Lettre de la justice administrative n°75
LJA N°75 : Printemps-Été 2024
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Entretien avec Francis Lamy, président de la section sociale
Le 4 avril dernier, la section sociale du Conseil d’État rendait un avis sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Francis Lamy, président de la section sociale, revient sur l’examen du texte et les points saillants de l’avis du Conseil d’État.
Comment le Conseil d’État est-il intervenu pour l’examen de ce projet de loi ?
Comme pour tout projet de loi dont il est saisi en application de l’article 39 de la Constitution, le Conseil d’État a transmis deux textes au Gouvernement.
D’abord le projet de loi lui-même, dont la rédaction a été modifiée par rapport au texte que nous avait transmis le Gouvernement sur plusieurs points, de forme comme de fond, certains importants. Ensuite un avis qui accompagne ce projet de loi et présente l’examen auquel le Conseil d’État a procédé, les questions et difficultés que soulevait ce projet, et justifie les améliorations de rédaction et de fond qu’il propose au Gouvernement de retenir.
Cet avis a été rendu public par le Gouvernement, comme c’est la pratique constante – sauf exception – depuis que le Président François Hollande l’a décidé il y a près de dix ans. Destiné au Gouvernement il comporte plus de vingt pages et a pour objet de l’éclairer, avant qu’il ne délibère en conseil des ministres, sur le projet de loi. Mais au-delà, l’avis public du Conseil d’État est aussi un élément important versé au débat public, notamment devant le Parlement, à côté d’autres contributions mobilisées par le Gouvernement, comme celles du Comité consultatif national d’éthique, le rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie ou encore l’avis du Conseil économique, social et environnemental et de l’Académie nationale de médecine.
Que peut-on retenir de l’avis du Conseil d’État ?
D’abord que le Conseil d’État s’est attaché à éclairer son destinataire sur les enjeux de principe, éthiques et juridiques soulevés par le projet de loi.
Ainsi il a souligné que, au-delà de l’expression « aide à mourir » retenue dans le texte, le projet légalise, sous certaines conditions, « l’assistance au suicide et l’euthanasie » à la demande de la personne. Il a aussi relevé que le projet du Gouvernement introduit « une double rupture par rapport à la législation en vigueur (telle qu’issue notamment de la loi dite Claeys-Leonetti), d’une part, en inscrivant la fin de vie dans un horizon qui n’est plus celui de la mort imminente ou prochaine et, d’autre part, en autorisant, pour la première fois, un acte ayant pour intention de donner la mort. » Le Conseil d’État a également rappelé les limites de l’instrument juridique pour appréhender les situations de fin de vie, comme il l’avait fait dans son étude publiée en juin 2018 intitulée « Révision de la loi bioéthique : quelles options pour demain ? » dans laquelle il indique : « Il convient enfin de se garder de l’illusion que le droit pourrait se substituer à […] la "sagesse pratique", celle qui "consiste à inventer les comportements justes appropriés à la singularité des cas". Confrontant enfin la mesure principale du projet de loi aux principes et normes qui s’imposent juridiquement au législateur, le Conseil d’État a estimé « qu’aucune règle ou aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à un dispositif instaurant, en fin de vie, une assistance au suicide et une euthanasie à la demande de la personne. »
Dans son examen des différents articles du projet le Conseil d’État a notamment souligné les points suivants. A propos des dispositions du projet de loi sur les soins palliatifs, et après avoir rappelé les termes de son étude de 2018 selon lesquels l’accès à ces soins « constitue … une condition indispensable à l’expression d’une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie », le Conseil d’État a observé que « l’offre de soins palliatifs demeure très hétérogène sur le territoire et reste globalement insuffisante » et que « si le projet de loi ne comporte pas de dispositions de nature programmatique, notamment budgétaires, permettant de fixer des objectifs clairs à l’action de l’État, déterminés en termes quantitatifs et qualitatifs, le Conseil d’État prend acte de la volonté du Gouvernement d’arrêter prochainement un plan de développement des soins d’accompagnement qui aura cet objet. Il souligne la nécessité que ce plan déploie des moyens à la hauteur des besoins et bénéficie d’une mise en œuvre effective. » Concernant le dispositif d’assistance au suicide et d’euthanasie à la demande de la personne, le Conseil d’État a proposé d’apporter au projet de texte de loi plusieurs modifications, notamment pour mieux assurer la protection de la personne qui demande l’aide à mourir et pour mieux circonscrire l’étendue de la responsabilité du médecin.
