Lettre de la justice administrative n°74
LJA N°74 : Hiver 2024
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À la Une
Édito de Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État

L’article L. 12 du code de justice administrative dispose désormais qu’ « Avant d'entrer en fonctions, les membres du Conseil d'État et les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel prêtent serment publiquement, devant le vice-président du Conseil d'État ou son représentant, de remplir leurs fonctions en toute indépendance, probité et impartialité, de garder le secret des délibérations et de se conduire en tout avec honneur et dignité. »
Ce serment commun aux magistrats administratifs et aux membres du Conseil d'État est une marque solennelle de l’unité de la juridiction, une juridiction liée dans l’application d’un même droit et par le respect des valeurs ainsi énoncées Le législateur a gravé dans le marbre de la loi les termes qui habitent la juridiction administrative et qui commandent l'exercice par ses membres de leurs fonctions. Il fait coïncider une obligation, qui préexistait et qui était rigoureusement respectée, et l’engagement de celle ou celui qui le prononce.
Alors que s’ouvre l’année 2024, perpétuer les engagements solennisés par le serment, remplir nos fonctions de façon exemplaire, le faire en s’adaptant aux nécessités du temps, sont autant de résolutions constamment renouvelées par tous les magistrats des tribunaux et des cours administratives d’appel et membres du Conseil d'État.
La justice administrative en actes
Contentieux
Pollution de l’air
En 2021 et en 2022, le Conseil d’État avait constaté que l’État n’avait pas pris les mesures nécessaires pour faire respecter les seuils européens de pollution de l’air dans plusieurs zones urbaines de France concernant les particules fines et le dioxyde d’azote. Il avait condamné l’État a à payer 3 astreintes de 10 millions d’euros par semestre de retard. Le Conseil d’État constate par cette nouvelle décision que la pollution persiste dans les deux zones de Paris et Lyon mais que la situation s’est améliorée dans les autres zones. En conséquence, il condamne l’État au paiement de deux astreintes de 5 millions d’euros pour les deux semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023, en divisant par deux le montant de l’astreinte prononcée par semestre.
Fiscalité
Le Conseil d’État annule les commentaires administratifs concernant l’application, dans certains montages de type « CumCum », de la retenue à la source sur les dividendes par les établissements bancaires.
Dissolution d’associations et groupements de fait
Le Conseil d’État, saisi de quatre décrets de dissolution d’association et de groupement de fait en raison de leur provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, précise les conditions dans lesquelles ces dissolutions peuvent être prononcées. Après avoir apprécié le degré de gravité des provocations reprochées, le Conseil d’État annule la dissolution des Soulèvements de la Terre mais confirme celles du Groupe Antifasciste Lyon et Environs (dit « la GALE »), de l’Alvarium et de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CRI).
Police
L’Assemblée du contentieux enjoint au ministre de l’intérieur de prendre, dans un délai de 12 mois, toutes les mesures nécessaires pour garantir que le numéro d’identification individuel (RIO) soit effectivement porté par les policiers et gendarmes. Il enjoint également que ce numéro soit agrandi afin qu’il soit suffisamment lisible, en particulier lorsque les forces de l’ordre interviennent lors de rassemblements ou d’attroupements.
Procédure
Dans le cadre d’une action de groupe relative aux contrôles d’identité discriminatoires des forces de police, l’Assemblée du contentieux fixe l’office du juge administratif saisi d’un recours contre une carence généralisée de l'administration. Il considère que les demandes qui lui sont soumises en l'espèce impliqueraient de redéfinir une politique publique et doivent être rejetées dans la mesure où la détermination d’une politique publique ne relève pas du juge administratif.
Responsabilité
Par trois arrêts du 6 octobre 2023, la cour administrative d’appel de Paris reconnaît la responsabilité de l’Etat dans la constitution d’un stock insuffisant de masques avant la pandémie de covid-19 et dans la communication gouvernementale sur le port du masque au début de la pandémie.
Vidéosurveillance
Le juge du référé-liberté du tribunal administratif de Caen enjoint à la communauté de communes Cœur Côte Fleurie de cesser de surveiller l'espace public au moyen de caméras intelligentes dès lors que cela constitue une atteinte grave et manifestement illégale au respect de la vie privée.
Domaine public
Le tribunal administratif de Marseille rejette les six requêtes de l’Olympique de Marseille tendant à l’annulation des redevances mises à sa charge par le maire de Marseille durant la crise sanitaire en contrepartie de la mise à disposition du stade Vélodrome.
Action en reconnaissance de droit
Le tribunal administratif de Montpellier statue sur une action en reconnaissance de droit en matière d’aides d’État à la conversion ou au maintien en agriculture biologique et estime que la période de référence de cinq années pour en bénéficier peut-être entièrement postérieure à la campagne de 2015 ou partiellement exécutée avant la campagne de 2015.
Mégabassines
Par deux jugements du 3 octobre 2023, le tribunal de Poitiers annule la création de quinze réserves de substitution dans les départements de la Charente, des Deux-Sèvres et de la Vienne, car elles sont surdimensionnées.
Soudan – Darfour Nord
Par une décision du 21 décembre 2023, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) accorde l’asile à un ressortissant soudanais originaire du Darfour Nord en raison de la situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle sévissant dans cet État du Soudan.
Avis

