionnés dans la décision la concernant, même si la personne intéressée n’a pas précisé que sa demande était aussi déposée pour le compte de ses enfants.
La Cour se réfère aux articles L. 521-3 et L. 531-23 du CESEDA selon lesquels, d’une part, une demande d'asile doit toujours être regardée comme présentée au nom des enfants mineurs accompagnant le demandeur en France et, d’autre part, la protection la plus étendue accordée à l’un des parents est réputée prise également au bénéfice de ses enfants.
Reconnaissance de l’existence du groupe social des femmes et enfants exposés à un risque de mutilation sexuelle
La CNDA octroie le statut de réfugiée à une jeune égyptienne âgée de quatorze ans etreconnaît pour la première fois l’existence du groupe social des femmes et des enfants exposés au risque d’excision en Égypte, où cette pratique constitue une norme sociale.
Les sources documentaires disponibles mettent en évidence la prévalence élevée de cette pratique sur le territoire égyptien (moyenne : 87%), à un âge moyen de dix ans. La décision établit les craintes personnelles de la jeune fille, du fait de tantes maternelles, sans que son père, réfugié en France, soit en mesure de s’y opposer.
Avis

Avis sur un projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables
Le Conseil d’État a rendu un avis sur un projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables. Il observe que l’étude d’impact accompagnant le projet doit être complétée car elle n’évalue, ni ne justifie, plusieurs mesures pourtant importantes. Il observe également que si les consultations ont bien été réalisées formellement en amont, les délais qui ont été imposés aux organismes ont été trop brefs pour pouvoir disposer d’avis pleinement éclairés. Concernant le projet lui-même, le Conseil d’État propose différentes évolutions, notamment pour préciser par le biais de la loi, les critères précis (géographique par exemple) permettant d’octroyer des déductions de facture d’électricité, pour les personnes habitant à proximité d’éoliennes ou d’installations de méthanisation.

Avis relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique
Le Conseil d’État a rendu un avis au Gouvernement sur les possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique. Dans son avis, il précise que s’il est possible, sous certaines conditions, de modifier certaines clauses financières d’un contrat de la commande publique, le cocontractant de l’administration ne peut se prévaloir d’un droit à ce que le contrat soit modifié. En cas de circonstances imprévisibles bouleversant temporairement l’équilibre économique du contrat, le Conseil d’État estime que le titulaire peut prétendre au versement d’une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision.

Avis sur un projet de loi portant diverses mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail
Le Conseil d'État a examiné le projet de loi portant diverses mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail. Le texte aborde les sujets de l'assurance-chômage, de la validation des acquis de l'expérience (VAE) et du corps électoral pour les élections professionnelles en entreprise. Le Conseil d'État recommande de mentionner dans le projet que la validation des acquis de l’expérience soit également ouverte aux « aidants familiaux » et qu’une phase de concertation avec les partenaires sociaux se tiendra sur le décret précisant le « bonus-malus » des taux de contribution des employeurs à l’assurance chômage.

Avis sur un projet de loi d’orientation et de programmation portant diverses dispositions en matière pénale et de gestion des crises
Le Conseil d'État a rendu un avis sur le projet de loi d’orientation et de programmation portant diverses dispositions en matière pénale et de gestion des crises qui fixe les objectifs et programme les moyens humains, juridiques et budgétaires du ministère de l’intérieur sur les cinq prochaines années. Le Conseil d'État estime que, même s’il reprend les dispositions d’un précédent projet de loi examiné en mars dernier, ce projet devait bienêtre à nouveau soumis à l’avis du Conseil d’État avant d’être délibéré en conseil des ministres, pour respecter l’article 39 de la Constitution. Dans son avis, il réitère les observations de son précédent avis notamment sur la nécessité de compléter l’étude d’impact et sur la limitation des pouvoirs des assistants d’enquête.