Ainsi, par exemple, le Conseil d’État a proposé, après avoir rappelé que les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peuvent pas, selon le projet de loi, être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée, de le préciser explicitement dans le projet de loi, ainsi que d’indiquer que la demande de la personne doit être expresse. Il a aussi proposé de compléter le projet de loi pour préciser que le médecin chargé de se prononcer sur la demande d’aide à mourir est tenu de s’assurer que la personne peut avoir accès en pratique aux soins palliatifs si elle en a exprimé la demande lors de leur entretien.
S’agissant du cas particulier des majeurs dits « protégés » (le choix du Gouvernement étant de ne pas exclure ces personnes du dispositif), le Conseil d’État a proposé de modifier le projet de loi pour prévoir que la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique à accéder à l’aide à mourir, peut être contestée par la personne chargée de la mesure de protection devant le juge des tutelles.
De même, le Conseil d’État s’est attaché à améliorer la rédaction du projet pour que ses dispositions soient suffisamment claires et précises afin de se conformer au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, principe qui s’applique car en autorisant l’assistance au suicide et l’euthanasie, susceptibles en l’état du droit d’être qualifiées, suivant les circonstances, de délit ou de crime, le projet créé une cause d’irresponsabilité pénale par autorisation de la loi, au sens de l’article 122-4 du code pénal. Le Conseil d’État a souligné cependant « qu’il ne peut être exclu que des manquements dans la mise en œuvre de la procédure prévue pour l’accès à l’aide à mourir puissent donner lieu à des poursuites, notamment pour le délit d’homicide involontaire, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l’article 221-6 du code pénal. »
Le Conseil d’État a enfin constaté qu’en prévoyant une clause de conscience permettant aux professionnels de santé de ne pas concourir à la procédure d’aide à mourir le projet de loi permet de sauvegarder leur liberté de conscience, qui est constitutionnellement protégée. Il a aussi estimé que si le projet prévoit que cette clause de conscience ne bénéficie pas aux pharmaciens, la réalisation de la préparation magistrale létale et la délivrance de la substance létale, qui interviennent après la prise de décision autorisant l’accès à l’aide à mourir et avant la mise en œuvre de l’administration de la substance létale, ne concourent pas de manière suffisamment directe à cette aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience.
La justice administrative en actes
Contentieux
Étrangers
Le Conseil d’État juge qu’un refus d’entrée sur le territoire français peut être prononcé à l’encontre d’un étranger en situation irrégulière en vue d’une réadmission par un État lié à la France par un accord antérieur à la directive « Retour ».
Fiscalité
Le Conseil d’État précise l’office du juge de l’impôt saisi de la contestation d’une sanction pour omission déclarative infligée à un contribuable ayant fait l’objet, à raison des mêmes faits, d’une condamnation définitive pour fraude fiscale.
Audiovisuel
Le Conseil d’État enjoint à l’Arcom de réexaminer la demande de mettre en demeure l’éditeur de la chaîne d’information CNews de respecter ses obligations de pluralisme, appréciées au regard de l’ensemble des participants aux programmes diffusés et non des seules personnalités politiques, et d’indépendance, lesquelles peuvent être méconnues par les conditions de fonctionnement ou les caractéristiques de la programmation.
Indépendance et impartialité
Le Conseil d’État rappelle, dans sa formation de jugement la plus solennelle, les règles garantissant que les décisions rendues par la juridiction administrative le sont en toute indépendance et impartialité. En plus de leur statut, qui les prémunit de toute pression ou interférence extérieure, les membres du Conseil d’État et les magistrats administratifs sont soumis à des obligations pour éviter toute situation de conflit d’intérêts. Si l’exercice de fonctions administratives par un membre de la juridiction administrative ne porte pas atteinte par lui-même à son impartialité, il lui appartient de s’abstenir de prendre part au jugement dans différentes hypothèses, que le Conseil d’État a précisées. Dans cette affaire, il a jugé qu’il n’y avait pas d’atteinte au principe d’impartialité.
Union européenne
Le Conseil d’État juge que le « principe du pays d’origine », prévu à l’article 3 de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique, ne s’oppose pas à des dispositions nationales qui organisent une procédure permettant à une autorité administrative de mettre en demeure des prestataires de service de la société de l’information de mettre fin à la violation d’une obligation.