Avis sur un projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire
Ce projet de loi vise à définir les missions et le fonctionnement de la nouvelle autorité administrative indépendante, dénommée Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), résultant de la fusion de l’actuelle Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN) et à adapter les règles de la commande publique liées aux projets nucléaires.
Le Conseil d’État estime que la disparition de l’IRSN et le regroupement de ses services avec ceux de l’actuelle ASN, au sein d’une AAI, ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel.
Il estime que l’étude d’impact finale du projet de loi est satisfaisante mais que les motifs qui ont conduit à ne pas doter l’ASNR de la personnalité morale, sous la forme d’une autorité publique indépendante (API), sont encore à préciser.
En ce qui concerne les ressources humaines de l’ASNR et le transfert des agents de l’IRSN, le Conseil d’État souligne que la solution qui conduit à faire durablement de l’État, pour l’exercice de missions de contrôle et d’expertise dans un domaine sensible, l’employeur de salariés de droit privé, doit être regardée comme exceptionnelle.
Le Conseil d’État ne retient pas trois dispositions du projet de loi enjoignant, en premier lieu, à l’IRSN età l’ASN de consacrer un total d’environ 16 M€ à des augmentations salariales en 2024, en deuxième lieu,au Gouvernement de remettre un rapport sur les besoins prévisionnels humains et financiers au 1er janvier 2025 de l’ASNR ainsi que les mesures destinées à améliorer l’attractivité de ses conditions d’emploi et, en troisième lieu, à cette autorité d’en faire de même pour la période couvrant les cinq années suivant sa création. Il estime que ces dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi tel qu’il est défini à l’article 34 de la Constitution.
En ce qui concerne la sécurisation des procédures de la commande publique pour les porteurs de projets nucléaires, le Conseil d’État ne retient pas la possibilité de tenir compte de la « crédibilité » des offres dans le choix du co-contractant, prévue dans le projet de loi.

Avis sur un projet de loi constitutionnelle relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse
Le Conseil d’État estime que le projet de loi devrait pouvoir s’adapter aux évolutions de toute nature, notamment techniques, médicales ou scientifiques concernant l’IVG. Il considère que le texte laisse au législateur la possibilité de faire évoluer le cadre juridique dans lequel s’exerce cette liberté, enfixant les garanties et les limites, conformément à l’équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d’une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme. Pour atteindre le double objectif recherché par le Gouvernement, d’assurer que la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse soit garantie par la Constitution et d’affirmer la compétence du législateur, le Conseil d’État recommande préférable, plutôt que d’insérer l’incise « qui lui est garantie », de retenir la rédaction suivante : « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

Avis sur un projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement
Ce projet de loi vise à lutter contre l'habitat indigne en permettant une intervention précoce sur l’habitat dégradé et en simplifiant les procédures administratives et judiciaires pour y remédier. Le Conseil d’État propose notamment de renforcer les conditions et garanties auxquelles est soumise la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique des immeubles insalubres ou dégradés en suggérant au Gouvernement d’ajouter les trois points suivants. Il considère tout d’abord que la nécessité d’exproprier doit résulter de la carence persistante des propriétaires à exécuter les mesures prescrites, démontrée par le fait qu’au moins deux arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité n’ont pas été exécutés au cours des dix années civiles écoulées. Il estime aussi que l’existence de travaux à réaliser pour prévenir la dégradation de l’immeuble doit être avérée par un rapport établi par des services techniques ou un expert. Il ajoute enfin que la protection des occupants doit être garantie par l’élaboration d’un projet de plan de relogement lorsque l’état de l’immeuble à exproprier ou les travaux à effectuer justifient, pour préserver la sécurité ou la santé des occupants, une interdiction temporaire d’y habiter.