Avis sur un projet de loi ratifiant l’ordonnance portant adaptation du droit français au règlement européen relatif aux dispositifs médicaux
Le Conseil d'État a examiné le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant adaptation du droit français au règlement européen relatif aux dispositifs médicaux. Ce projet de loi comporte plusieurs mesures qui visent à harmoniser des dispositions nouvelles accordant aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le pouvoir de prononcer des sanctions financières. Le Conseil d'État introduit dans le projet un domaine de compétences partagée entre cette autorité administrative et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Avis sur un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Ce projet de loi comporte plusieurs mesures qui visent à limiter l'impact de l'inflation sur le budget des ménages sur trois volets : la protection du niveau de vie des Français, la protection des consommateurs et la souveraineté énergétique. Le Conseil d'État examine notamment les questions de constitutionnalité posées par les exonérations fiscales et sociales de la prime de partage de la valeur.

Avis sur un projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid-19
Le Conseil d'État a examiné le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid-19. Ce projet de loi est composé de plusieurs mesures pour faire face au rebond épidémique et aux d'incertitudes sur l'évolution de l'épidémie : la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et le maintien du passe sanitaire pour des voyages depuis ou vers le territoire français jusqu'au 31 mars 2023 ainsi que la création pérenne d'un « comité de veille et d'anticipation des risques sanitaires ». Le Conseil d’État constate que la création de ce comité ne relève pas du domaine de la loi et considère que la création d’une telle instance devrait être précédée d’une analyse de son articulation avec les instances existantes.
Études & colloques
Le Conseil d'État publie son étude annuelle sur les réseaux sociaux
Les réseaux sociaux ont bouleversé notre société et nous confrontent à des défis démocratiques, économiques, sociétaux mais aussi écologiques. Alors que l’Union européenne vient d’adopter un cadre juridique ambitieux pour leur régulation, le Conseil d’État a publié, en septembre dernier, son étude annuelle 2022 consacrée à ce sujet. Il formule 17 propositions concrètes pour permettre le rééquilibrage des forces en faveur des utilisateurs, armer la puissance publique dans son rôle de régulateur et également penser demain.
Visionner les vidéos de Fabien Raynaud, rapporteur général et Marie Grosset, rapporteure générale adjointe, à la section du rapport et des études du Conseil d'État

Une étude du Conseil d’Etat autour de l’intelligence artificielle et l’action publique
Si l’intelligence artificielle suscite encore des craintes souvent exagérées, elle connaît des avancées technologiques spectaculaires, permettant d'assister l’humain dans des tâches impossibles à réaliser jusque-là. En appui des administrations, son utilisation pourrait améliorer concrètement la qualité du service public rendu aux citoyens. À la demande du Premier ministre, le Conseil d’État publie une étude qui plaide pour la conduite d’une stratégie de l’IA résolument ambitieuse et au service de la performance publique.

La simplification normative
Colloque organisé conjointement par le Conseil d’État et le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).
La simplification normative est porteuse d’enjeux démocratiques majeurs, tant la compréhension de la norme conditionne son accessibilité par les citoyens. Or, dans un contexte de défiance des citoyens à l’égard des institutions, l’inflation normative nuit à la lisibilité et à la transparence de l’action publique. Le 14 octobre, le Conseil d’État et le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) ont organisé conjointement un colloque pour aborder la question autour de deux tables rondes « La norme, toujours trop ? » et « La norme, pour qui ? » au cours desquelles dix experts des politiques publiques sont intervenus.

Le dernier kilomètre des politiques publiques : quelles attentes ?
Conférence inaugurale du cycle annuel organisée par le Conseil d’État
Comment s’assurer que les politiques publiques touchent leurs cibles et qu’elles répondent aux attentes des Français ? C’est tout l’objet de la prochaine étude annuelle du Conseil d’État qu’il rendra publique en septembre 2023 et du cycle de conférences qui sera organisé durant toute l’année. La conférence inaugurale de ce cycle a eu lieu le 19 octobre sur le thème : « Le dernier kilomètre des politiques publiques : quelles attentes ? » et a réuni Jean Castex, ancien Premier ministre, Claire Hédon, défenseure des droits, Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique et Claude Rambaud, vice-présidente de France Assos Santé. Rendez-vous le 14 décembre pour la prochaine conférence.