Interdiction de publicités numériques
La cour administrative d’appel de Nantes annule partiellement le règlement local de publicité de Brest métropole, en tant qu’il interdit ou restreint, dans certaines zones, les publicités numériques.
Liquidation définitive d’une astreinte
Constatant qu’en dépit d’injonctions du juge des référés, le préfet n’a pas procédé à l’hébergement deux jeunes étrangers, le tribunal administratif de Grenoble fait application pour la première fois des principes prétoriens dégagés par le Conseil d’État dans sa décision du 4 août 2021 « Association Les amis de la terre France et autres » n° 428409 et condamne l’État à verser les sommes de 30 000 et 21 000 euros réparties à parts égales entre le secours populaire de Grenoble, l’association France Terre d’Asile et l’ADATE-association dauphinoise d’accueil des travailleurs étrangers.
Interdiction d’accès – Liberté d’expression et d’opinion
Le juge des référés du tribunal administratif de Nice suspend la décision du directeur du campus de Menton de Sciences Po Paris interdisant l’accès du public à une conférence sur la question palestinienne organisée sur le campus comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, en l’occurrence la liberté d’expression et la liberté d’opinion.
Dette carbone
Le tribunal administratif d’Orléans juge que le repreneur d’une exploitation bénéficiant d’autorisations d’émission de gaz à effet de serre (GES) est redevable des rachats de quotas dus par l’ancien exploitant, même si celui-ci a fait l’objet d’une liquidation judiciaire
Intérêt supérieur de l’enfant
Le tribunal administratif de Pau juge que le point 3 des protocoles des 24 août 2020 et 19 mars 2021 portant sur la coopération entre les services de l’État et du département des Pyrénées-Atlantiques en vue d’évaluer la minorité des ressortissants étrangers se déclarant mineurs isolés et prévoyant la possibilité, pour les services de police, de procéder aux premières vérifications des documents présentés et, le cas échéant, de l’identité du jeune migrant se déclarant mineur non accompagné, sans avoir préalablement ou concomitamment avisé les services départementaux de la présence de ce jeune, méconnait les garanties nécessaires à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Protection subsidiaire
La Cour, saisie de la demande d’un palestinien originaire de Khan, a estimé que celle-ci n’était pas fondée sur le terrain de la convention de Genève. En effet, l’intéressé, non enregistré auprès de l’UNRWA, ne pouvait se réclamer des dispositions du 2e alinéa de l’article 1er D de la convention de Genève, ses craintes de persécution de la part du Hamas ayant par ailleurs été regardées comme non fondées. Mais, compte tenu de la situation prévalant actuellement dans la bande de Gaza où le conflit armé touche de manière massive et indistincte les civils, la juridiction a estimé qu’il encourrait une menace grave et individuelle en cas de retour du seul fait de sa présence sur ce territoire. Cette analyse se fonde sur des sources récentes, fiables et convergentes qui font état d’un nombre très important de victimes civiles, majoritairement des femmes et des enfants, et d’une situation humanitaire catastrophique caractérisée notamment par un déplacement massif de la population. Dès lors, ces éléments ont conduit la CNDA à considérer que la bande de Gaza connaît actuellement une situation de violence aveugle d’exceptionnelle intensité.
Avis
Avis sur un projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture. Sur l’obligation faite aux exploitants agricoles de déclarer leur intention de cesser leur activité cinq ans, et non plus trois ans, avant leur cessation d’activité effective, le Conseil d’État constate qu’il impose au secteur agricole un encadrement administratif lourd, de nature à contraindre l’exercice de l’activité d’exploitant agricole dans des proportions inédites. Il considère que ce dispositif porte une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle qui découlent de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil d’État relève que les dispositions du projet de loi qui soumettent à déclaration ou autorisation et imposent de compenser toute destruction de haie par la plantation d’une haie d’un linéaire au moins égal à celui de la haie détruite, imposent aux propriétaires ou exploitants une nouvelle contrainte particulièrement lourde. Il estime toutefois que la mesure répond à des considérations d’intérêt général, compte tenu de l’importance des haies bocagères pour la biodiversité et la protection de l’environnement. Il appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’en prévoir une mise en œuvre mesurée qui n’impose pas de contraintes disproportionnées à l’exploitant. Le projet prévoit l’application de procédures dérogatoires, destinées, selon les auteurs du projet de loi, à accélérer le contentieux contre les projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installation d’élevage. Le Conseil d’État estime que ces dispositions comportent des inconvénients importants en matière de sécurité juridique pour les justiciables et, plus généralement, pour la bonne administration de la justice. Il propose, en conséquence, de ne pas les retenir.