Avis relatif à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie
Le Conseil d’État a été saisi par la Première ministre d’une demande d’avis relative à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie,dans le cadre de l’accession à la pleine souveraineté de ce territoire. S’agissant des possibilités d’évolution du régime électoral des assemblées de province et du congrès, le Conseil d’État estime que l’organisation politique issue dela mise en œuvre de l’accord de Nouméa ne peut être modifiée sans une révision de la Constitution, notamment pour faire évoluer les dérogations aux règles et principes de valeur constitutionnelle de cet accord.
Par ailleurs, le Conseil d’État constate que les règles en vigueur dérogent significativement aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage, notamment en excluant du droit de vote des personnes nées en Nouvelle-Calédonie ou qui yrésident depuis plusieurs décennies. Il estime qu’à défaut d’une révision constitutionnelle intervenant rapidement, le législateur organique disposerait d’une marge limitée pour corriger les effets des évolutions démographiques, allant au-delà de la volonté des signataires de l’accord de Nouméa, sur la définition du corps électoral.
Concernant le report des élections provinciales prévues en mai 2024, le Conseil d’État estime que le dépôt d’un projet de loi constitutionnelle ou d’un projet de loi organique, modifiant le régime électoral des assemblées de province et du congrès ou présentant un processus suffisamment engagé de négociation en ce sens, constituerait un but d’intérêt général suffisant permettant au législateur organique de prolonger les mandats en cours des membres des assemblées de province et du congrès et de reporter leur élection.

Avis sur un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
S’agissant du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui permet la taxation carbone des produits importés dans l’Union européenne, le Conseil d’État précise que les règles constitutionnelles relatives à la détermination de l’autorité compétente pour instituer des sanctions administratives et en définir le quantum s’appliquent aux mesures nationales nécessaires à l’exécution d’un règlement européen. Lorsque les obligations et les manquements sont entièrement définis par un tel règlement, il y a lieu de déterminer la nature (législative ou règlementaire) des dispositions nationales fixant le quantum de l’amende, en prenant en compte la matière à laquelle, dans l’ordre interne, seraient rattachées ces obligations. Le Conseil d’État retient que, dans l’ordre interne, les obligations faites à des opérateurs économiques, dont les activités s’exercent en principe librement, n’auraient pu être imposées que par la loi. Il en déduit qu’il appartient au législateur de définir le quantum de l’amende.

Avis sur un projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et la répression des emprises mentales gravement dommageables
Le Conseil d’État a estimé que la création d’un délit autonome destiné à réprimer les agissements qui ont pour effet de créer un état d’assujettissement psychologique ou physique n’était pas contraire au principe de légalité des délits et des peines dès lorsque la définition des faits incriminés était suffisamment précise et qu’ils résultaient d'actions directes, c’est-à-dire dirigées vers une personne identifiée, et non d'un discours général et impersonnel, par exemple tenu sur un réseau social. Il a également admis la création d’une circonstance aggravante lorsque la victime est en état de sujétion psychologique ou physique et que l’auteur de l’infraction connait cette vulnérabilité particulière.
Colloques
La norme, frein ou moteur pour le logement ?
8 novembre 2023
Offre de logement, disponibilité du foncier, rénovation du stock existant, part croissante dans le budget des ménages, etc. Aujourd’hui, le logement est affecté par la conjugaison d’une crise conjoncturelle et de difficultés structurelles. Ce colloque a abordé l’impact et l’efficacité des normes en vigueur en matière de construction et d’habitation, aussi bien directs qu’indirects, en confrontant les points de vue d’acteurs et de spécialistes de ce sujet.

Les fondements de la souveraineté
14 novembre 2023
La première conférence du cycle annuel du Conseil d'État dédié à la souveraineté est revenue sur la portée actuelle de cette notion. Quels sont les fondements de la souveraineté ? Comment s’exercent aujourd’hui ses attributs classiques ? Comment les conforter face aux défis auxquels ils sont exposés ? Notre cadre institutionnel et juridique est-il toujours adapté et efficace et, le cas échéant, comment l’améliorer ?