Actes de colloque
Gouvernance et financement de la protection sociale
Les actes du colloque « Gouvernance et financement de la protection sociale », organisé le 12 février 2021 au Conseil d'État, viennent de paraître dans la collection « Droits et Débats ». Ils offrent une vision concrète et documentée des transformations et des enjeux actuels auxquels est confrontée la protection sociale : sa gouvernance tout d’abord, à travers la place des partenaires sociaux et le rôle de l’État, puis ses transformations touchant le financement de la protection sociale.
La justice administrative au quotidien
Parutions
Mise à jour des recueils ARUP-FRUP
Une nouvelle mise à jour des recueils de jurisprudence sur les statuts types des associations et fondations reconnues d’utilité publique (ARUP-FRUP) a été effectuée en juillet dernier. Ces recueils détaillent, pour chaque article des statuts types, la manière dont ils sont interprétés par le Conseil d’État lors de l’examen des différents projets de reconnaissance ou de modifications statutaires. Ils représentent un commentaire indispensable à une meilleure compréhension de ces statuts types.

Les déplacements en juridictions
Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, poursuit son tour de France des juridictions administratives. En juillet dernier, il rencontrait les équipes du tribunal administratif de Strasbourg, en septembre dernier, celles de la cour administrative d’appel et du tribunal administratif de Nantes. Au programme : fonctionnement quotidien des juridictions, bilan de leurs activités et de leurs principaux contentieux et rôle du juge administratif au service du citoyen.

Une JA à la Une
Trois questions à Bernard Iselin, président du TA de Nantes
Le tribunal administratif de Nantes a jugé 13 340 affaires en 2021 (soit plus de 60 décisions par jour) dont près de 20% de jugements en urgence. Comment l’expliquez-vous ?
Bernard Iselin : Le nombre de jugements rendus par le tribunal a effectivement augmenté de près de 5 % en 2021 par rapport à 2020, année durant laquelle, malgré la crise sanitaire, la juridiction a quasiment rendu autant de décisions qu’en 2019. Sur ces 13 340 décisions rendues en 2021, la part des décisions rendues par les juges des référés (à l’exclusion des décisions rendues en matière d’éloignement des étrangers) représente plus de 20 % contre une moyenne nationale établie à 18%.
Si 1/5ème des décisions que nous rendons sont des décisions en référés, la spécificité du TA de Nantes réside dans la nature des requêtes en référés : les référés suspension représentent 59% du total des décisions rendues, contre 39,3% au plan national. Cela s’explique par le poids du contentieux des refus de visas d’entrée en France dont le tribunal détient la compétence pour toute la France.
Le TA dispose d’une compétence nationale pour traiter le contentieux des refus de visas d’entrée sur le territoire national. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette spécificité et sa conséquence sur l’activité de la juridiction ?
B. I. : Le contentieux des visas porte sur les deux catégories de visas sollicités par les étrangers : les visas de court séjour (moins de 3 mois) pour des motifs variés (visites touristiques par exemple) et les visas de long séjour (d’une durée de 3 mois et plus) pour des motifs familiaux mais aussi les études ou l’installation professionnelle. Le nombre de ces recours est en constante augmentation depuis le transfert de ce contentieux au tribunal en 2010. En 2022, nous totaliserons environ 5 800 recours de contentieux de visas, soit une hausse prévisible de 63,7 % par rapport à l’année 2021.
Afin de traiter efficacement cette demande croissante de justice, le tribunal s’est organisé dès 2018 en créant une chambre spécialisée pour ce contentieux. Puis, deux autres chambres spécialisées sont venues la compléter en septembre 2020 et en juin 2022 afin de poursuivre le traitement à délai rapproché de ces recours et de limiter le flux de saisines en référé en découlant.
Un autre défi attend le tribunal fin 2023 et début 2024 : c’est celui du traitement des recours à venir contre les refus d’autorisations de voyage, prises dans le cadre duSystème européen d’information et d’autorisation concernant les voyagesETIAS . Ce système d’information, qui sera déployé en 2023, concerne les citoyens des pays qui n’appartiennent pas à l’UE mais qui sont exempté de visas (61 pays actuellement).
Chaque État membre gérera les recours formés contre les refus d’autorisations de voyage. Le TA de Nantes sera chargé du traitement de ces recours selon des modalités qui restent à définir.
Avez-vous un exemple d’affaire emblématique jugée en référé par le tribunal administratif en 2021 ?
B. I. : En 2021, la Fédération de Vendée de la Libre Pensée, une association de défenseurs de la laïcité, a saisi le tribunal administratif de Nantes pour demander le retrait d’une statue de l’archange Saint-Michel que la commune des Sables-d’Olonne (Vendée) avait déplacée de l’école privée où elle se trouvait pour l’installer, en 2018, sur la place devant l’église et inaugurée lors d’une cérémonie, à l’occasion de laquelle elle a été bénie par un prêtre. Le tribunal avait ordonné son retrait en vertu de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l'État. Cette affaire, qui touche la vie quotidienne des Français, rappelle à quel point le juge administratif est un juge de proximité. Elle a d’ailleurs donné lieu à des manifestations publiques, largement relayées par la presse écrite et audiovisuelle, et au déplacement d’un candidat à la présidentielle. À la suite de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, confirmant la décision du tribunal, une nouvelle mobilisation a été organisée pour manifester contre le démontage de la statue. Un pourvoi en cassation, au Conseil d’État, a depuis été formé par la commune.