Avis sur un projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie
Dans son avis, le Conseil d’État rappelle tout d’abord les enjeux de principe, éthiques et juridiques qui ont guidé l’élaboration du texte, donne des éléments de comparaisons internationales puis rappelle que dans son étude de 2018 « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », les notions d’euthanasie et de suicide assisté avaient déjà été abordées. Dans son avis, il souligne tout d’abord la nécessité que le législateur définisse de manière précise ce qu’est « l’aide à mourir ». Le Conseil d’État explicite ainsi l’objet principal du projet de loi de créer une « aide à mourir » entendue comme la légalisation, sous certaines conditions, de l’assistance au suicide et, dans l’hypothèse où la personne n’est pas en mesure physiquement de s’administrer elle-même la substance létale, de l’euthanasie à la demande de cette personne. Il estime qu’aucune règle ou aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à ce dispositif. Il considère cependant que pour être conforme à ces principes et notamment à ceux énoncés à l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, un tel dispositif doit prévoir, d’une part, que la demande de la personne s’appuie sur la manifestation d’une volonté libre et éclairée et, d’autre part, que cette expression de volonté, s’agissant en particulier des personnes les plus vulnérables, soitentourée de garanties renforcées.
Avis sur un projet de loi de simplification
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi de simplification de la vie économique destiné aux entreprises. S’agissant de la réduction de la charge administrative des entreprises, le Conseil d’État suggère de compléter les mesures proposées afin de clarifier leur finalité d’allègement des contraintes pour les entreprises. Il recommande également de préciser que la suppression de certains régimes de déclaration préalable obligatoire est réservée aux régimes pour lesquels le respect des règles de droit concernées peut être assuré par d’autres moyens. Concernant l’unification du contentieux de la commande publique devant le juge administratif, le Conseil d'État invite à compléter l’étude d’impact en vue d’estimer la charge de travail supplémentaire que recevra la juridiction administrative ainsi que les moyens dont elle aura besoin pour remplir cette mission. Au sujet de l’adaptation des régimes des sanctions pesant sur les chefs d’entreprises, le Conseil d’État invite également à compléter l’étude d’impact avec des éléments de comparaison à l'échelle de l’Union européenne pour déterminer si, et dans quelle mesure, les autres États membres ont prévu des infractions comparables. Par ailleurs, le projet de loi prévoit de simplifier la procédure autorisant le traitement de données de santé à des fins de recherche dans le domaine de la santé n’impliquant pas la personne humaine. Le Conseil d’État estime que les conditions dans lesquelles cette simplification s’appliquera devront être définies par décret en Conseil d’État après avis de la CNIL.
Avis sur un projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables
Dans son avis rendu public par le Gouvernement, le Conseil d’État examine l’ensemble des dispositions du projet de loi. Concernant les mesures destinées à faciliter l’exercice par les collectivités territoriales de leur droit de préemption, il considère que les dispositions l’autorisant ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle au regard de l’objectif poursuivi. Il en déduit qu’elles ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Il recommande cependant au Gouvernement de compléter l’étude d’impact pour expliquer plus précisément les apports attendus de ces dispositions par rapport aux mesures existantes, en donnant des exemples concrets de cas dans lesquels elles pourraient être mises en œuvre. Sur l’article donnant aux bailleurs une plus grande latitude pour adapter le montant des loyers, le Conseil d’État invite le Gouvernement à renforcer l’analyse des impacts potentiels de cette mesure notamment pour évaluer les conséquences sur les montants minimums de loyers dans le logement social si la faculté ouverte par cet article était saisie par l’intégralité des organismes de logement social. Il propose de préciser dans le projet de loi les conditions dans lesquelles les hausses de loyer pourront être appliquées et de prévoir que les critères qui seront arrêtés pour définir la formule de calcul des loyers ou redevances seront fixés par décret en Conseil d’État et non, comme le prévoit le projet de loi, par décret simple.