L’intérêt général
28 novembre 2023
Fondatrice de l’action publique et centrale pour le juge administratif, la notion d’intérêt général apparait aujourd’hui brouillée voire incomprise. Elle semble d’ailleurs disparaître du débat public comme du discours politique, au profit du « bien commun » ou de « l’utilité publique ».Ce colloque a été l’occasion de revenir sur l’intérêt général en interrogeant les tensions nouvelles auxquelles il est soumis au regard de l’affirmation d’intérêts individuels (liberté d’expression, droits sociaux, droit à un environnement équilibré), dans un paysage où s’imposent de nouveaux enjeux (droit de l’environnement, droit du numérique).

La proximité et la qualité des services rendus au citoyen
13 décembre 2023
Co-organisé par le Conseil d’État et la Cour des Comptes, ce colloque est revenu sur les questions de la proximité et de la qualité des services rendus au citoyen au travers de trois tables-rondes sur l’accès aux soins, la gestion de l’eau et des déchets, et le maintien ou le rétablissement de services de proximité. Il s’inscrit dans le prolongement du rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes : La décentralisation 40 ans après et de l’étude annuelle 2023 du Conseil d’État : L’usager, du premier au dernier kilomètre de l’action publique.

70e anniversaire des tribunaux administratifs. Histoire d’une juridictionnalisation
15 décembre 2023
Le décret du 30 septembre 1953 créé les tribunaux administratifs et abroge ainsi le système hérité du Consulat et plusieurs fois réformé : celui des conseils de préfecture. Depuis, des évolutions importantes ont accru les conditions de fonctionnement et les pouvoirs des tribunaux administratifs dontle nombre est passé de 31 en 1953 à 42 aujourd'hui. A l’occasion de leur 70e anniversaire, ce colloque s’est articulé autour de trois tables rondes consacrées à la création des tribunaux administratifs, à leurs compétences comme juges de droit commun du contentieux administratif et à leurs magistrats.

Les nouvelles dimensions de la souveraineté
Mercredi 24 janvier 2024
Souveraineté énergétique, souveraineté numérique et industrielle, souveraineté alimentaire, souveraineté sanitaire, etc. Quelles sont les conditions d’exercice de ces nouvelles formes de souveraineté ? Peut-on être souverain en tout ? Doit-on faire des choix ? Quels effets les pertes ou les gains de souveraineté engendrent-ils sur le quotidien des citoyens ? Comment maîtriser ces effets ? La 2e conférence du cycle annuel du Conseil d’État dédié à la Souveraineté a été l’occasion d’aborder ces questions, à travers le cas particulier de la souveraineté sanitaire.

Actes des colloques
La simplification normative
Cet ouvrage restitue les actes du colloque sur la simplification normative co-organisé en octobre 2022 par le Conseil d’État et le Conseil national d’évaluation des normes. Il évoque notamment les enjeux liés à la qualité et à la quantité de la norme dans la mise en œuvre de l’action publique, les finalités de la norme et sa prise en compte par ses destinataires. Il propose enfin une nouvelle approche normative fondée sur les principes de proximité et d’adaptabilité.

La justice administrative au quotidien
Dernières parutions
L’Abécédaire de la justice administrative, une exposition à découvrir en ligne ou devant le Conseil d’Etat !
De A comme antenne, à Z comme zoo, l’exposition « abécédaire » met en lumière, au gré de 26 photos d’art, le rôle du Conseil d’État et de l’ensemble de la juridiction administrative dans tous les domaines de la vie quotidienne : des droits sociaux au numérique en passant par l’environnement, la santé, la sécurité ou encore l’éducation.Cette exposition est à retrouver sur les grilles du Conseil d’État au Palais-Royal (Paris), sur le site « abécédaire.justice-administrative.fr » et les réseaux sociaux du Conseil d’État.

Les chiffres clés 2023 de la juridiction administrative
Nombre d’affaires jugées, délais moyens de jugement, nombre d’avis rendus… Les chiffres clés de la juridiction administrative reviennent sur quelques indicateurs phares de l’activité 2023 du Conseil d’État, des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, de la Cour nationale du droit d’asile et de la commission du contentieux du stationnement payant.

Rencontres en juridiction
Ces derniers mois, Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, s’est rendu dans les tribunaux administratifs de Toulon et Besançon, et à la cour administrative d’appel de Paris dans le cadre de ses visites mensuelles en juridictions administratives. L’occasion d’échanger avec les équipes sur l’activité et le fonctionnement quotidien ainsi que sur leurs principaux contentieux.