Les évènements
La rentrée du Conseil d’État
Le 7 septembre 2022, le Conseil d’État a inauguré « la rentrée du Conseil d’Etat », un rendez-vous qui sera désormais annuel et qui pour sa première édition a réuni la Première ministre Elisabeth Borne, lesprésidents des assemblées Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, et plusieurs membres du Gouvernement et degrandes institutions publiques. Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, a partagé sa vision du service public en 2022. Garant de l’État de droit, le Conseil d’État a réaffirmé son rôle dans la définition, le contrôle et l’évolution du service public, confronté aujourd’hui à des défis sociétaux, économiques et environnement inédits.

Retour sur les Journées européennes du patrimoine 2022
Cette année encore, les juridictions administratives ont ouvert leurs portes à des milliers de visiteurs pour l'édition 2022 des Journées européennes du patrimoine (JEP), les 17 et 18 septembre. Au programme : visites des coulisses de la justice administrative, découverte des métiers et du patrimoine par les personnels des juridictions administratives qui ont une nouvelle fois répondu à l'appel des JEP pour incarner et donner vie aux missions de l'institution.

La Nuit du Droit des juridictions administratives
Comme chaque année, le 4 octobre, les juridictions administratives françaises se sont mobilisées à l’occasion de la Nuit du Droit. Ce sont près de 30 juridictions administratives qui ont participé à cet évènement visant à mieux faire connaître le droit, ses principes, ses institutions, ses métiers. Au programme, des conférences, des visites, des procès fictifs et de nombreuses activités ludiques pour découvrir les juridictions administratives autrement.

Les Rencontres des acteurs publics au Conseil d’État
Dans le prolongement de son étude annuelle 2022 consacrée aux « réseaux sociaux », le Conseil d’État a accueilli les 10 et 11 octobre les 27e Rencontres des acteurs publics. Au programme de ces deux journées, des débats, des interviews et des ateliers virtuels pour mieux comprendre comment appréhender les réseaux sociaux comme levier de transformation de l’action publique.

Le Congrès international des médiations à Angers
Du 5 au 7 octobre derniers, la juridiction administrative a participéau Congrès international des médiations qui s’est déroulé à Angers, sous le haut patronage du président de la République.Cette deuxième édition a réuni des experts internationaux de la médiation (universitaires, avocats, magistrats, etc.) dans de nombreux champs d’action : famille, travail, santé, numérique, éducation, environnement, etc.L’occasion pour la juridiction administrative d’échanger sur le sujet et de mieux faire connaître la médiation administrative, développée depuis 2017 dans près de 10 000 affaires.

Les Rencontres interrégionales de droit public 2022 à Lille
Les Rencontres interrégionales du droit public, organisées par la cour administrative d'appel de Douai, les tribunaux administratifs de Lille, Amiens et Rouen, l'université et le barreau lillois, se sont déroulées à la faculté de Lille le 16 septembre dernier. A l’occasion de cette 6e édition, dont le thème était « L’accès au juge administratif », de nombreux universitaires, avocats, magistrats administratifs et étudiants se sont réunis pour des ateliers thématiques et des débats tout au long de la journée.