Colloques et conférences
Souveraineté et démocratie
6 mars 2024
Notre démocratie repose sur le principe que: « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » (article 3 de la Constitution). Comment le peuple souverain s’exprime-t-il aujourd’hui ? Peut-on concilier la différenciation des territoires avec la souveraineté de l’État et l’unité de la République ? Quel rôle pour le juge ? Et comment protéger l’intérêt national et la vie démocratique face aux ingérences étrangères ? La troisième conférence du cycle annuel du Conseil d'État dédié à la souveraineté est revenue sur l’ensemble de ces questions.
État et partenaires sociaux : organisation et régulation du monde du travail
5 avril 2024
La treizième édition des « Entretiens en droit social » a abordé les rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux face aux défis actuels et à venir : quels champs respectifs, quelles méthodes, quels moyens d’action voire quelle légitimité, mais aussi quelles formes de relation (interaction, négociation, opposition voire substitution) ?
Souveraineté et globalisation
24 avril 2024
La mondialisation des échanges, les défis démographiques, le changement climatique et le progrès technologique sont autant de réalités globales qui modifient radicalement les modalités d’exercice de la souveraineté, dans un monde par ailleurs marqué par des tensions géopolitiques croissantes. Comment exercer sa souveraineté dans le contexte de ces réalités nouvelles, de ces nouveaux rapports de force ? Faut-il questionner nos dépendances, et si oui, selon quels critères ? Les États peuvent-ils encore imposer leurs règles aux nouvelles puissances du numérique ? Retour sur ces thématiques avec la 4e conférence du cycle annuel du Conseil d'État dédié à la souveraineté.
Conférence sur Georges Cahen Salvador
6 mai 2024
Le Comité d'histoire du Conseil d'État et de la juridiction administrative a organisé une conférence dédiée à Georges Cahen-Salvador (1875-1963), haut fonctionnaire et figure du Conseil d’État dont la carrière a été marquée par son engagement sur les questions économiques et sociales de son époque (retraites, assurances sociales, conseil national économique).
La souveraineté vue d’ailleurs
22 mai 2024
Si la souveraineté est une notion fondatrice des États modernes, toutes les nations n’en ont pas la même approche. Qu’est-ce qui différencie la vision française de la souveraineté de celles d’autres pays, même proches ? Comment s’exerce la notion de souveraineté dans des États fédéraux ? Quel est le lien entre souveraineté et puissance ou indépendance ? Autant de questions abordées lors de la conférence de clôture du cycle sur "La Souveraineté".
Actes des colloques
La transition énergétique ?
Le réchauffement climatique actuel met au défi nos modes de production et de consommation d’énergie fossile. Cet ouvrage, qui restitue les actes du colloque sur la transition énergétique organisé au Conseil d’État en octobre 2022, en examine les répercussions sociales et économiques majeures. Il questionne les fondements de la transition énergétique et ses objectifs à l’aune de l’évolution profonde de nos modes de production et de consommation de l’énergie, puis, dans un second temps, soulève les problèmes de faisabilité et les outils financiers ou juridiques d’accompagnement à mettre en place pour atteindre ces objectifs.
De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ? Regards croisés du Conseil d’État et de la Cour de cassation
La compliance (conformité) se situe dans le prolongement du droit de la régulation et en constitue un nouveau pas décisif. Cet ouvrage restitue les actes du colloque co-organisé par le Conseil d’État et la Cour de cassation en juin 2023. Il présente le changement de paradigme créé par cette nouvelle branche du droit et analyse les premiers secteurs concernés par la compliance (finance, banque, transports, télécommunications) à travers la réglementation, le droit souple, la jurisprudence et les pratiques. Il s’interroge aussi sur le rôle du juge et explore les enjeux des nouveaux champs de développement de la compliance.
La justice administrative au quotidien
Dernières parutions
Le rapport public 2023 des juridictions administratives est en ligne
Le rapport public du Conseil d'État présente l’activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives en 2023. Il rassemble les indicateurs d’activité, les dates et chiffres clés, propose une sélection de décisions et d’avis rendus par la juridiction administrative au cours de l’année écoulée, et rend compte de l’apport du Conseil d’État, dans sa double fonction consultative et juridictionnelle, à l’objectif essentiel de simplification du droit.