Sur le terrain
La juridiction administrative mobilisée à l’occasion du Duoday
Le 23 novembre 2024,la juridiction administrative a une nouvelle fois participé au Duoday, cette journée nationale d’échange et de découverte invitant les personnels à partager leur quotidien avec une personne en situation de handicap. Plus de 50 duos se sont formés au Conseil d’État, dans les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel età la Cour nationale du droit d’asile.

L’étude annuelle 2023 du Conseil d’État présentée au Conseil économique, social et environnemental
A l'occasion de sa séance plénière du mardi 12 décembre 2023, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a invité le Conseil d’État à présenter sa dernière étude annuelle « L’usager du premier au dernier kilomètre de l’action publique : un enjeu d’efficacité et une exigence démocratique ». Cette présentation a permis d’échanger avec les acteurs présents, largement évoqués dans l’étude : associations, syndicats, organisations patronales, etc.

Une délégation du Conseil d’État à l’Institut national du service public et à l’École nationale de la magistrature
En janvier, le vice-président du Conseil d’État s’est rendue à l’Institut national du service public puis à l’École nationale de la magistrature pour échanger avec les étudiants, futurs hauts fonctionnaires et magistrats judiciaires.

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale au Conseil d’État
Pour renforcer le dialogue avec les parlementaires et mieux faire connaître le rôle de la justice administrative, le Conseil d’État organise régulièrement des rencontres avec les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est dans ce cadre que le vice-président du Conseil d’État a reçu des membres de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 1er février 2024. L’occasion de rappeler la mission de conseil juridique du Conseil d’État qui peut, à la demande des parlementaires et des présidents des assemblées, donner un avis juridique indépendant sur certaines propositions de loi.

Le Conseil d’État renouvelle sa convention avec l’association La Cordée
Mobilisée dans la lutte contre toutes les formes de discrimination et engagée en faveur de l’égalité et de la diversité, la juridiction administrative a renouvelé, en janvier 2024, la convention signée en 2022 avec l’association La Cordée, qui œuvre pour l’égalité des chances dans la fonction publique. Cet accord vise notamment à faire découvrir les métiers des juridictions administratives à des jeunes qui en sont éloignés et à les accompagner grâce à un dispositif de mentorat.

Une JA à la Une
3 questions à Fabienne Billet-Ydier, présidente de la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP)
La CCSP a enregistré plus de 165 000 nouveaux recours en 2023, et ce chiffre est en constante augmentation depuis quelques années. Comment expliquer ce nombre de recours ?
Tout d’abord, il faut rappeler que la CCSP est une juridiction administrative à compétence nationale. Elle peut être saisie par tout automobiliste qui a vu sa demande d’annulation d’un « forfait de post-stationnement », ou FPS – les anciennes amendes de stationnement – rejetée par la commune où son véhicule était stationné.
Cette augmentation du nombre de FPS s’explique surtout par la généralisation du caractère payant du stationnement, en particulier en centre-ville (les communes voulant maîtriser la circulation) et le recours à des dispositifs automatisés des plaques d’immatriculation pour procéder aux « verbalisations ».
En 6 ans, le nombre de FPS a presque doublé, passant à 13 millions en 2022. Il est ainsi logique que le nombre de contestations auprès de la CCSP ait augmenté, de 72 000 en 2018 à près de 170 000 en 2023. En parallèle, l’activité de la CCSP a également augmenté passant de 11 000 décisions en 2018 à 130 000 en 2023.
Qui saisit la CCSP ? Quelles sont les situations concrètes que rencontre la CCSP ?
Les automobilistes,qui estiment avoir été « verbalisés » à tort –par exemple car l’emplacement n’était pas payant ou qu’ils avaient bel et bien pris un ticket de stationnement –, peuvent demander à la CCSP d’annuler la décision prise par la commune.
De nombreuses personnes en situation de handicap qui ont une carte « mobilité inclusion stationnement » peuvent également par erreur recevoir un forfait de post-stationnement. Parfois aussi, les automobilistes qui n’ont pas déclaré leur changement d’adresse ne reçoivent pas les FPS qu’ils ne peuvent donc pas payer dans le délai de trois mois ; une majoration de 50 euros s’applique alors.
Les cas d’usurpation de plaques d’immatriculation ou même d’identité ont des conséquences financières graves pour les personnes qui saisissent la CCSP. À chaque fois, la CCSP veille à ce que les situations les plus difficiles, notamment pour les personnes les plus fragiles, soient examinées prioritairement, le montant cumulé des FPS pouvant être important et avoir des impacts sérieux sur leur situation personnelle.
Quels sont les principaux défis de la CCSP pour les mois à venir ?
Notre priorité est de réduire nos délais de jugement qui s’élèvent à 24 mois aujourd’hui. C’est un vrai défi car le nombre de recours a doublé en 6 ans et le stock des recoursrestant à juger s’élève à 215 000 fin 2023. Le chantier est immense. Il s’agit tout à fois de repérer dès l’arrivée les requêtes qui doiventêtre traitées prioritairement et de répondre dans un délai acceptable pour l’ensemble des requérants.
Mais un de nos défis est également de mieux faire comprendre la place de la CCSP et la procédure pour la saisir. Malgré nos efforts, de nombreux automobilistes nous saisissent encore hors délais ou alors qu’ils n’ont pas fait de recours préalable auprès de la commune. En parallèle, un vrai travail doit aussi être mené avec les collectivités afin qu’elles connaissent notre jurisprudence.