Audiences de rentrée de trois juridictions administratives
En septembre et en octobre derniers, les tribunaux administratifs de Besançon, de Cergy-Pontoise et la cour administrative d’appel de Douai ont tenu leurs audiences de rentrée. Par ailleurs, le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Versailles ont organisé leur audience solennelle conjointe. Durant ces rendez-vous qui ont réuni élus et représentants des autorités civiles, des avocatset des organismes socio-professionnels, les juridictions ont fait le point surles temps forts passés et à venir, leurs contentieux et les grands projets en cours parmi lesquels l’open data, la médiation, l’enregistrement des audiences…

Infos JA
Le saviez-vous ? Les décisions de justice du Conseil d’État en anglais et espagnol
Depuis 2013, le Conseil d’État a mis en ligne près de 1 000 décisions en langue étrangère, dont 500 en anglais et 150 en espagnol, pour rendre accessible sa jurisprudence et faire connaître ses décisions au-delà des frontières françaises.

Le Conseil d’État ouvre son compte Instagram : conseildetat_fr
Coup d'envoi du compte Instagram du Conseil d’État le 31septembre dernier ! Retrouvez désormais sur ce réseau socialla vie du Conseil d’État et son actualité autrement.

Audience publique du Conseil constitutionnel à la CAA de Marseille
Après s’être déplacé à Metz, Nantes, et Pau en 2019, Lyon en 2020 puis Bourges en 2021, le Conseil constitutionnel a siégé à la cour administrative d’appel de Marseille pour y tenir son audience publique sur deux questions prioritaires de constitutionnalité.

La justice administrative à l’international
Des étudiants israéliens à la découverte du tribunal administratif de Lyon
Le 7 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a reçu la visite d'étudiants de la Cosser School of Management de Tel-Aviv dans le cadre d'un programme d'échange avec l'université catholique de Lyon. Au cours de cette immersion, les étudiants ont bénéficié d'une présentation de la juridiction administrative française.

Le Conseil d’État aux 16e Journées juridiques et administratives franco-croates
Le 16 septembre 2022, une délégation française comprenant des membres du Conseil d'État et des enseignants de l’université Panthéon-Assas Paris II s'est rendue à Split, prolongeant à l'international la coopération en plein essor que la juridiction administrative développe avec le monde universitaire.

Des magistrats autrichiens au tribunal administratif de Strasbourg
Le 16 septembre 2022, une délégation de magistrats autrichiens, membres de la fédération européenne des juges administratifs (FEJA), ont échangé avec leurs homologues strasbourgeois sur de nombreux sujets liés au contentieux administratif, en marge de leur visite de la Cour européenne des droits de l’homme.

Le « contentieux climatique », au cœur de la 19ème conférence annuelle du Forum européen des juges pour l’environnement
Le Conseil d’État a accueilli la 19ème conférence annuelle du Forum européen des juges pour l'environnement (EUFJE) qui s’est tenue les 24 et 25 octobre 2022. Alors que partout dans le monde des citoyens saisissent la justice pour imposer des mesures en faveur du climat, cette édition a été l’occasion de revenir sur ce contentieux et d’analyser des affaires qui ont marqué la justice climatique et ce, par-delà les frontières.