« Récit d’une année », le bilan d’activité du Conseil d’État 2023
Pollution de l’air, liberté d’association, problématiques de logement, politiques de l’emploi, accès à l’éducation… En 2023, les décisions de justice, les avis juridiques et les études du Conseil d’Etat ont continué de placer la vie des citoyens au cœur de son activité. Dans la nouvelle édition du bilan d’activité, intitulée « Récit d’une année », une série d’articles thématiques revient sur les moments forts de l’année écoulée et met en lumière le contexte et les conséquences des actions du Conseil d’État.
Rencontres en juridiction
Ces derniers mois, Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, s’est rendu dans les tribunaux administratifs de Châlons-en-Champagne, Dijon, Melun et Orléans dans le cadre de ses rencontres mensuelles avec les personnels des juridictions administratives. L’occasion d’échanger avec les agents des greffes et les magistrats sur l’activité et le fonctionnement quotidien des juridictions ainsi que sur leurs principaux contentieux.
Evénements
« Juger au Conseil d’État », un documentaire en immersion dans la mission de juge du Conseil d’État
En novembre 2023, le Conseil d’État condamnait l’État à payer 10 millions d’euros d’astreinte pour ne pas avoir exécuté une décision relative à la qualité de l’air. Comment cette affaire a-t-elle été jugée ? Quelles étapes ont permis d’aboutir à la décision finale ? Quels acteurs ont été saisis et quels étaient leurs rôles ? Au fil d’un court documentaire de 18 minutes, le Conseil d’État retrace, étape après étape, le jugement de l’affaire « Les Amis de la Terre ». Une immersion dans les coulisses de la mission de juge du Conseil d’État, à retrouver sur le site internet et la chaîne YouTube du Conseil d’État.
Rapport public 2023 : rencontre-débat au Conseil d'État
Dans le cadre de la sortie du rapport public 2023 de la juridiction administrative, le Conseil d’État a organiséle 21 mai 2024 un nouveau format derencontre-débat à destination des professionnels du droit (avocats, universitaires), des étudiantes et étudiants, des associations et des journalistes autour du rôle du juge administratif. Au programme : des échanges autour du rôle du juge administratif et une présentation d’une sélection d’avis et de décisions rendues par les juridictions en 2023.
Lutter contre les discriminations LGBT+ dans la fonction publique
Le respect du principe d’égalité par les administrations est une préoccupation quotidienne du Conseil d’État, qui s’engage à lutter contre toutes les formes de discrimination au sein de la juridiction administrative. À l’occasion de la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobiedu 17 mai 2024, le Conseil d’Etat a accueilli Olivier Klein, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), pour échanger et réfléchir sur les actions et les ressources nécessaires pour identifier, prévenir et traiter les actes de haine anti-LGBT+
Journée internationale contre la discrimination raciale
Responsabilité de l’État pour des actes antisémites, discrimination dans l’aide aux plus démunis, propos racistes dans des médias audiovisuels ou encore contrôles d’identité « au faciès » ... À l’occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, célébrée le 21 mars, le Conseil d’État est revenu sur sept décisions qui illustrent le rôle du juge administratif dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Prix de thèse 2024 du Comité d’histoire du Conseil d’État et de la juridiction administrative
Le 6 mars 2024, le prix de thèse 2024 du Comité d’histoire du Conseil d’État et de la juridiction administrative a été attribué à Clément Chevereau pour ses travaux sur « Une physiologie de l’impôt en Poitou (XVIIe-XVIIIe siècles). Contribution à l’identification d’un droit administratif sous l’Ancien Régime ». Tous les deux ans, ce prix récompense une thèse, quelle qu’en soit la discipline scientifique, intéressant directement l’histoire du Conseil d’État et de la justice administrative.
Métiers de la justice administrative
Emploi : la justice administrative présente au salon Choisir le service public
Le 12 mars 2024, le Conseil d’État a participé au Salon « Choisir le service public » qui a réuni 70 exposants – ministères, préfectures, collectivités et établissements publics. Cet événement a été l’occasion de présenter la diversité des emplois proposés par la justice administrative qui recrute chaque année dans près de 60 métiers : greffier, gestionnaire RH, rapporteur, secrétaire d’audience, comptable, assistant de direction, ingénieur systèmes, chargé de communication, documentaliste…. Ce salon a aussi permis d’échanger avec de nombreux visiteurs sur les voies d’accès à l’institution : sur concours ou par recrutement direct, en tant que contractuel ou agent titulaire.