La justice administrative à l’international
Séminaire d'études au Conseil d'État avec la cour administrative et le Conseil d’État du Luxembourg
Le 19 janvier 2024, Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, a reçu une délégation de la Cour administrative et du Conseil d'État du Grand-Duché du Luxembourg, menée par les présidents de ces deux institutions, Francis Delaporte et Christophe Schiltz. Ont notamment été abordés la question des actes de gouvernement et l’élaboration des avis du Conseil d'État, l'arrêt Procola de la Cour européenne des droits de l'homme et ses répercussions, à la fois au Luxembourg et en France.

Rencontre avec Daniel Calleja Crespo, directeur général du Service juridique de la Commission européenne,
Depuis 1953, le Service juridique de la Commission européenne est le conseiller juridique de la Commission européenne. Au-delà de cette mission, il joue aussi un rôle clé dans le fonctionnement des institutions européennes, notamment auprès de la Cour de justice de l’Union européenne.À l’occasion de son 70e anniversaire, et du colloque organisé au Conseil d’État dans ce cadre, rencontre avec Daniel Calleja Crespo, directeur général.
Pouvez-vous nous décrire le rôle joué par le Service juridique de la Commission européenne ?
Le Service juridique de la Commission européenne a été créé dès la mise en place des premières institutions par les différents traités européens, en 1953. En effet, leur principe était de bâtir une communauté de droit et de développer les politiques européennes par l’application de règles communes pour tous les États. La Cour de justice de l’Union européenne a par la suite statué que ces règles communes, sous certaines conditions, étaient susceptibles d’avoir un effet direct sur la vie des citoyens européens.
Au fil du temps, le Service juridique s’est développé et a affirmé ses trois fonctions principales :
- conseiller le Collège et les services de la Commission de façon indépendante, notamment dans l’élaboration de la législation européenne ou la négociation d’accords internationaux,
- représenter la Commission devant la Cour de justice et le Tribunal de l’Union européenne, les juridictions nationales et internationales et les instances arbitrales dans toutes les affaires concernant l’application du droit de l’Union européenne, mais aussi d’assister la Cour de justice en présentant la position de la Commission dans toutes les questions préjudicielles posées par les juridictions nationales,
- veiller à assurer la cohérence et la finalité de la réglementation européenne.
Quel était l’objectif du colloque organisé au Conseil d’Etat le 1erdécembre à l’occasion du 70e anniversaire ?
Le colloque organisé au Conseil d’État estl’occasion demieux faire connaître le Service juridique et son importance au sein des institutions européennes mais aussi de créer des opportunités d’échanges avec les professionnels du droit, les universitaires, les étudiants, et plus largement tous les citoyens, pour expliquer le rôle majeur du droit européen dans la vie quotidienne de tous.
Le Conseil d’État est un partenaire privilégié du Service juridique et il est particulièrement stimulant d’engager ensemble un dialogue sur les grands enjeux juridiques et sur l’application de la législation de l’Union européenne.

Agenda
Mercredi 6 Mars 2024 17h30 à 19h30
Souveraineté et démocratie (Étude annuelle 2024)
Vendredi 5 avril 2024 - 9h30 à 17h30
Les Entretiens du Conseil d’État en droit social
Mercredi 24 avril 2024 –17h30 à 19h30
Souveraineté et globalisation (Étude annuelle 2024)
Mercredi 22 mai 2024 -17h30 à 19h30
La souveraineté, vue d’ailleurs : regards croisés (Étude annuelle 2024)
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