Le Conseil d’Etat présent au 100e anniversaire de la Cour administrative suprême polonaise
Le 25 octobre dernier, Martine de Boisdeffre présidente de la section du rapport et des études du Conseil d’Etat s’est rendue en Pologne à l’occasion du 100e anniversaire de la cour administrative suprême polonaise. Etaient également présents parmi les invités, des représentants de la CJUE (cour de justice de l’Union européenne), le président de la Cour administrative de Finlande et vice-président de l’ACA-Europe, le président de laCour administrative fédérale d’Allemagne ainsi que de nombreux présidents et représentants de cours administratives et de Conseils d’Etat européens.
Le tribunal fédéral suisse au Conseil d’État pour débattre de trois enjeux contemporains majeurs
Les 27 et 28 octobre 2022, le Conseil d’État a accueilli le tribunal fédéral suisse dans le cadre du dialogue que l’institution entretient avec ses homologues européens. Dans le cadre du séminaire de travail, les délégations françaises et suisses ont échangé autour de trois enjeux contemporains majeurs, qui posent des défis de taille à la justice : les réseaux sociaux, sujet de l’étude annuelle 2022 du Conseil d’État, la justice climatique et la justice face au Covid. Conduite par Martha Niquille, présidente du tribunal fédéral suisse, la délégation était composée d’Yves Donzallaz, vice-président, de François Chaix, juge, et de Nicolas Lüscher, secrétaire général.

Séjour d’études du Conseil d’Etat à la Cour suprême d’Israël
3 questions à Pauline Hot et Géraud Sajust de Bergues, conseillers d’Etat


Nous avons séjourné en Israël au cours de la semaine du 22 au 26 mai 2022, à l’invitation de la Cour suprême d’Israël et de la Fondation France-Israël. Nous avons principalement consacré cette semaine à la découverte du système juridictionnel israélien (visite de la Cour suprême et des juridictions du fond, rencontre avec des juges, assistance à des audiences et à des séminaires).
Comment est structurée la justice administrative en Israël ?
Il n’existe qu’un seul ordre de juridiction en Israël, avec trois niveaux de juridictions hérités du mandat britannique : 30 Magistrate Courts, juridictions de première instance en matière civile et pénale, selon les montants engagés et les peines susceptibles d’être prononcées, 6 District Courts, juridictions d’appel et de première instance pour certaines décisions administratives locales depuis 2000, et la Cour suprême, qui statue comme juge d’appel des arrêts des District Courts, comme juge de premier et dernier ressort sur la légalité des décisions des autorités nationales (Haute Cour de Justice ou « Bagatz») et, depuis 1995, comme juge de la constitutionnalité des lois. La « justice administrative » telle qu’on la connaît est donc principalement exercée par les Distinct courts, et par la Cour suprême, qui statue en appel sur ses décisions administratives et connaît également des décisions des autorités nationales en premier et dernier ressort.
Pouvez-vous nous indiquer un point saillant et original qui vous a frappé dans cette organisation, éventuellement transposable en France ?
Devant la Cour suprême, le recours est de droit contre les jugements rendus par les District Courts en première instance, mais les parties doivent demander l'autorisation de faire appel contre les jugements déjà rendus en appel. Ce filtrage est d’autant plus surprenant que la Cour suprême admet les pétitions contre les organismes publics et les autorités gouvernementales de manière très libérale. Cette conception asymétrique de l’intérêt pour agir, difficilement transposable, confère à la Cour de grandes marges de manœuvres pour se saisir de questions juridiques intéressantes. Deux traits saillants issus de la culture anglo-saxonne nous ont par ailleurs marqué : le caractère très animé des échanges devant le prétoire et le recrutement des juges parmi des professionnels expérimentés du monde judiciaire.
Agenda
29 novembre 2022
Entretiens du contentieux
12 décembre 2022
Conférence de Jean-Barthélémy sur Léonce de Lavergne
14 décembre 2022
Le dernier kilomètre des politiques publiques : quelle mise en œuvre sur le terrain ?
Février 2023
Le dernier kilomètre : Comment adapter les politiques publiques à leurs destinataires ?
Fin mars 2023
Action et agents publics mis au défi du dernier kilomètre
Mai 2023
Clôture du cycle : Intégrer le dernier kilomètre dès le premier : comment mieux associer les usagers et les agents de terrain à la mise en œuvre des politiques publiques ?
Retrouvez tous les anciens numéros de la Lettre de la justice administrative depuis octobre 2003
Que pensez-vous de cette édition ?
Votre avis nous intéresse !
Aidez-nous à améliorer la LJA en répondant à notre enquête en ligne en 3 minutes.

Recevez la Lettre de la justice administrative
Tous les trimestres, recevez par courriel un résumé des actes et des événements qui font la justice administrative