Vidéo métier : magistrate administrative
Découvrez, en vidéo, le portrait de Claire Balaresque, magistrate administrative à la cour administrative d’appel de Marseille, qui exerce une « mission essentielle à l’État de droit en garantissant quotidiennement que l’administration respecte les droits et libertés de chaque citoyen ». Cette vidéo vient compléter la série sur les métiers de la justice administrative déjà composé de 4 autres vidéos – greffière en chef, rapporteur au contentieux et en section consultative, release train engineer.
Une JA à la Une
3 questions à Laurence Helmlinger, présidente de la cour administrative d’appel de Marseille
Quelles sont les spécificités de la cour administrative d’appel de Marseille ?
Ouverte en 1997, huit ans et demi après la création des premières cours administratives d'appel, la cour administrative d’appel de Marseille, alors compétente sur un ressort s’étendant sur le grand Sud-Est (Bastia, Marseille, Montpellier, Nice, Nîmes et Toulon), était devenue la cour la plus importante de France en volume d’activité. La création de la cour administrative d’appel de Toulouse, en 2022, qui étend sa compétence sur l’ensemble de la région Occitanie, donc sur les tribunaux de Montpellier et de Nîmes, a ramené la cour administrative d’appel de Marseille à l’étiage de la moyenne nationale mais n’a pas modifié sensiblement les caractéristiques de son activité. Ainsi, le contentieux du droit des étrangers y demeure moins important qu’ailleurs, quand le contentieux de l’urbanisme et de l’environnement est à l’image d’un territoire marqué, entre mer et montagne, jusques et y compris en Corse, par les tensions prévalant entre une forte pression démographique et touristique et l’application de législations cherchant à protéger du développement urbain les zones littorales comme les zones de montagne.
2023 a justement été marquée par l’importance des affaires jugées en matière d’urbanisme et d’environnement. Pouvez-vous nous en dire plus ?
En dépit de la réduction du champ de l’appel en contentieux de l’urbanisme, ces litiges, eu égard à leurs enjeux et sans doute à la pugnacité des parties, demeurent encore très significatifs à l’échelle de la cour administrative d’appel de Marseille. Les procédures de régularisation des autorisations de construire, des autorisations environnementales ou des documents d’urbanisme, entachés d’une illégalité, ont continué de poser aux magistrats de la Cour, comme à leurs collègues de toutes les juridictions administratives, des questions inédites à laquelle il a fallu apporter des réponses. La Cour s’est efforcée de le faire dans l’esprit de la loi, à savoir permettre au juge administratif de solder définitivement un litige plutôt que de renvoyer le sort de l’autorisation ou du document contesté à un contentieux ultérieur.
Vous venez de lancer, en partenariat avec la faculté de droit et de science politique de l’université d’Aix-Marseille et les barreaux d’Aix-en-Provence et de Marseille, une revue de jurisprudence. Pourquoi ? En quoi cette publication est importante pour vous et vos publics ?
Nous marchons ainsi sur les brisées de la cour administrative d’appel de Lyon qui avait ouvert la voie avec la revue Alyoda. Comme sa grande sœur, la revue AMarsada scelle un partenariat éditorial avec l’université et les barreaux. Ce partenariat a un double mérite : d’abord, il offre à la sagacité des commentaires des universitaires et des avocats les arrêts que la Cour elle-même estime pertinent de mettre en valeur ; ensuite, il permet de mutualiser nos réseaux respectifs pour assurer la diffusion la plus large possible de cette revue parmi tous les lecteurs intéressés par la jurisprudence administrative. Amorcée avec les décisions de la seule cour administrative d'appel de Marseille, cette revue a bien entendu vocation, dès qu’elle sera rôdée, à accueillir également les décisions des tribunaux administratifs de son ressort.
La justice administrative à l’international
Visite d'une délégation de la Cour européenne des droits de l'homme au Conseil d’État
Le 22 mars 2024, le Conseil d’État a accueilli une délégation de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) conduite par sa présidente, SíofraO’Leary pour un séminaire juridique en présence du vice-président du Conseil d’État, Didier-Roland Tabuteau. Plusieurs sujets ont été abordés dont ceux du contentieux de l’immigration et des enjeux actuels relatifs aux questions de bioéthique et à l’état des personnes.
Assemblée générale et séminaire annuel de l’ACA-Europe, à Inari (Finlande)
Du 24 au 28 mai 2024, une délégation conduite par la présidente de la section des études, de la prospective et de la coopération, Martine de Boisdeffre, s’est rendue à Inari (Finlande), pour assister à l’Assemblée générale de l’ACA-Europe, l’association des juges administratifs européens, dont le Conseil d’Etat est membre.
Rencontre avec Isabelle de Silva, présidente de la 6e chambre de la section du contentieux du Conseil d’État
En quoi a consisté votre mission au Brésil ?
Cette mission m’a permis de participer à plusieurs colloques et rencontres bilatérales avec le Superior Tribunal de Justiça (STJ), le Conseil national de la Justice (organe équivalent au Conseil supérieur de la magistrature), l’École de la magistrature de Rio de Janeiro, le Sénat brésilien, le ministère de l’environnement et du changement climatique et les départements de droit public de plusieurs universités à Rio et Brasilia. Les thèmes de débat étaient notamment le droit de l’environnement tel qu’il est mis en œuvre par les juridictions administratives françaises, avec un intérêt particulier pour les contentieux « climatiques », notamment l’affaire Grande Synthe traitée par le Conseil d’État et l’affaire Oxfam France et autres, dite « affaire du siècle » traitée par le tribunal administratif de Paris. Ce séjour m’a permis de présenter nos modes d’analyse et techniques contentieuses particulières, qui ont permis aux juridictions de se prononcer sur le respect par l’État français de ses obligations en matière de changement climatique.
Sur la justice climatique, les juges brésiliens sont-ils confrontés aux mêmes défis que nous ?
L’enjeu climatique est très présent au Brésil. La préoccupation environnementale y est très forte, non seulement compte tenu de l’envergure du territoire et des problèmes de pollution ou de conservation auxquels il est confronté, mais aussi du fait du rôle spécifique que jouent les forêts brésiliennes dans la préservation des écosystèmes et du climat (forêt amazonienne, Mata Atlantica sur la côte atlantique). À ce stade le Brésil n’a pas encore connu de contentieux climatique « systémique » analogue aux affaires traitées par le juge administratif en France, mais le climat apparait d’ores et déjà dans une centaine de contentieux traités par les juridictions brésiliennes. Les approches et réflexions développées par les juridictions françaises suscitent donc un grand intérêt de la part de nos collègues brésiliens, de même que la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a reconnu et consacré le droit des générations futures à la protection de l’environnement.
Pouvez-vous nous dire quelques mots de l'organisation de la justice au Brésil ?
L’organisation de la justice au Brésil est la résultante de la nature fédérale de l’État brésilien. La juridiction est ainsi organisée à deux niveaux : au niveau des États fédérés (au nombre de 26, auxquels s’ajoute le « District fédéral » de Brasilia) qui composent la république fédérative du Brésil, d’une part, et au niveau de l’État fédéral, d’autre part. La Constitution brésilienne reconnaît, par ailleurs, l’existence d’un « pouvoir judiciaire », placé au même niveau que le pouvoir législatif et que le pouvoir exécutif (tandis qu’en France, la Constitution consacre « l’autorité judiciaire »). On parle ainsi d’une « dualité » du pouvoir judiciaire, entre la justice fédérale, administrée par l’Union, et la justice relevant des États. Pour chacune de ces deux branches, on trouve, comme en France, trois niveaux de juridictions. Au premier niveau, les juridictions de première instance prennent des décisions rendues par un juge unique, tandis qu’en deuxième instance, elles émanent de formations collégiales. Les États disposent de tribunaux de justice qui constituent un « troisième niveau », tandis que les juridictions fédérales sont également organisées en « trois niveaux ». Au sommet des deux branches se trouvent le Superior Tribunal de Justiça (STJ), qui intervient, notamment comme juge de cassation régulateur de l’ordre de la justice des États comme de la justice fédérale. Il occupe donc la fonction de la Cour de cassation et du Conseil d’État réunis. Le droit administratif est très présent au Brésil mais est traité au sein des différentes juridictions et du STJ (et plus particulièrement la 1ère Section de ce dernier).
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Lundi 24 juin 2024 – 18h00 à 20h00
L'arrêt Barel du 28 mai 1954
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